musicologie

24 décembre 2023 — Jean-Marc Warszawski

Les sept paroles du Christ en croix de Joseph Haydn

Joseph Haydn, Les sept dernières paroles du Christ en Croix, La Chapelle rhénane, Quatuor 1781, Hélène Walter (soprano), Salomé Haller (soprano), Benoît Haller (ténor), Pierre-Yves Cras (baryton-basse), Guillaume Humbrecht (violon,), Kojo Yoda (violon), Satryo Aryobimo Yudomartono (alto), Jérôme Vidaller (violoncelle). Paraty 2023 (PARATY 7231138).

Enregistré les 20-22 avril 2022, église Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-Saverne.

Les sept paroles du Christ en croix de Joseph Haydn sont une œuvre à tiroirs ou à rallonges, comme on le veut, un vaisseau, c’est une œuvre monumentale, à la voilure adaptable, qui ressemble fort à un office des ténèbres. Les paroles furent commandées en 1786 à Haydn, alors en pleine gloire, par le marquis de Valdes-Iñigo, chanoine de l’église du Rosaire à Cadix. Voici ce qu’en a écrit Haydn :

[…] un chanoine de Cadix m’a demandé de composer une musique instrumentale sur les Sept dernières paroles du Christ en croix. On avait alors l’habitude à la cathédrale de Cadix d’exécuter tous les ans, durant le carême, un oratorio dont l’effet se trouvait singulièrement renforcé par les circonstances que voici. Les murs, fenêtres et piliers de l’église étaient tendus de noir, seule une grande lampe suspendue au centre rompait cette sainte obscurité. À midi on fermait toutes les portes, et alors commençait la musique. Après un prélude approprié, l’évêque montait en chaire, prononçait une des sept Paroles et la commentait. Après quoi il descendait de la chaire et se prosternait devant l’autel. Cet intervalle de temps était rempli par la musique. L’évêque montait en chaire et en descendait une deuxième, une troisième fois, etc., et chaque fois l’orchestre intervenait à la fin du sermon.

La commande précisait : 7 adagios d’environ 10 minutes chacun, durée que Haydn avoue n’avoir pas réussi à respecter. Il s’agit d’une introduction, de sept sonates (dans le sens d’intermèdes dans les services religieux) et d’un tremblement de terre, conformément à l’office des ténèbres. Le succès est immédiat. L’année suivante, pour rendre l’œuvre plus accessible (Haydn était un habile commerçant) il réduit la partition d’orchestre pour quatuor à cordes, avec pour chaque mouvement une des paroles du Christ en exergue (en latin) repris des Évangiles. Haydn approuve par la suite une version pour piano. En 1792, le chanoine Joseph Friebert en fait une version chantée sur son propre texte en allemand. Intéressé, Haydn reprend sa partition, garde les paroles de Friebert et avec l’aide du baron van Swieten transforme les Sept paroles en oratorio, tout en gardant la partie instrumentale intacte.

L’ensemble vocal La Chapelle Rhénane et le Quatuor 1781 ont eu l’idée évidente, mais il fallait l’avoir, de mixturer quatuor à cordes et oratorio, au prix de quelques adaptations. Nous nous passerons des justificatifs historicistes sur les pratiques anciennes des réductions et adaptations, ce sont là des époques révolues qu’on ne peut reconstruire, l’approbation de Joseph Haydn est plus que problématique, et les artistes ont tous les droits de création, surtout ceux de nous offrir de bons moments de plaisir et d’intelligence. Ce qui est fait avec cette version des Sept paroles du Christ en croix et son enregistrement, tant dans le projet que dans la réalisation méticuleuse et virtuose sonore, propice à la ferveur, toujours humaine quel qu'en est l'objet.

 Jean-Marc Warszawski
24 décembre 2023
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Samedi 23 Décembre, 2023 21:16