Reinoud van Mechelen, Philippe Estèphe, Ema Nikolovska, Gwendoline Blondeel, a nocte temporis , le chœur de chambre de Namur, Versailles, 2 décembre 2024. Photographie © musicologie.org.
Pour ce concert, coproduit par le CMBV, l’Opéra royal et Château de Versailles Spectacles, associés à l’ensemble « a nocte temporis » de Reinoud van Mechelen, le chef et ténor avait imaginé une double affiche. Connu pour ses affinités avec Rameau dont il a notamment défendu les couleurs dans son magnifique disque consacré à Jelyotte, le ténor offrait une double découverte, celle d’un compositeur oublié, Pierre Iso (1715-1794), surtout connu pour sa réponse à la Lettre sur la musique française de Rousseau et d’une de ses œuvres, Zémide, couplée avec Pygmalion, acte de ballet composé par Rameau en 1748.
L’acte de ballet d’Iso n’est qu’une parmi les nombreuses œuvres d’un important catalogue, mais elle donne l’idée d’un talent et d’une certaine originalité. Créé en 1745, il s’agit d’une énième variation sur le thème de l’amour vainqueur. La Princesse Zemide se refuse à Phasis, mais l’Amour qu’elle tente de neutraliser saura la rattraper de sa flèche et elle tombera au final conquise dans les bras de son amant. La partition ne manque pas de charme. Son orchestration se ressent clairement de l’influence de Rameau. Elle est à son meilleur dans les ritournelles et les airs de danse. Ainsi l’air d’entrée de l’Amour qui décrit le paysage sinistre de l’Ile de Scyros dont il est banni, avec son accompagnement de basson, entretient une étonnante parenté avec celui de Telaîre « Tristes apprêts » dans Castor et Pollux. Les deux morceaux les plus intéressants sont les duos, celui qui oppose les deux sopranos et celui qui réunit les deux amants. Ce dernier est le seul où Phasis dépasse le rôle d’utilité, incarné avec un beau relief par le baryton Philippe Estèphe. Le rôle-titre est défendu non sans une petite touche d’humour par la mezzo Ema Nikolovska à la voix puissante et richement timbrée et il revient à Gwendoline Blondeel et son soprano brillant d’assumer le rôle de l’Amour dans les deux œuvres.
Dans Pygmalion, Reinoud Van Mechelen alterne deux rôles, celui de chef d’orchestre et celui du héros éponyme. La clarté de son articulation, l’expressivité de son phrasé font merveille et ses deux derniers airs à vocalises sont un véritable festival où il se révèle époustouflant de virtuosité et d’élégance sans jamais perdre de vue la cohérence d’ensemble. Car chez lui, le chef n’est pas moindre que le chanteur et sa direction précise, son geste clair, plein de ressort et de vivacité, fait vivre la musique avec bonheur. Il est bien servi par un ensemble orchestral impeccable et par le chœur de chambre de Namur d’une remarquable homogénéité. La soprano Virginie Thomas sort du chœur pour venir prêter sa voix à la statue de Pygmalion qui s’éveille à la vie, de façon très subtile et Ema Nikolovska incarne ici Céphise, l’amante délaissée de Pygmalion. À n’en pas douter, si par bonheur cette version est enregistrée, elle ferait référence dans une discographie peu abondante.
Si la réussite est incontestable, on fera tout de même une petite réserve. Elle concerne le lieu. Si le Salon d’Hercule avec le grand tableau de Véronèse en fond de scène et la décoration de Lemoyne pour son plafond lumineux est certes un cadre grandiose, son acoustique ne paraît guère adaptée. Est-ce le manque de retour qui oblige les chanteurs à chanter au maximum de leur puissance ou faut-il en accuser une certaine réverbération ? La plupart du temps, sauf dans le récit, le texte reste incompréhensible, ce qui tout de même un peu dommageable et que compense heureusement le livret fourni dans le programme.
Frédéric Norac
décembre 2024
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Vendredi 13 Décembre, 2024 16:07