musicologie

24 avril 2021 —— Jean-Luc Vannier.

Great is the Lord : 400 years of British music !

Great is the Lord, A collection if sacred music from the British Isles, Schola Cantorum of the Cardinal Vaughan Memorial School, Iestyn Evans (orgue), sous la direction de Scott Price. Aparté 2021 (AP 251).

Récemment, l’un de mes étudiants du programme Erasmus en French Culture & Civilization présentait un travail à l’oral sur l’identité britannique. En bonne place figurait la musique liturgique chargée d’accompagner les cérémonies officielles de la Couronne : et d’expliquer que nonobstant la part germanique de sa généalogie — il possède la double nationalité allemande et anglaise — il éprouvait toujours une indicible émotion à entendre, parfois associées aux royales images, des mélodies aux accents incantatoires et à même de faire vibrer sa fibre patriotique insulaire.

I was glad  d’Hubert Parry (1848-1918) qui ouvre le récent album Great is the Lord ne le démentirait pas. Revenant à sa vocation première avec la tradition chorale pour chants d’Église, la Schola Cantorum of the Cardinal Vaughan Memorial School, fondée en 1914, en mémoire de Herbert Alfred Henry Vaughan (1832-1903), a enregistré à St John the Evangelist (Upper Norwood) et à Saint Augustine’s (Kilburn) ce « Great is the Lord » aux éditions Apartemusic. Elle s’était produite il y a deux ans en la Cathédrale Saint-Louis des Invalides avec la même direction assurée par Scott Price et l’orgue toujours aux mains d’Iestyn Evans.

Treize titres somptueux, étonnement variés et ce, malgré la linéarité d’une période s’étendant sur 400 years of British music. Serait-il donc erroné d’écrire que le « XIXe siècle anglais était un tel désert que les historiens les plus bienveillants n’ont guère trouvé à y nommer qu’un tiède disciple de Mendelssohn » (Lucien Rebatet, Une histoire de la musique, des origines à nos jours, Robert Laffont, Coll. « Bouquins », 1990, p. 800) ?

Outre les Three Motets, appelés aussi introïts latins de Charles Villiers Stanford (1852-1924) composés vers 1880 mais seulement publiés en 1905 avec une pièce centrale « Coelos ascendit hodie » surprenante par sa vivacité, presque enjouée et où les paroles semblent prendre le pas sur la musique, l’album propose aussi deux pièces de ses élèves au Royal College of Music : en premier lieu Edgar Bainton (1880-1956) dont le And I saw a new heaven  brille d’un esthétisme musical particulièrement soigné et d’une finesse toute en retenue dans l’écriture polyphonique. John Ireland (1879-1962), ensuite, et son Greater love hath no man composé en 1912, offrent à entendre un superbe solo sopranistique (Ben Bywater) auquel répond le baryton Harry Fetherstonhaugh.

Inspiré du « Cantique des Cantiques », le Set me as a seal upon thine heart de William Walton (1902-1983) nous séduit, nonobstant son extrême brièveté, par une sensualité exacerbée qu’accentue le subtil surgissement de la voix de Conor Quinn (ténor) et de celle, encore plus évanescente et plus mystérieuse de Sholto McMillan (soprano).

Plus tellurique dans l’expression, malgré une introduction en mezza voce qui s’oppose in fine à un triomphal « Amen », le Nunc dimittis de Gustav Holst (1874-1934), d’origine scandinave et organiste de la Cathédrale de Westminster en 1915, présente la particularité d’une construction polyphonique inspirée du XVIe siècle. D’une perspective tonale plus contemporaine sans altérer l’exaltation, notamment dans le Gloria final, nous apparaît le Emitte lucem tuam de James MacMillan (1959 -), mécène de la Schola Cantorum au point d’être le principal artisan des célébrations du centenaire de l’école en 2014. Tout aussi empreints de ferveur mais atténués par le recueillement intérieur, les « my tears have been my meat day and night » du Like as the hart desireth the waterbrooks d’Herbet Howells (1892-1976) trahissent les douloureuses conséquences de la perte d’un fils.

Évidemment les trois pièces majeures de cet album résident, en premier lieu, dans le Great is the Lord de Sir Edward Elgar (1857-1934) marqué, après une introduction des plus formelles, par un scherzo tonique et d’une étonnante modernité « For, lo! The kings assembled themselves… » ainsi que par un solo central du baryton Harry Fetherstonhaugh. Vient, ensuite, le « Jehova, quam multi sunt hostes mei », l’un des deux seuls motets latins d’Henry Purcell, « œuvre atypique du XVIIe siècle » magnifiquement ponctuée par les voix d’Alessio D’Andrea (ténor) et de Karol Jozwik (baryton-basse). Et, troisième « star » de ce disque, le « Rejoice in the Lamb », de Benjamin Britten, sorte de parade musicale des « animaux fantastiques » qui témoignent de leur vénération pour le Créateur : originale, simultanément amusante, voire burlesque, profonde et intimiste, cette pièce confirme chez le compositeur « le don d’évocation et d’atmosphère qui semble aussi pictural que musical » (Émile Vuillermoz, Histoire de la musique, poche n° 4805, 1973, p. 486).

Great is the Lord est le second album de la Schola Cantorum of the Cardinal Vaughan Memorial School. Le premier, In Paradisum, est paru l’année passée.

Nice, le 24 avril 2021
Jean-Luc Vannier

1. Hubert Parry, I was glad ; 2. Edgar Bainton, And I saw a new heaven ; Charles Villiers Stanford, Three motets, opus 38 ; 3. Justorum animae 4. Coelos ascendit hodie ; 5. Beati quorum via ; 6. Edward Elgar, Great is the Lord, op.67 ; 7. James MacMillan, Emitte lucem tuam ; 8. John Ireland, Greater love hath no man ; 9. William Walton, Set me as a seal upon thine heart ; 10. Henry Purcell, Jehova, quam multi sunt hostes mei, Z 135 ; 11. Herbert Howells, Like as the hart desireth the waterbrooks ; 12. Benjamin Britten, Rejoice in the Lamb, opus 30 ; 13. Gustav Holst, Nunc dimittis, H 127


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