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Edward Wadie Saïd

« Pomp and Circumstance1 »

The Nation, 30 août 1986

Traduction et notes par Brittany Melodies

 

Les festivals, pourquoi ? - 1

 

À la lecture de l'article bref mais intelligent du Grove's Dictionary of Music sur les festivals, on prend conscience de la profonde différence entre les festivals de musique de l'époque pré-moderne, qui sont des rituels symboliques liés à la religion et à l'agriculture, et les festivals modernes de musique, commémorations de grands compositeurs ou opérations commerciales destinées à attirer les touristes.

Depuis les grandes festivités théâtrales dans l'Athènes du Ve siècle av. J.C. à l'Eisteddfod2 druidique ou aux fêtes du Puy au XIIIe siècle en France3, le premier type est désormais confiné à un lointain passé anthropologique. Le deuxième type nous est très familier, trop.

À quelques exceptions près, leur extraordinaire prolifération et leur décadence ont encore fragilisé une vie musicale qui semble devenir de plus incurablement excentrique avec le temps. Les Festivals de musique moderne ont commencé au cours du XIXe siècle avec la commémoration de grands compositeurs — la vénération de Händel, Mozart, Bach, Beethoven et, plus tard, de Wagner.

Le Festival de Wagner à Bayreuth, qui a ouvert en 1876, était inhabituel en ce sens qu'il a été initialement conçu comme une célébration révolutionnaire, non pas comme un monument à la haute bourgeoisie et à une mémoire culturelle convenue. Dans ses remarques sur les lettres de Wagner, Thomas Mann a noté que l'intention du compositeur était de proclamer la nécessité de mettre le feu à l'ensemble de la civilisation bourgeoise et à son théâtre commercial et industriel. Dans le sillage de cette purification ardente, un passionné isolé ici et là (comme [Wagner] lui-même) pouvait convoquer ensemble les survivants de ce monde méprisable et leur demander : « Lequel d'entre vous voudrait m'aider à monter un drame ? » Alors, seuls des hommes vraiment désintéressés se présenteraient, car il ne serait plus possible de faire de l'argent avec cette entreprise. Ils se rassembleraient ensuite dans un bâtiment en bois construit rapidement pour montrer aux gens ce c'est vraiment que l'art.... Le bâtiment devait être placé sur une colline, être un temple de l'art visible à des kilomètres alentour. Les gens viendraient des quatre coins de la terre pour leur édification au contact d'une beauté pure et sublime. Seules les œuvres les plus sublimes devraient être données, dans des productions du plus haut niveau. Après ces spectacles sublimes (« sans droit d'entrée, bien sûr »), le projet prendrait fin, et le théâtre serait démoli. Il n'en a rien été.

A la fin du XIXe siècle, Bayreuth était devenu un lieu de pèlerinage social — la douteuse Odette de Proust, ne connaissant rien à la musique, irrite Swann avec son désir d'assister au festival de Bayreuth et de louer l'un des châteaux du roi Louis II de Bavière pour séjourner agréablement — et au cours des années 1930, le festival est devenu le symbole du Reich millénaire. Quand il a été rouvert par Wilhelm Furtwangler en 1951, avec une représentation décapante de la IXe Symphonie avec chœurs de Beethoven, le festival s'est rapidement imposé comme l'étalon de référence pour toutes les représentations de Wagner. Mis en scène par Wolfgang et Wieland Wagner, les petit-fils de Richard, Bayreuth a attiré de grands chefs comme Hans Knappertsbusch, André Cluytens, Karl Böhm et, plus récemment, Pierre Boulez.

Si le niveau a baissé ces dernières années, le festival reste néanmoins extraordinairement long et coûteux. Assister en juillet et août à une Tétralogie complète (ce qui n'est pas facile) amène à dépenser en billets et en hôtels des milliers de dollars. Le Festival de Salzbourg, qui a débuté en 1877, n'en est pas moins long, coûteux et funèbre, bien que les charmes du petit Mozart — qui a semblé de son temps détester presque tout de ce lieu : ses notables, son horrible Gemütlichkeit4 — aient été remplacées par les Mercedes-comme par l'énergie et l'efficacité de Herbert von Karajan, le président-directeur général de la musique en Europe5.

Bien que Salzbourg soit toujours censé être consacré à Mozart, d'autres compositeurs (Verdi, Strauss, Beethoven) y sont représentés, tous rassemblés sous la houlette mégalomane de Karajan, qui rêvait de monter une cinquantaine d'opéras au beau milieu de l'Europe, puis de les faire tourner dans le monde entier6. Bayreuth comme Salzbourg sont conformes à un modèle de festivals exprimant les convictions esthétiques et politiques d'un ego.

Il y a d'autres festivals, Menotti à Spoleto, Britten à Aldeburgh, Menuhin à Bath, Serkin à Marlboro, Casals à Prades et à San Juan. De tels festivals souffrent souvent d'atrophie, ce traditionalisme associé aux dictatures et aux cabales. L'alternative, cependant, le festival géré par un comité, ne marche habituellement pas mieux. Le type le plus commun de festival d'été est essentiellement l'extension de la saison régulière d'un grand orchestre ou d'une troupe d'opéra. Certains sont plus ouvertement commerciaux que d'autres.

À Vienne et à Munich le soi-disant festival d'opéra d'été offre exactement le même ensemble d'œuvres que le répertoire d'hiver, le plus souvent par les mêmes interprètes, mais à des prix beaucoup plus élevés, liés aux dollars des touristes naïfs. En gros le festival Mozart à New York est un fourre-tout qui comprend des fragments de la saison d'hiver, mais à des prix (et à des niveaux d'interprétation) légèrement inférieurs, tandis que Ravinia7 et Tanglewood8. sont le prolongement routinier de la saison des orchestres de Chicago et de Boston, transposés en des lieux « rustiques », là aussi avec des résultats très mitigés.

Le reste des grands festivals — le Maggio Musicale à Venise, Santa Fe, Aix-en-Provence, Lucerne, Glyndebourne, pour n'en nommer que quelques-uns — se situent quelque part entre ces deux types. Leur attrait sur le public, en dehors de leur implantation pittoresque, repose en grande partie sur une réputation d'excellence particulière et méticuleuse. Il est tout à fait exact qu'un événement musical majeur peut se produire à l'un de ces festivals, et qu'un cadre spectaculaire peut accroître le plaisir tiré d'un spectacle de routine.

Mon unique expérience de Bayreuth a eu lieu en 1958, et l'impression que ces dix jours m'ont laissée a été si magnifique que je n'ai jamais voulu y retourner, de peur de l'abîmer. Pendant une vingtaine d'années, jusqu'en 1976 environ, le Festival de Baalbeck au Liban, dans les ruines romaines des grands temples de Jupiter et de Bacchus de cette ville de l'est du Liban, a été un lieu merveilleux ; c'est maintenant un centre d'entraînement des milices chiites et un lieu de détention pour otages.

Mais je me demande si les festivals, même à leur meilleur (c'est rare), peuvent offrir quelque chose de plus que des moments isolés, que l'on savourera en toute tranquillité dans le souvenir. Au pire (c'est plus fréquent), ils présentent des spectacles sous un jour trompeur, celui d'une occasion extraordinaire qui intimide et éblouit, ce qui permet à un jeu habile, mais parfois routinier de passer pour de la musique inspirée. Il ya maintenant tant de festivals de musique d'été que leurs justifications esthétiques semblent avoir disparu. Consultez la liste du New York Times et vous trouverez au moins quinze festivals dans la seule région de New York. On a le sentiment que des impresarios et des metteurs en scène ambitieux essayent de boucler l'année en bourrant les mois creux de l'été de programmes visant à convaincre les consommateurs qu'ils accèdent à quelque chose de spécial, tout en donnant de nouvelles occasions de cachets aux musiciens.

Y a-t-il un grand festival aujourd'hui qui ne présente Alfred Brendel ou James Levine ou Emanuel Ax ou Christopher Hogwood? Vous pourriez avoir la chance d'entendre un récital merveilleux de disons, Murray Perahia à Aldeburgh, qui pourrait s'inscrire dans la pratique musicale et pédagogique créée par Benjamin Britten et Peter Pears. Mais que faire du Troisième Concerto pour piano de Beethoven à Tanglewood par Seiji Ozawa et Brendel quand on sait que Brendel jouera la même œuvre une semaine plus tard à Edimbourg avec un orchestre et un chef différents, mais plus ou moins de la même façon, et que Ozawa dirigera la saison prochaine pratiquement comme l'année dernière au Symphony Hall9 ?

Il semble n'y avoir rien de festif dans de tels concerts, même si vous négligez l'acoustique médiocre, les billets à un prix excessivement élevé, la chaleur, les insectes et les sept heures de route. Musique pour les multitudes, murmurera quelqu'un ; ou musique dans un endroit charmant, ou bien musique jouée à l'heure du repos, dans un cadre retiré ou informel ou au sein d'un programme massif et concentré. Peut-être. Mais considérez ce qui suit.

Tout d'abord, il n'y a pratiquement pas de festivals dont le but soit de mettre clairement en relief la musique contemporaine. Tous les festivals à succès d'aujourd'hui sont essentiellement des anamnèses (commémorations) d'une tradition centrée sur l'Europe et qui va du milieu du XVIIIe au début du XXe siècle. Certains festivals, comme Tanglewood, ont une composante estimable d'œuvres contemporaines, mais ces concerts semblent être hors de portée des événements qui attirent les foules : les grands Beethoven et les grands Brahms, avec quelques tentatives occasionnelles mais louables de jouer des œuvres rarement entendues (Oberon de Weber dans sa version originale en anglais cette saison à Tanglewood) à un large public. Ce qui compte ce sont de grands noms dans un répertoire relativement familier.

Deuxièmement, l'augmentation du nombre de spectacles a pour effet d'amoindrir la dimension esthétique au profit de la dimension socialement significative. (Mostly Mozart10 dure près de deux mois, presque tous les soirs de la semaine.) Ces occasions fournissent l'occasion d'entendre un grand nombre d'œuvres au cours d'une saison musicale creuse. Mais ce sont les goûts de voyeurs avides des foules métropolitaines qui soutiennent les festivals d'été. La plupart des gens y vont pour quelques concerts, comme ils se promènent dans un parc de la ville ; rarement, voire jamais, personne n'assiste à un festival de bout en bout, à part les journalistes spécialisés des grands quotidiens. L'idée pédagogique de proposer un échantillon important de l'œuvre d'un compositeur unique est perdue. Au lieu de cela, on obtient l'équivalent musical d'un weekend.

Dans son excellent livre La peinture de la vie moderne: Paris dans l'art de Manet et de ses successeurs11, T. J. Clark décrit l'émergence d'une habitude de la classe moyenne : retrouver la nature en banlieue à un moment où les villes comme le Paris hyper-organisé de Haussmann commencent à dominer la vie de leurs habitants. L'ironie, qu'ont enregistré les peintres des années 1860 et 1870, c'est que même au cours de ces sorties, la vie industrielle fait son apparition, par exemple dans les cheminées et lignes de chemin de fer de banlieue dans les peintures de Manet. À son tour, Monet et d'autres ont choisi de se concentrer sur les mauvaises herbes, les arbres, les ruisseaux, comme par volonté expresse d'interdire l'industrie, de redécouvrir la nature non naturellement, de très près.

Dans ce cycle de banlieue « paysages établis pour l'usage urbain de la sortie dominicale célébrée comme un rituel de l'identité bourgeoise », Clark détecte l'apparition du « loisir comme un grand champ symbolique dans lequel la bataille pour l'identité bourgeoise a combattu ». Pas moins que la peinture réaliste des environs de Paris, les festivals de musique ont pris racine dans la seconde moitié du XIXe siècle, dans le cadre de cette mode qui fait que, selon Clark et Thorstein Veblen12, les loisirs deviennent des spectacles. Aller à Bayreuth signifie non seulement admirer Wagner, mais être en mesure de prendre le temps de parcourir une grande distance, de rester loin de la maison et de la routine, et, surtout, de s'attendre à un niveau de musique supérieur à la moyenne de celle qu'on peut entendre à la maison dans un environnement plus modeste.

Cela signifiait aussi que l'expérience de la musique, comme tout art difficile, nécessite un luxe d'attentions et d'efforts. Aujourd'hui, les aspects intimidants voire autoritaires des premiers festivals ont été supplantés par le pur coût d'attirer l'attention grâce à des artistes vedettes jouant des œuvres vedette, jour après jour et encore et encore. Roger Vaughan dit dans sa récente biographie, Herbert von Karajan13, que, en 1983, le Festival de Salzbourg a dépensé les sommes suivantes : Pour Fidelio, il a été rapporté que 110.000 dollars avaient été dépensés pour les costumes ; 280.000 dollars pour les décors. Pour Cosi fan tutte, 140.000 dollars pour les costumes ; 305.000 pour les décors. Les totaux déclarés s'élevaient 500.000 dollars pour les perruques et les costumes ; un million de dollars pour les éclairages ; 2,65 millions de dollars pour le personnel administratif et technique. Les 147 membres du personnel permanent du Festspielhaus ont coûté 3,6 millions de dollars. Maazel a reçu 50.000 dollars ; Sawallisch 40.000 dollars, Levine 100.000 dollars. Karajan aurait reçu 11.000 dollars par soir comme chef, et 20.000 dollars comme producteur. Les solistes se sont partagé 1,75 million de dollars Chacun des musiciens du Philharmonique de Vienne (147) a reçu 7 500 dollars. La subvention totale accordée au festival était d'environ 6 millions de dollars... Personne, même pas Karajan n'irait suggérer que de telles sommes d'argent garantissent proportionnellement de bonnes performances, ou que l'esprit de Mozart et de Beethoven exige de si surprenante dépenses. Un demi-million pour les « perruques et costumes » met en lumière des étoiles, qui se produisent devant un public admiratif qui peut alors se féliciter du fait qu'être à Salzbourg, mené par le bout du nez à accepter le décorum en lieu et place de la musicalité, c'est mieux que de ne pas y être.

En d'autres termes, le festival est une structure d'aliénation par laquelle des musiciens hautement spécialisés, des coiffeurs, des techniciens lumière, etc., prennent leurs distances avec le public, qui « consomme » plutôt qu'il ne fait de la musique. Dans les festivals, alors, la musique est surtout subordonnée à l'occasion. Les normes pour l'enregistrement dit « live » sont empruntés au spectacle et à l'enregistrement. Comme dit Adorno dans son essai intitulé à juste titre « le caractère fétiche-dans la musique14», quand elle est excellente, la représentation sonne comme son propre enregistrement phonographique. Une longue série de représentations, telles que celles d'un festival, c'est comme avoir de nombreux enregistrements dans sa bibliothèque — disponibles, accessibles et prêts à l'usage immédiat. Les Festivals où l'enseignement et les nouvelles compositions sont donc très rares. Les grands cours d'été de Darmstadt15 après la guerre, lorsque Stockhausen, Boulez, Cage, Berio, Steuermann16 et d'autres se réunissaient, appartiennent aujourd'hui au passé.

Je ne voudrais pas laisser entendre que les festivals sont mauvais, ou que tous les spectacles musicaux y sont imparfaits, de mauvais goût et en quelque sorte indignes d'une attention sérieuse. Certes, comme je l'expliquerai dans un prochain article, il ya quelques concerts de festival qui valent la peine d'être entendus. Mais les festivals et la musique qu'ils présentent ne peuvent être dissociés des situations sociales dans lesquelles ils se produisent. Que ce soit à Salzbourg, au Lincoln Center ou à Santa Fe, le spectacle musical a été rationalisé, essentialisé, rogné de toutes sortes de façons pour convenir à l'oreille et à la poche du consommateur — ainsi que, pourrait-on ajouter, aux commentaires du chroniqueur quotidien. Quant au festival de musique tel que Wagner l'entendait à Bayreuth, ou tel que Nietzsche l'a décrit dans La Naissance de la tragédie, c'est maintenant presque aussi difficile à imaginer qu'à vivre.

Notes

1. Pomp and circumstance renvoie à une musique célèbre dans le monde anglophone, les cinq marches op. 39 d'Edward Elgar. Le titre vient de l'Othello de Shakespeare, acte III, scène 3

Farewell the neighing steed and the shrill trump,
The spirit-stirring drum, th' ear-piercing fife,
The royal banner, and all quality,
Pride, pomp, and circumstance of glorious war!

que je traduis approximativement par adieu chevaux adieu trompette, adieu tambour encourageant et fifre perçant, adieu l'orgueil, la pompe et l'attirail de gloire de la guerre !

2.Une « Eisteddfod », qui se traduit littéralement par « s'asseoir ensemble » (sitting together), est un festival gallois de littérature, musique et théâtre où des compétitions suivies de remises de prix ont lieu dans diverses disciplines autour de la langue galloise, et principalement la poésie. Le mot eisteddfod désigne un regroupement ou une assemblée. La tradition remonte au moins au XIIe siècle quand Rhys ap Gruffydd de Deheubarth tint un festival de poésie et musique à sa cour de Cardigan en 1176.

3. Un recueil exceptionnel, provenant de la cathédrale du Puy, atteste que, dès le Moyen Age, la liturgie ancienne y a été enrichie de nouveaux chants, d'une grande valeur artistique, pour célébrer la fête du Nouvel An. Au Puy se trouve réuni dans une même source un ensemble de pièces d'époques différentes. Cela découle de la tradition spécifique de la cathédrale, mais atteste aussi la fascinante élaboration artistique que l'office divin pu connaître au cours des siècles, surtout en ce qui concerne la musique.

4. Gemütlichkeit : confort, douceur de vivre, douillet.

5. La formule est de R. Vaughan, biographe de H v K

6. Selon de modèle de Holiday on Ice ? note Brittany Melodies

7. Since 1904, Ravinia has been Chicago's “sound of summer”. [….] Above and beyond the music and the scenery, Ravinia is also about the food.(extrait du site du festival)

8. Tanglewood Annexe de l'orchestre symphonique de Boston. On consultera bso.org pour vérifier les dires de E. W. Saïd.

9. La célèbre salle de l'orchestre symphonique de Boston.

10. festival situé à New York

11. The Painting of Modern Life : Paris in the Art of Manet and His Followers. Princeton University Press 1984 ; révision 1999. Né à Bristol en 1943, professeur d'art moderne à l'université de Berkeley en Californie, Timothy James Clark a largement contribué à bâtir une histoire sociale de l'art. Il est notamment l'auteur de The Absolute Bourgeois: Artists and Politics in France, 1848-1851 (1973), The Painting of Modern Life: Paris in the Art of Manet and his Followers (1984), Farewell to an Idea: Episodes from a History of Modernism (1999) et The Sight of Death: An Experiment in Art Writing (2006).

12. Auteur de Théorie de la classe de loisir, The Theory of the Leisure Class, (1899) où apparaissent les concepts de consommation ostentatoire (conspicuous consumption) et d'effet de snobisme (effet Veblen)

13. Roger Vaughan Herbert von Karajan, WW Norton & Co, 1986.

14. Le Caractère fétiche dans la musique de Theodor Adorno (Traduit de l'allemand par Christophe David, Éditions Allia, 2001) : L'ensemble de la vie musicale contemporaine est dominé par la forme de la marchandise : les derniers vestiges précapitalistes ont disparu. La musique, à laquelle on accorde avec générosité tous les attributs des choses éthérées et sublimes, sert essentiellement à la publicité des marchandises que l'on doit précisément acquérir pour pouvoir écouter de la musique. Malgré sa relative brièveté, Sur le caractère fétiche de la musique et la régression de l'écoute est l'un des textes d'Adorno auquel son auteur attachait le plus d'importance. Toutes ses thèses sur le processus moderne qui fait de l'art une simple marchandise se trouvent contenues ici, appliquées à la musique, domaine auquel il était particulièrement attaché. Un texte dérangeant, parfois provocateur, au croisement de la philosophie, la sociologie et la musicologie.

15. Voir

16. Steuermann, elève de Busoni et de Schönberg, professeur de Theodor Adorno et d'Alfred Brendel.

 

Pomp and Circumstance

Le texte original de l'article d'Edward W. Saïd paru dans The Nation (August 30, 1986), repris dans Music at the limits,  Bloomsbury 2009.

 

Reading the brief but intelligent article on festivals in Grove's Dictionary, you become aware of the deep divergence between premodern music festivals as symbolic rituals connected with religion and agriculture and modern music festivals as commemorations of great composers or as commercial and tourist attractions. From the great theatrical festivals of fifth-century Athens to the druidic Eisteddfod and the thirteenth-century Puy in France, the first type has now receded into a dim anthropological past. The second type is very much with us, too much so. With a few exceptions, its extraordinary proliferation and degradation have further weakened a musical life that seems to be getting more disablingly eccentric as time goes on. Modern musical festivals began during the nineteenth century as worshipful commemorations of great composers-- Handel, Mozart, Bach, Beethoven and, later, Wagner. Wagner's Bayreuth Festival, which opened in 1876, was unusual in that it was originally planned as a revolutionary celebration, not as a monument to the high bourgeoisie and its authorized cultural memory. In a review of Wagner's letters, Thomas Mann noted that the composer's intention was to proclaim the necessity of putting a torch to the whole of bourgeois civilization along with its commercialized theatre industry. In the wake of this fiery cleansing, an isolated enthusiast here and there (like [Wagner] himself) might summon together the survivors of this despicable world and ask them: "Which of you would like to help me put on a drama?' Then only men of truly disinterested motives would come forward, since it would no longer be possible to make money out of the enterprise. They would then gather together in a rapidly erected wooden building to show people what art really is... The building was to be placed on a hill, a temple of art visible for miles around. The people would come together from the four corners of the land to be edified by a beauty pure and sublime. Only the most sublime works were to be given, in productions of the very highest standards.

After the sublime performances ("with no charge for admission, of course') the project would end, and the theater would be torn down. No such thing happened. By the end of the nineteenth century, Bayreuth was a place of social pilgrimage — Proust's unworthy Odette, not a knowledgeable music lover at all, irritated Swann by wanting to attend and to rent one of King Ludwig's castles as a nice place to stay— and by the 1930s the festival had become a symbol of the 1,000-year Reich. When it was reopened by Wilhelm Furtwangler in 1951, with a cleansing performance of Beethoven's Choral Symphony, it was quickly established as the standard by which all performances of Wagner are measured. Directed by Wolfgang and Wieland Wagner, Richard's grandsons, Bayreuth attracted such major conductors as Hans Knappertsbusch, Andre Cluytens, Karl Bohm and, more recently, Pierre Boulez. If performance standards have slipped in recent years, the festival nevertheless remains an extraordinarily durable and expensive one; to get in during July and August for a complete Ring cycle (no easy task) is to incur ticket and hotel expenses in the thousands of dollars. Salzburg's Festival, begun in 1877, is no less durable, expensive and mortuary, although the charms of little Mozart — who in his day seemed to detest nearly everything about the place: its notables, its horrid Gemutlichkeit — have been superseded by the Mercedes-like power and efficiency of Herbert von Karajan, the General Music Director of Europe. Although Salzburg is still supposedly dedicated to Mozart, other composers (Verdi, Strauss, Beethoven) are represented there, all herded under the driven and totalizing personality of von Karajan, who once dreamed of preparing productions of fifty operas in a central European location and then sending them forth to tour the world. Bayreuth and Salzburg both conform to the pattern of festivals expressing the special aesthetic and political personality of one ego ; others are Menotti's at Spoleto, Britten's at Aldeburgh, Menuhin's at Bath, Serkin's at Marlboro, Casals's at Prades and San Juan. Such festivals often suffer from atrophy, or the kind of traditionalism that is associated with dictatorships and cabals. The alternative, however, festival-by-committee, usually works no better. The most common type of summer festival is essentially an extension of an orchestra's or opera company's regular season. Some are more blatantly commercial than others. In Vienna and Munich the so-called summer opera festival offers exactly the same set of works, with most of the same performers, as the winter repertory — but at considerably higher prices, pegged to the gullible tourist's dollar. Mostly Mozart in New York is a catchall which includes bits and pieces of the winter season but at somewhat lower prices (and performance levels), whereas Ravinia and Tanglewood are routine prolongations of the orchestra seasons in Chicago and Boston, respectively, translated to "rustic' settings, with the same extremely mixed results. The rest of the major festivals — the Maggio Musicale in Venice, Santa Fe, Aix-en-Provence, Lucerne, Glyndebourne, to name a few— fall somewhere between these two types. Their claim on the public, apart from their attractive locations, is based largely on their reputation for a distinctive and meticulous excellence. It is certainly true that a great musical experience can occur at one of these festivals, and that a spectacular setting can enhance the enjoyment of routine performances. My only Bayreuth experience occurred in 1958, and so stunning was the impression on me of those ten days that I have never wished to return for fear of spoiling it. And for about twenty years, until 1976 or so, the Baalbeck Festival in Lebanon was wonderful to visit, set in the great Roman ruins of the temples of Jupiter and Bacchus in that eastern Lebanese town, now a Shiite militia center and detention point for various hostages. But I wonder whether festivals, even at their very rare best, can offer anything more than isolated moments savored and recollected in tranquillity. At their customary worst, they provide performances bathed in an entirely misleading light, that of an extraordinary occasion whose intimidating glare allows skillful but sometimes routine going-through-the-notes to pass for inspired and dedicated music making. There are now so many summer music festivals that aesthetic rationales for them seem to have been discarded entirely. Check the listings in The New York Times and you will find at least fifteen festivals in the New York area alone. One gets the feeling that ambitious impresarios and directors try to fill out the year by stuffing the dead summer months with programs designed to convince consumers that they are getting something special, while allowing musicians new occasions for engagements and income. Is there a big festival today that doesn't feature Alfred Brendel or James Levine or Emanuel Ax or Christopher Hogwood? You might be lucky enough to hear a marvelous recital by, say, Murray Perahia at Aldeburgh, which can be anchored aesthetically in the musical and pedagogical performance practice created there by Benjamin Britten and Peter Pears. But what are you to make of a performance of Beethoven's Third Piano Concerto at Tanglewood by Seiji Ozawa and Brendel when you know that Brendel will perform the same piece a week later at Edinburgh with a different orchestra and conductor but in more or less the same way, and that Ozawa will conduct it next season much as he did last in Symphony Hall? There seems to be nothing festival-like in such performances, even if you allow for indifferent acoustics, inordinately high ticket prices, heat, bugs and a seven-hour drive. Music for the multitudes, someone will mutter; or music in a charming locale; or music performed at a restful time, inside a withdrawn or informal or massively concentrated framework. Perhaps. But consider the following. First, there are virtually no festivals whose aim it is to bring contemporary music into sharper relief. All successful festivals today are essentially reconsecrations of the mainstream mid-eighteenth- to early twentieth-century central European tradition. Some, like Tanglewood, do have an estimable component of contemporary work, but these concerts seem to be curtained off from the main crowd-drawing events: the big performances of Beethoven and Brahms, and the occasional but laudable curatorial attempts to perform rarely heard works (Weber's Oberon in its original English version this season at Tanglewood) for a large audience. Big names are what count, plus relatively familiar repertory. Second, the acceleration in the number of performances has had the effect of diminishing the aesthetic and augmenting the socially significant dimensions of the playing. (Mostly Mozart runs for almost two months, on nearly every night of the week.) These occasions do provide an opportunity to hear a large body of work during a musically arid season. But it is the spectatorial, the acquisitive tastes of the metropolitan crowds that sustain summer festivals. Most people go to them for a few concerts, the way they go for walks in a city park; rarely if ever does anyone, except the reviewing staff of the big daily newspapers, attend a festival from start to finish. The pedagogical point of scheduling large swatches of repertory by a single composer is lost. Instead, we get the musical equivalent of a weekend outing. In his excellent book The Painting of Modern Life: Paris in the Art of Manet and his Followers, T.J. Clark describes the emergence of a middle-class habit of experiencing nature in the suburbs at a time when growing and hyperorganized cities like Haussmann's Paris were beginning to dominate their inhabitants' lives. The irony, as recorded by the painters of the 1860s and 1870s, is that even during these outings, industrial life would make an appearance, for example in the smokestacks and rail lines of Manet's suburban paintings. In turn, Monet and others chose to focus on weeds, streams, trees, as if deliberately to ban industry, to re-experience nature unnaturally, at close quarters. In this cycle of suburban "landscapes arranged for urban use,' of the Sunday outing celebrated as "a ritual of bourgeois identity,' Clark detects the appearance of "leisure as a great symbolic field in which the battle for bourgeois identity was fought.' No less than the realistic painting of Paris's environs, music festivals took hold in the second half of the nineteenth century as part of that mode by which, according to Clark and Thorstein Veblen, leisure become performance. To go to Bayreuth meant not only to admire Wagner but to be able to spare the time, to travel a fair distance, to stay away from home and routine, and, above all, to expect a better-than-average performance of music one could certainly hear at home in less expansive circumstances. It also meant experience in music that, like all difficult art, requires the luxury of special attention and effort. Nowadays, the intimidating and even authoritarian aspects of the early festivals have been overwhelmed by the sheer attention-getting expense of having star performers playing star works, day after day after day. Roger Vaughan says in his recent biography, Herbert von Karajan, that in 1983 the Salzburg Festival dished out the following sums: For Fidelio, it was reported that $110,000 had been spent for costumes; $280,000 for sets. For Cosi fan tutte, $140,000 for costumes; $305,000 for sets. The totals reported were $500,000 for hair and wardrobe; $1 million for lighting; $2.65 million for administrative and technical personnel. The 147 year-round personnel at the Festspielhaus consumed $3.6 million. Maazel received $50,000; Sawallisch $40,000; Levine $100,000. Karajan reportedly received $11,000 per evening for conducting, and $20,000 for producing. The soloists shared $1.75 million. Each of the Vienna Philharmonic's 147 players was receiving $7,500. The total festival subsidy was around $6 million. Not even von Karajan would suggest that such sums of money guarantee commensurately fine performances, or that the spirit of Mozart and Beethoven requires so astonishing an outlay of wealth. Half a million for "hair and wardrobe' highlights the stars, who perform before an admiring audience that can then flatter itself that being at Salzburg, pleasantly cowed into accepting display in lieu of musicianship, is better than not being there. In other words, the festival is a strueture of alienation by which highly specialized musicians, hairdressers, lighting technicians, etc., distance themselves from the public, which "consumes' music rather than makes it. At festivals, then, the music is mostly subordinated to the occasion. Norms for "live' performance are borrowed from the spectacle and from the recording. As Adorno says in his aptly titled essay "On the Fetish-Character in Music and the Regression of Listening,' when it is excellent, "the performance sounds like its own phonograph record.' A long series of performances, such as those at a festival, are like many records in one's library — available, accessible, ready for instant use. Festivals at which teaching and new compositions occur are therefore quite rare. The great summer courses at Darmstadt after the war, when Stockhausen, Boulez, Cage, Berio, Steuermann and others came together, are now a thing of the past. I would not want to imply that festivals are bad, or that all musical performances there are flawed, tawdry and somehow unworthy of serious attention. Certainly, as I shall explain in a subsequent article, there are some worth-while festival concerts to be heard. But festivals and the music they present cannot be divorced from the social circumstances in which they occur. Whether at Salzburg, Lincoln Center or Santa Fe, musical performance has been streamlined, essentialized, pared down in all sorts of ways to suit the consumer's ear and pocket — as well as, it might be added, the daily reviewer's commentary. As for the music festival as Wagner intended it at Bayreuth, or as Nietzsche described it in The Birth of Tragedy, that is now almost as difficult to imagine as it is to experience.

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