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Vienne, 2 janvier 2018, par Jean-Luc Vannier ——

Beethoven tonique avec Philippe Jordan et le Wiener Symphoniker

Buste de Beethoven dans le hall du Konzerthaus de Vienne.Buste de Beethoven dans le hall du Konzerthaus de Vienne.

Le programme secouait déjà la tradition : à la 9e symphonie en mineur opus 125 de Ludwig van Beethoven que nous avions entendue à Berlin un 31 décembre sous la direction de Daniel Barenboim, rituellement interprétée par les orchestres en Allemagne et en Autriche pour le concert du Nouvel An, le Wiener Symphoniker avait cette année ajouté la 2e symphonie en majeur opus 36. Et pour cause : le maestro Philippe Jordan, Directeur musical de la phalange viennoise depuis 2014 lançait, lundi 1er janvier 2018 au Konzerthaus, le cycle complet des symphonies du compositeur.

« L'homme Beethoven nous intéresse, pas le monument Beethoven » explique celui qui vient par surcroît d'être nommé à la tête de la Staatsoper avec une prise de fonction en 2020. Et de préciser dans un long entretien publié dans le programme : « Pour moi, et plus particulièrement dans ce cycle, le contenu chez Beethoven est encore plus important que la forme car Beethoven a toujours pensé en termes programmatiques ». C'est cet « homme Beethoven » dont l'interprétation du maestro a voulu restituer et la densité mélodique et la vigueur de la cadence, considérant que sa musique signe « le savoir de Beethoven sur son temps…comment il a connu son Goethe mais aussi…comment il a lu le nouveau Kant ». Cet homme qui écrivait en 1801 : « chaque jour, je m'approche davantage du but de ressentir mais je ne peux le décrire ». L'autre raison de ce cycle beethovénien réside sans aucun doute dans le fait que toutes les symphonies du compositeur ont été écrites et créées à Vienne. Autant dire que « cette musique est l'ADN » du Wiener Symphoniker. Quant au rapport entre la deuxième, créée au Theater an der Wien le 5 avril 1803 et la neuvième des symphonies de Beethoven, Philippe Jordan en repère pour nous les entrelacs subreptices : « la tonalité en majeur du final de la 9e renvoie à la 2e  » tandis que « se fait soudainement entendre à la 30e mesure de l'introduction de la 2e, le thème Freude de la 9e ».

L'expressivité tonique, authentiquement énergétique et toujours fascinante, du chef suisse dans sa direction musicale aura fait le reste : sourcils froncés, fulgurance imparable du regard, main gauche qui désigne vindicativement l'attaque d'un pupitre dans l'Adagio molto et un Allegro con — avec beaucoup de — brio ou qui ondule nonchalamment dans l'Allegro molto de la 2e, rien ne lui échappe. Une tonicité qui souligne et accentue jusqu'à l'opulence le trait musical, et, en particulier marque comme une vive rupture tous les passages du pianissimo au fortissimo. Au point de rendre le Larghetto presque insipide en comparaison. Et, nonobstant ce finale particulièrement audacieux pour l'époque, presque avant-gardiste dans la construction syncopée — ce qui vaudra un accueil mitigé du public et de la critique — cette 2e symphonie demeure d'autant plus sombre que sa rédaction s'accompagne des premiers symptômes de la surdité du compositeur.

Le maestro poursuit la même ligne en seconde partie avec une lecture toujours très exaltée de la 9e : son Allegro ma non troppo, un poco maestoso serait plutôt très maestoso : n'est pas Philippe Jordan qui veut ! Le fugato propose, en revanche, une pause presque religieuse, enfin apaisée avec le sentiment d'éprouver l'allègement d'une atmosphère souvent lourde, oppressante et d'entendre pour la première fois dans ce concert — est-ce réel ou le fruit de notre imagination ? — les  pizzicati des cordes. Le Presto - Allegro assai - Recitativo - Allegro assai font subtilement ressortir cette évolution, cette passerelle entre les leitmotivs précédents et l'annonce de la célèbre mélodie, désormais hymne européen : place aux contrebasses et aux violoncelles. La basse russe Dimitri Ivashchenko, interprète récent de Zaccharie dans Le Prophète de Meyerbeer au Capitole de Toulouse, lance alors son « O Freunde, nicht diese Töne ! ».  Malgré cette belle entrée des solistes, nous devons exprimer un vif regret : leur placement en haut du somptueux édifice du Konzerthaus, loin du public et au-dessus des magnifiques chœurs de la Wiener Singakademie (Heinz Ferlesch) les a rendus le plus souvent inaudibles. Bel effet visuel et scénique mais complètement néfaste sur le plan vocal. Difficile alors d'émettre un avis sur la soprano Emily Magee qui avait fait faux bond dans un Tristan et Isolde au TCE en mai 2016, de dire notre impression sur l'alto Anke Vondung ou sur le ténor Andreas Schager pour cette prise de rôle.  « L'homme Beethoven » mais des solistes trop près des cieux !

Vienne, le 2 janvier 2018
Jean-Luc Vannier


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