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Der Rosenkavalier / Le Chevalier à la rose (IV. 1)

Opéra en trois actes sur un livret de Hugo von Hofmannsthal, avzec Elisabeth Schwarzkopf, Christa Ludwig, Otto Edelmann, Eberhard Waechter, Teresa Stich-Randatl, le Philharmonia Orchestra and Chorus, Chœurs d'enfants de la Loughton High School for Girls et de la Bancroft’s School, sous la direction de Herbert Von Karajan. Pathé Marconi / EMI 1957. 2 C 165-00459/62 / PM 648 (4 LP).

Der Rosenkavalier / Le Chevalier à la rose EMI 1957

I. Distribution ; II. Notice ; III. Argument.

Acte 1 (face 1).

La chambre à coucher de la Princesse. À gauche, dans une alcôve, un grand lit à baldaquin. À côté du lit, un paravent chinois, à trois panneaux, derrière lequel on aperçoit des vêtements. Il y a aussi une petite table et des chaises. Sur un petit canapé, à gauche, on voit une épée dans son fourreau. À droite, une large porte à double battant, qui mène à l’antichambre. Au centre, on discerne à peine une petite porte dérobée, dans le mur du fond. Il n’y a pas d’autres portes. Entre l’alcôve et la petite porte se trouvent une coiffeuse et quelques fauteuils alignés contre le mur. Les rideaux du lit sont fermés.

Octave est agenouillé sur un petit tabouret, à côté du lit, et d’un bras il enlace la Maréchale qui est encore au lit, et dont on ne voit pas le visage. Seuls dépassent un bras et une main, très beaux, sous une chemise de nuit en dentelle. Par la fenêtre entr’ouverte, le soleil matinal entre à flots. On entend chanter des oiseaux dans le jardin.

OCTAVE
Comment tu étais ? Comment tu es ?
Personne ne le sait, personne ne le soupçonne !

LA MARÉCHALE
se soulevant sur ses oreillers
Est-ce qu’il s’en plaint, mon Quinquin ?
Est-ce qu’il voudrait que tout le monde le sache ?

OCTAVE
Mon ange ! Non ! Je suis heureux d’être le seul
qui sache comment tu es ! Personne ne le soupçonne !
Personne ne le sait !
Toi, toi ! Que veut dire ce « toi » ? Ou bien « toi et moi » ?
Cela a-t-il un sens ?
Ce sont des mots, de simples mots, non ? Dismoi ?
Mais pourtant, on trouve quand même dans ces mots le vertige, l’attraction, la langueur et la passion,
le désir fou et la flamme :
quand maintenant ma main trouve la tienne, ce désir de toi, de te serrer contre moi, c’est moi, moi qui ai envie de toi ;
mais ce moi se perd dans le toi… je suis ton garnement,
mais quand je perds le sens qui est ton garnement, alors ?

LA MARÉCHALE
Tu es mon garnement, tu es mon trésor, je t’aime !
Ils s’embrassent.

OCTAVE
se levant d’un bond
Pourquoi fait-il jour ? Je ne veux pas du jour ! À quoi sert le jour !
Le jour, tu es à tout le monde ! Qu’il fasse nuit !
II se précipite vers la fenêtre, la ferme et tire les rideaux. On entend, au loin, un léger tintement. La Maréchale rit doucement.
C’est de moi que tu ris ?

LA MARÉCHALE
C’est de toi que je ris ?

OCTAVE
Mon ange,

LA MARÉCHALE
Mon trésor, mon petit trésor.
On entend un nouveau tintement.
Écoute !

OCTAVE
Je ne veux pas.

LA MARÉCHALE
Chut ! Fais attention !

OCTAVE
Je ne veux pas écouter ! Qu’est-ce que ça va être ?
tintement
Peut-être bien un courrier,
avec des lettres et des compliments ? De Saurau, de Hartig,
de l’envoyé portugais ?
Ici, je ne laisse entrer personne ! Ici, je suis le maître !

La petite porte du milieu s’ouvre et un petit noir, habillé d’un costume jaune tout orné de clochettes d’argent, entre, porteur d’un plateau sur lequel se trouve le chocolat du matin. Des mains ferment la porte derrière lui.

LA MARÉCHALE
Vite, cache-toi là. C’est le petit déjeuner.
Octave se dissimule derrière le paravent.
Jette ton épée derrière le lit.

Octave saisit son épée et la cache. La Maréchale se rallonge après avoir refermé les rideaux du lit. Le petit noir pose le plateau sur la petite table qu’il avance et près de laquelle il tire le canapé ; il fait une profonde révérence en direction du lit, les bras croisés sur la poitrine. Puis il part à reculons, en sautillant gentiment, sans tourner le dos au lit. À la porte, il s’incline à nouveau et disparaît. La Maréchale sort du lit. Elle a passé un léger peignoir, bordé de fourrure. Octave ressort de derrière le paravent.

LA MARÉCHALE
Tête de linotte ! Étourdi !
Est-ce qu’un homme laisse traîner son épée dans la chambre d’une dame ?
Est-ce que ce sont là des façons de faire ?

OCTAVE
Si vous trouvez que je me conduis comme un sot et s’il ne vous vient pas à l’idée que je ne suis pas très au fait de ce genre d’affaires, alors je ne vois vraiment pas ce que vous pouvez me trouver.

LA MARÉCHALE
Cessez de philosopher, Monsieur le Trésor, et venez ici.
Maintenant, il s’agit de déjeuner. Chaque chose en son temps.

Octave s’assied tout près d’elle. Ils déjeunent tendrement : Octave cache son visage sur les genoux de la Maréchale. Elle lui caresse les cheveux. Il la regarde.

OCTAVE
MarieThérèse !

LA MARÉCHALE
Octave !

OCTAVE
Bichette !

LA MARÉCHALE
Quinquin !

OCTAVE
Mon trésor,

LA MARÉCHALE
Mon garnement,
Ils continuent à manger.

OCTAVE
Le Maréchal, installé dans les forêts croates, chasse l’ours et le lynx.
Et moi, installé ici, moi le blanc-bec, je chasse quoi ?
J’ai de la chance, j’ai de la chance !

LA MARÉCHALE
elle se rembrunit, brièvement
Laissez le Maréchal tranquille !
J’ai rêvé de lui.

OCTAVE
Cette nuit tu as rêvé de lui ? Cette nuit ?

LA MARÉCHALE
Je ne rêve pas sur commande.

OCTAVE
Cette nuit tu as rêvé de ton mari ? Cette nuit ?

LA MARÉCHALE
Ne me fais pas ces yeux. Je n’y peux rien !
Pour une fois, il était à la maison.

OCTAVE
Le Maréchal ?

LA MARÉCHALE
Il y avait dans la cour un bruit de chevaux et de gens, et il était là.
La frayeur m’a réveillée en sursaut ; non, regarde,
regarde comme je suis sotte : j’entends encore ce bruit dans la cour.
Je ne peux pas me le sortir de la tête. Tu l’entends aussi ?

OCTAVE
Oui, effectivement, j’entends quelque chose,
mais pourquoi faut-il que ce soit ton mari ?
Songe donc où il est : dans le Raitzenland, au-delà d’Esseg.

LA MARÉCHALE
Est-ce vraiment très loin ?
Bah, dans ce cas, ce sera autre chose. Dans ce cas, tout va bien.

OCTAVE
Tu as l’air si inquiète, Thérèse !

LA MARÉCHALE
Sais-tu, Quinquin,
même si c’est très loin, le Maréchal est très rapide. Une fois…
Elle hésite.

OCTAVE
jaloux
Une fois, quoi ?
La Maréchale écoute distraitement.
Une fois quoi ? Bichette ! Bichette ! Une fois quoi ?

LA MARÉCHALE
Ah, sois gentil.
Tu n’as pas besoin de tout savoir.

OCTAVE
se jetant sur le canapé, d’un air désespéré
C’est ainsi qu’elle se joue de moi ! Que je suis malheureux !

LA MARÉCHALE
Ne fais pas ta mauvaise tête.
Cela devient sérieux : c’est le Maréchal.
Si c’était un étranger, c’est là,
dehors, dans mon antichambre qu’il y aurait du bruit.
Ce doit être mon mari qui veut passer par le cabinet de toilette et qui se heurte aux laquais.
Quinquin, c’est mon mari !
Octave prend son épée et court vers la droite.
Pas par-là, par-là c’est l’antichambre.
C’est là qu’attendent mes fournisseurs et une demi-douzaine de laquais.
Là !
Octave court à la petite porte.
Trop tard ! Ils sont déjà dans le cabinet de toilette ! Il n’y a plus qu’une chose à faire !
Cache-toi !
Elle hésite un instant.
Là !

OCTAVE
Je vais lui barrer le chemin ! Je reste à tes côtés.

LA MARÉCHALE
Là derrière le lit ! Là, dans les rideaux. Et ne bouge pas !

OCTAVE
hésitant
S’il me surprend là,
qu’est-ce qu’il te fera, Thérèse ?

LA MARÉCHALE
Cache-toi, mon trésor.

OCTAVE
près du paravent
Thérèse !

LA MARÉCHALE
tapant du pied
Tenez-vous tranquille !
Son regard étincelle.
Je voudrais bien voir
quelqu’un se hasarder de ton côté, quand, moi, je suis ici.
Je ne suis pas un général napolitain, moi : quand j’y suis, j’y reste.
Elle se dirige d’un pas décidé vers la petite porte et écoute.
Ce sont de braves garçons, mes laquais, ils ne veulent pas le laisser entrer,
ils disent que je dors. De très braves garçons !
On entend la voix du Baron, en coulisse.
Cette voix !
Mais ce n’est pas la voix du Maréchal !
Ils lui disent « Monsieur le Baron » ! C’est un étranger.
Quinquin, c’est une visite.
Elle rit.
Passez vite vos vêtements,
mais restez caché,
que les laquais ne vous voient pas.
Il me semble reconnaître cette grosse voix stupide.
Qui est-ce donc ? Grand Dieu, bien sûr, c’est Ochs.
C’est mon cousin, Lerchenau, c’est Ochs de Lerchenau.
Que veut-il donc ? Jésus, Marie !
Elle ne peut s’empêcher de rire.
Mon Quinquin entend-il ?
Mon Quinquin se souvient-il ?
Il y a cinq ou six jours, la lettre…
Nous étions dans la voiture
et on m’a donné une lettre, par la portière de la voiture. C’était une lettre d’Ochs.
Et je n’ai aucune idée de ce qu’il y avait dedans.
Et tout ça est de la faute de mon Quinquin !

LE MAJORDOME :
en coulisse
Si Sa Grâce veut bien attendre dans la galerie.

LE BARON
en coulisse
Où a-t-il appris ces façons-là ?

LE BARON
Lerchenau ne fait pas antichambre.

LA MARÉCHALE
Quinquin, que fais-tu ? Où te caches-tu ?

Octave vêtu d’une jupe et d’un caraco, avec sur la tête un mouchoir noué d’un ruban, qui forme coiffe, s’avance et lui fait une révérence.

OCTAVE
À vot' service, vot' Altesse, ça fait point longtemps que j’suis au service d’une princesse.

LA MARÉCHALE
Quel trésor ! Et je ne peux pas
te donner plus d’un tout petit baiser !
Elle l’embrasse rapidement. Le bruit s’accroît.
Çà, mais Monsieur mon cousin va casser ma porte. Occupez-vous de vous sauver.
Glissez-vous hardiment parmi les laquais. Vous avez l’esprit vif, canaille !
Et puis revenez ici, mon trésor, mais habillé en homme
et par la porte d’entrée, si vous voulez bien.

Octave se dirige vers la petite porte et veut sortir. Au même instant la porte s’ouvre à la volée et on voit entrer le Baron Ochs que les laquais essayent en vain de retenir. Octave qui tentait de s’enfuir à la hâte, la tête baissée, se heurte à lui et se presse, tout embarrassé, contre le mur, à gauche. Trois valets, qui sont entrés avec le Baron, restent tout étonnés. Le Baron s’avance tandis que les laquais tentent toujours de le retenir.

LE BARON
au laquais, avec feu
Il va sans dire que Sa Grâce va me recevoir.
à Octave, plein de sollicitude
Pardon, ma jolie.
Octave, confus, se cache contre le mur.
Je dis : pardon, ma jolie.

La Maréchale regarde par-dessus son épaule, puis se lève et s’avance vers le Baron qui continue à questionner galamment Octave.

LE BARON
Je ne vous ai pas fait trop mal ?

LES LAQUAIS
tirant le Baron par la manche
Voici Son Altesse !
Le Barton fait trois révérences à la française.

LA MARÉCHALE
Votre Honneur a l’air de se porter à merveille.

LE BARON
s’incline à nouveau, puis dit aux laquais
Maintenant, vous voyez bien que Sa Grâce est enchantée de me voir.

Le Baron s’avance vers la Maréchale, avec toute l’aisance d’un homme du monde, et lui donne sa main pour la ramener jusqu’à son fauteuil.

Et comment Votre Grâce ne le serait-elle pas ?
Qu’importe l’heure qu’il est, aux gens d’un certain rang ?
Je vous assure que jadis, je suis allé, jour après jour, présenter mes respects à notre princesse Brioche,
tandis qu’elle prenait son bain, et qu’il n’y avait entre nous deux qu’un petit paravent.

Octave s’est glissé le long du mur jusqu’à l’alcôve, où il se fait le plus petit possible, tout en arrangeant le lit. Sur un geste de la Maréchale, les laquais ont avancé un petit canapé et une table basse avant de se retirer. Le baron regarde d’un air mécontent autour de lui.

Je dois dire que je m’étonne que des gens portant la livrée de Votre Grâce…

LA MARÉCHALE
Pardonnez-moi !
Ils n’ont fait qu’obéir à mes ordres.
Elle s’assied sur le canapé, ayant offert le fauteuil au Baron.
Ce matin, j’avais la migraine.

LE BARON
il veut s’asseoir, mais il est tout à fait distrait par la présence de la jolie soubrette
C’est un joli morceau ! Une petite parfaitement délicieuse !

LA MARÉCHALE
se lève d’un air cérémonieux et lui désigne à nouveau le fauteuil
Je ne suis pas encore tout à fait remise.
Le Baron s’assied, d’un air hésitant, en essayant de ne pas tourner le dos à la soubrette.
Par conséquent, si mon cousin veut bien me faire la grâce…

LE BARON
Naturellement.
Il se retourne pour regarder Octave.

LA MARÉCHALE
C’est ma camériste, une petite campagnarde.
Je crains qu’elle ne gêne Votre Honneur.

LE BARON
Absolument charmante !
Comment ? Pas le moins du monde. Moi ? Au contraire !

Il fait à Octave un signe de la main, puis il s’adresse à la Maréchale.
Votre Grâce s’étonnera peut-être de ce qu’un fiancé, comme moi…
il se retourne

Cependant… quoi qu’il en soit…

LA MARÉCHALE
Un fiancé ?

LE BARON
Oui, comme ma lettre l’a suffisamment laissé entendre à Votre Grâce…

LA MARÉCHALE
soulagée
La lettre, bien sûr, oui la lettre ; qui est donc l’heureuse élue ?
J’ai son nom sur le bout de la langue.

LE BARON
à part
Une petite poupée appétissante, quinze ans à peine !
par-dessus son épaule
Comment ? Toute jeunette ! Épanouie ! Proprette ! Un amour !

LA MARÉCHALE
Quel est donc le nom de la fiancée ?

LE BARON
Mademoiselle Faninal. Je n’avais pas caché son nom à Votre Grâce.

LA MARÉCHALE
Bien sûr. Où avais-je la tête ?
Mais, la famille ! sont-ils de la région ?

LE BARON
Mais oui, Votre Grâce, ils sont d’ici.

Octave va arranger le plateau, de façon à se trouver complètement derrière le baron

Le père a été anobli par Sa Majesté.
Il est fournisseur de l’armée qui se trouve aux PaysBas.

Des yeux, la Maréchale fait signe à Octave qu’il doit sortir.

LE BARON
se méprenant sur ce regard.
Je vois que Votre Grâce fronce ses jolis sourcils à l’annonce de cette mésalliance.
Mais laissez-moi vous dire que la mademoiselle est jolie comme un ange.
Elle sort tout droit du couvent. Elle est fille unique.
Le père possède douze maisons dans le Wieden, sans compter son palais à la Cour.
Et sa santé n’est pas excellente.

LA MARÉCHALE
Mon cher cousin,
je comprends fort bien où vous voulez en venir.
La Maréchale fait signe à Octave de sortir.

LE BARON
Et Votre Altesse me permettra d’ajouter que je pense avoir dans le corps suffisamment de bon sang noble pour deux :
finalement, on reste toujours ce que l’on est, corpo di bacco !
Quant à la préséance qu’il est convenable pour un mari d’accorder à son épouse,
je saurai m’en arranger ; et en ce qui concerne les enfants,
s’ils ne devaient pas se voir attribuer la clef d’or va bene !
Ils sauront s’en consoler avec les douze clefs de fer
qui ouvrent les douze maisons du Wieden.

LA MARÉCHALE
C’est certain. Oh, je suis sûre que les enfants de mon cousin ne seront pas des Don Quichotte.

Octave, emportant le plateau, se dirige vers la porte du fond.

LE BARON
Pourquoi emporte-t-on le chocolat ?
S’il vous plaît ! Hé là ! Pst, pourquoi donc !
Octave reste indécis, détournant la tête.

LA MARÉCHALE
Allons, allez-vous-en !

LE BARON
Je dois avouer à Votre Grâce
que je suis pour ainsi dire à jeun.

LA MARÉCHALE
résignée
Mariandel, venez ici. Servez Son Honneur.

Octave revient, sert le Baron qui prend une tasse.

LE BARON
Pour ainsi dire à jeun, Votre Grâce.
Je suis en route depuis cinq heures ce matin. Une petite vraiment bien bâtie !
à Octave
Restez ici, mon cœur.
J’ai quelque chose à vous dire.
à la Maréchale
Toute ma suite, mes palefreniers, mes chasseurs, tout
il boit
ils sont tous en bas, dans la cour, y compris mon aumônier.

LA MARÉCHALE
à Octave
Allez-vous-en.

LE BARON
à Octave
Avez-vous une biscotte ? Restez donc ici !
Vous êtes un petit ange, un trésor, une merveille…
à la Maréchale
Nous sommes en route pour le « Cheval blanc », où nous logerons jusqu’à après-demain.
à Octave
Je donnerai beaucoup, pour…
à la Maréchale
jusqu’à après-demain…
rapidement à Octave
batifoler avec vous, en tête-à-tête. Eh bien ?

La Maréchale rit des canailleries d’Octave ; le baron se tourne vers elle

Ensuite nous nous rendons au palais Faninal.
Bien entendu, il faut que je me fasse précéder d’un envoyé
à Octave ; sèchement
Vous ne voulez donc pas attendre ?
à la Maréchale
auprès de ma charmante fiancée ;
il lui apportera la rose d’argent,
comme cela est d’usage, chez nous autres nobles.

LA MARÉCHALE
Et, à quel membre de la famille Votre Honneur avait-il songé pour accomplir cette mission ?

LE BARON
Le désir que j’avais de consulter Votre Grâce à ce sujet, m’a rendu assez
hardi pour me présenter, dès aujourd’hui, en costume de voyage, à votre lever…

LA MARÉCHALE
Me consulter ?

LE BARON
… comme je vous l’avais demandé, en toute soumission, dans ma lettre.
Je n’ai pas eu le malheur d’encourir votre déplaisir en raison de mon humble supplique ?...

LA MARÉCHALE
Mais comment donc, naturellement !
Un envoyé de Votre Honneur,
pour sa première visite à sa fiancée.

LE BARON se penchant vers Octave
Vous pourriez faire de moi tout ce qu’il vous plairait. Vous êtes faite de ce bois-là.

LA MARÉCHALE
Quelqu’un de la famille… mais qui donc ? Le cousin Preysing ? Non ?
Le cousin Lamberg ? Je crois…

LE BARON
Tous mes espoirs sont entre
les ravissantes mains de Votre Grâce.

LA MARÉCHALE
Parfait.
Viendrez-vous dîner avec moi, cousin ? Disons demain, si vous voulez.
Je vous proposerai alors un nom.

LE BARON
Votre Grâce est la condescendance même.

LA MARÉCHALE
se levant
En attendant…

LE BARON
à part
Il faut qu’elle revienne vers moi. Je ne m’en irai pas avant.

LA MARÉCHALE
Oho!
Restez où vous êtes ! Puis-je être d’aucune autre utilité à mon cousin ?

LE BARON
Je suis déjà confus.
Une recommandation auprès du notaire de Votre Grâce serait la bienvenue.
C’est au sujet du contrat de mariage.

LA MARÉCHALE
Mon notaire vient souvent ici le matin. Voyez un peu, Mariandel,
s’il n’attend pas dans l’antichambre.

LE BARON
Pourquoi y envoyer la camériste ?
Votre Grâce se prive de sa domestique à cause de moi.
Il l’arrête.

LA MARÉCHALE
Laissez-la donc, cousin, elle peut très bien y aller.

LE BARON
Çà, je ne le permettrai pas ; qu’elle reste ici, aux ordres de Votre Grâce.
Un autre domestique va sûrement venir bientôt.
Sur mon âme, je ne laisserais pas un pareil trésor au milieu de ces gredins de laquais.
Il caresse Octave

LA MARÉCHALE
Votre Honneur fait trop d’embarras.
Le Majordome entre.

LE BARON
Là, ne vous l’avais-je pas dit ?
Il doit avoir quelque chose à vous annoncer.

LA MARÉCHALE
au Majordome Struhan, mon notaire attend-il dans l’antichambre ?

LE MAJORDOME
Votre Altesse, il s’y trouve le notaire,
puis aussi l’intendant, puis le cuisinier,
puis, envoyés par Son Excellence Silva,
un chanteur et un flûtiste.
Autrement, il n’y a que la racaille habituelle.
Le baron, dissimulé par le Majordome, serre tendrement la main de la prétendue camériste.

LE BARON
à Octave
Avez-vous jamais dîné seul
avec un monsieur en tête-à-tête ?
Octave feint la confusion.
Non ? Vous en ouvririez de grands yeux ! Cela vous plairait ?

OCTAVE
honteux
J’sais point si j’oserais.

La Maréchale, qui écoute distraitement le Majordome, regarde les deux autres et ne peut s’empêcher de rire. Le Majordome s’incline et se retire, découvrant complètement la scène à la Maréchale.

LA MARÉCHALE
en riant, au Majordome
Qu’ils attendent !
Le Majordome sort, le baron prend un air dégagé.

LA MARÉCHALE
riant
Je vois que mon cousin ne fait pas le difficile.

LE BARON
soulagé
Avec Votre Grâce,
on se sent à l’aise. Il n’y a pas de chichis, ni d’étiquette,
ni de minauderies à l’espagnole !

LA MARÉCHALE
amusée
Mais, maintenant que vous êtes fiancé ?

Page 1 ; suite.


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Mercredi 4 Décembre, 2024