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Musique de chambre à Giverny : Ode à la joie

Joris Van Den Berg, à Giverny, répétition. Photographie © musicologie.org.

Concert du 17 août 2017, Musée des impressionnismes de Giverny.

Tous les ans, à l'initiative et sous la direction du violoncelliste Michel Strauss, musique de chambre à Giverny réunit en résidence une trentaine de musiciens, des juniors parmi les plus prometteurs de leur génération et quelques séniors blanchis sous le pupitre, dans un répertoire exigeant, avec une bonne dizaine de concerts. Cette 14e session 2017 s'est tenue du 17 au 27 août. Les thèmes en étaient « La route de la soie et les Mille et une nuits», « Musique en révolution ». Franghiz Ali-Zadeh, compositrice azerbaïdjanaise en était l'invitée.

Ludwig Van Beethoven, « L'Ode à la joie », extrait de la symphonie no 9, transcription par la classe de Cyrille Lehn au Conservatoire national supérieur Paris.

Adriana Ferreira (flûte), Bogdan Sydorenko (clarinette), Yun-Yang Lee (piano), Aylen Pritchin, Nikita Boriso-Glebsky, Luka Ispir, Julia Turnovsky (violons) ; Kei Tojo, Xavier Jeannequin (altos), Zlatomir Fung, Joris Van den Berg (violoncelles), Jean-Édouard Carlier (contrebasse).

Ludwig van Beethoven est un personnage ancré dans l'imagerie mémorielle et la littérature romantique, ce qui estompe souvent, dans sa biographie, la distinction entre le vrai et la fiction, comme en toute légende. Né à Bonn en hiver 1770, d'une mère maternelle et d'un père musicien, il reçoit dès son plus jeune âge une éducation musicale soignée, surtout après l'arrivée à Bonn de Christian Gottlob Neefe, en 1779, qui le prend en charge pour le piano, la composition, les philosophes de l'antiquité et les idées républicaines, sinon humanistes.

Sous la houlette de Neffe (peut être également sous la pression d'un père montreur d'enfant prodige), Beethoven commence sa carrière professionnelle vers l'âge de 10 ans. Plus tard, professeur de piano, il a l'occasion de se faire des Taler sonnants et trébuchants en fréquentant les idées modernes de familles bourgeoises et aristocrates éclairées, comme les von Breuning.

Attiré par Vienne, où règnent musicalement le vieux Haydn et le juvénile Mozart, il s'y rend en 1787, pose à peine ses valises, revient d'urgence à Bonn en raison du décès de sa mère, aussi pour assister son père tout aussi musicien que virtuose du carafon.

Il se rend de nouveau à Vienne en novembre 1792, grâce à une dotation princière. Son père meurt en décembre le foie gros comme ça, l'avancée des troupes françaises en Rhénanie ont fait fuir les princes mécènes. Beethoven reste à Vienne.

Si Bonn conserve tant pieusement que touristiquement la mémoire du compositeur, autour de la maison natale devenue musée et centre d'études, Beethoven est définitivement un compositeur viennois, un des trois maîtres du style classique (de la première école de Vienne), avec Haydn et Mozart. Il en poussera même les murs, ouvrant musicalement les salons éclairés sur la vie bourgeoise et ses nouvelles valeurs esthétiques, ce qu'on appelle le romantisme.

Joie, belle étincelle divine  / Tous les humains deviennent frères,  lorsque se déploie ton aile douce … Depuis 1792, Beethoven pense à ce poème de Friedrich Schiller publié en 1785. Ce n'est qu'au cours des années 1822-1824 qu'il en fera le dernier mouvement apaisant d'une symphonie tourmentée et démesurée, à la manière d'un oratorio d'église, suprême audace.

Dédiée au roi de Prusse  Wilhelm III, la 9e symphonie a été créée à Vienne le 7 mai 1824. Près de l'orchestre, Beethoven tournait les pages de sa partition. N'entendant plus rien, il battait une mesure décalée de l'orchestre. On suppose en avant, très en avant…

Jean-Claude Vanden Eynden, à Giverny, répétition. Photographie © musicologie.org.

Beethoven, Trio avec piano en majeur, opus 70 no 1, « Les esprits ». 1. Allegro vivace e con brio ; 2. Largo assai ed espressivo  ; 3. Presto.Jean-Claude Vanden Eynden (piano), Nikita Boriso-Glebsky (violon), Michel Strauss (violoncelle).

Composé en 1808 et créé chez la dédicataire de l'œuvre, la comtesse Marie Erdödy, qui hébergea Beethoven en 1808 et 1809, ce trio est une des plus belles réussites du style classique viennois (avec le trio « Archiduc »), voire une radicalisation de la musique de chambre. Si cette dernière, rejeton des salons des lumières, est bien une discussion entre partenaires égaux, elle mit du temps à trouver un équilibre concertant, entre mélodie accompagnée et contrepoint, d'autant que le violoncelle était assigné à jouer les basses, le plus souvent à doubler celles du piano. Beethoven fête ici la victoire de l'indépendance et de la liberté de la parole instrumentale.

Le titre « les esprits » ou « les fantômes » évoquent le second mouvement, le plus lent des mouvements lents des œuvres de Beethoven, aux thèmes fragmentés, à l'harmonie ambigüe et sombre, aux trémolos angoissants. Une tension certainement ensorcelée, puisque le compositeur en destinait le thème, selon ses esquisses, aux sorcières d'un opéra sur Macbeth.

Selon Ernst Theodor Amadeus Hoffman, « C'est un langage sublime, l'expression d'une joie sereine, venue d'un monde inconnu ».

Yun-Yang Lee, à Giverny. Photographie © musicologie.org.

Beethoven, Allegro assai, extrait du 4e mouvement de la symphonie no 9, transcription pour piano de Franz Liszt (1838-1863).

Yun-Yang Lee (piano).

En 1837, Liszt va bientôt se lancer dans une série de tournées, dix ans durant il battra les planches avec cette habileté à épater le public que Chopin exécrait, rencontre Clara Wieck future Clara Schumann qui note :

Nous avons entendu Liszt, il ne peut être comparé à aucun autre virtuose, seul de son espèce. Il provoque l'effroi et l'étonnement, et c'est un artiste très aimable. Son attitude au piano ne peut se décrire, il est original, il sombre devant l'instrument. Sa passion ne connaît aucune limite. Il blesse souvent le sentiment du beau parce qu'il déchire la mélodie. Son esprit est grand. On peut dire de lui : son art est sa vie.

Pour quelques Francs par page (mais aussi pour les concerts de commémoration à Vienne), il met au piano les 5e, 6e, 7e symphonies de Beethoven, mais en 1863, il reprend la transcription de l'ensemble des 9 symphonies, ce 4e mouvement, jugé dans un premier temps irréalisable au piano, lui ayant donné le plus de peine à l'ouvrage.

Bogdan Sydorenko, à Giverny, répétition. Photographie © musicologie.org.

Beethoven, Trio avec clarinette, en si♭ majeur, « Gassenhauertrio », opus 11, 1. Allegro con brio ; 2. Adagio ; 3. Thème et variations - Allegretto, Peut-être une commande du célèbre clarinettiste Josef Beer, composé en 1797-1798, dédicacé à la comtesse Maria Wilhelmine von Thun,  créé à Vienne (chez le comte de Fries ?) en 1798.

Bogdan Sydorenko (clarinette), Joris Van den Berg (violoncelle), Yun-Yang Lee (piano).

1796, Beethoven souffre des premiers troubles auditifs mais a encore ses oreilles. La critique musicale, voire l'entourage du compositeur, commence à s'inquiéter des bizarreries de son écriture, qu'on mettra plus tard, avec facilité, au compte de la surdité.

Comme l'écrit le critique de l'Allgemeine musikalische Zeitung, un tout nouveau journal, Beethoven « pourrait donner beaucoup de bonnes choses s'il acceptait d'écrire avec plus de naturel que de recherche ».

Et à propos des sonates opus 10 de 1797 :

Personne ne niera que M. van Beethoven est un génie ; il a de l'originalité et trace droit son chemin … Pourtant l'abondance de ses idées le conduit trop souvent à accumuler sauvagement les pensées et à les grouper ensemble de façon si bizarre que le résultat est souvent un obscur artifice ou une obscurité factice, ce qui est plutôt, dans l'ensemble, un défaut qu'un avantage. Il n'y a pas beaucoup d'artistes auxquels on puisse dire : épargne tes trésors et uses-en avec ménagement.
Ce soir nous avons de la chance, car si la critique du même journal estime que cet opus 11 n'est pas spécialement léger, elle lui accorde une fluidité, un bon effet d'ensemble, malgré l'harmonie inhabituelle du premier mouvement.

Le surnom de « Gassenhauer », chanson de rue, vient des neuf variations du dernier mouvement sur le thème extrait d'un air d'opéra-bouffe à succès de Joseph Weigl, L'amor marinaro connu aussi connu sous le titre Der Korsar oder Die Liebe unter den Seeleuten (Le corsaire ou l'amour chez les marins), créé en 1798.

Biographie de Ludwig van Beethoven

Jean-Marc Warszawski

Les concerts de la session 2017

1. Ode à la joie ; 2. Sur les routes de la soie ; 3. Le mythe et la musique ; 4. Au cœur des Mille et une nuits ; 5. Au bord de la Caspienne ; 6. Soirée Franco-Russe ; 7. La Révolution d'octobre ; 8. La poédsie et la musique ; 9. La révolution de l'art en musique ; 10. Deux géants de la révolution en musique ; 11. Prends garde à toi !

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Mercredi 15 Novembre, 2023