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16 avril 2014, par Jean-Luc Vannier ——

Saisissant contraste entre Lux de Ken Ossola et Glory d'Andonis Foniadakis par le Ballet du Grand Théâtre de Genève

Ballet de GenèveBallet du Grand Théâtre de Genève. Sed Lux Permanet, chorégraphie de Ken Ossola. Photographie © Vincent Lepresle.

Étrange soirée chorégraphique, mardi 15 avril, lors du Monaco Dance Forum qui accueillait sur le Rocher le Ballet du Grand Théâtre de Genève et ce, pour une double performance : Lux de Ken Ossola et Glory d'Andonis Foniadakis. Malgré la proximité des titres aux réminiscences bibliques, nonobstant la musique puisant dans un registre spirituel — le Requiem de Gabriel Fauré pour le premier et des arrangements sur des partitions oratoriennes de Georg Friedrich Haendel pour le second — l'auditeur pouvait légitiment s'interroger, dans l'après-coup, sur la mystérieuse signifiance de cette programmation. Certes, le même clair-obscur des lumières flirtant avec l'inquiétante pénombre — Kee Tjebbes pour Lux et Mikki Kunttu pour Glory — semblait concilier les deux œuvres. Les affinités s'arrêtent là.

sed lux parmanetBallet du Grand Théâtre de Genève. Sed Lux Permanet, chorégraphie de Ken Ossola. Photographie © Vincent Lepresle.

Ancien élève de l'École de danse de Genève puis du Nederland Dans Teater, dirigé notamment par Jiri Kylian dont le Ballet Nice Méditerranée vient de produire son Sinfonietta et dont le Monaco Dance Forum présente ce jeudi son East Shadow, Lux de Ken Ossola met en scène des mouvements collectifs dont la parfaite coordination par les danseurs offre, en introduction, une troublante perspective de gisants convulsifs.

ken OssalaBallet du Grand Théâtre de Genève. Sed Lux Permanet, chorégraphie de Ken Ossola. Photographie © Vincent Lepresle.

La recherche de postures qui accentuent l'exploitation parfois massive, toujours très charnelle, des musculatures, hommes et femmes confondus, privilégie en outre des évolutions marquées par de soudaines initiatives ou des arrêts brusques : des pas de deux sont exécutés par quatre trios multipliant les jeux alambiqués, accrocheurs mais fluides, de bras et de jambes conjoignant in fine les entités physiques dans un superbe halo d'ondulations. Malgré la perte, un court moment, de la synchronisation de l'ensemble masculin, les vingt-deux danseurs du Ballet genevois magnifient une œuvre relativement brève mais auréolée d'une indéniable et énigmatique spiritualité.

Ballet de Genève.Ballet du Grand Théâtre de Genève. Glory, chorégraphie d'Andonis Foniadakis. Photographie © Gregory Batardon.

Par contraste, les tableaux successifs et profondément inspirés de Glory signé Andonis Foniadakis, passé par l'Ecole nationale de Grèce puis par l'École Rudra de Lausanne, nous ramènent à davantage d'harmonie : un peu comme l'oreille humaine se réapproprie les tonalités d'une mélodie classique, inconsciemment flattée après l'audition intellectuellement plus exigeante, voire dérangeante, d'une musique sérielle. En premier lieu, des exécutions physiques en complète adéquation — et non plus en décalé — avec l'écriture de Haendel. Là où Ken Ossola se plaît à stopper, rompre et ré-impulser dans une cadence lente, Andonis Foniadakis enchaîne, relie et maille les corps avec des tempi frénétiques. Et des symétries dignes d'une architecture traditionnelle comptant, notamment dans un superbe jeu d'ombres chinoises, un édifice central de silhouettes flanquées, de part et d'autres, de profils analogues. Plus variés, plus créatifs aussi les déplacements et les gestuelles : en témoignent de somptueux pas de deux interprétés dans des rets divinement lumineux, une danse ésotérique menée par une soliste au cœur d'une immense corolle noire et majestueuse sur fond d'un clavecin aussi aérien et soyeux que son tissu ou bien encore, un fascinant tableau de cinq danseurs, quatre hommes et une femme, modelant une subtile fusion des corps.

Grand Ballet de GenèveBallet du Grand Théâtre de Genève. Glory, chorégraphie d'Andonis Foniadakis. Photographie © Gregory Batardon.

Magie d'une chorégraphie misant sur l'évanescence somatique et où les corpulences trapues de la première partie deviennent, dans la seconde, étonnamment graciles. Ce deuxième travail insuffle aux danseurs du Ballet du Grand Théâtre de Genève une exubérance gymnique, une ivresse libératrice, quasi extatique à l'image du soliste monégasque Jeroen Verbruggen lui aussi attiré dans ses études par le couple « mort, au-delà ». Et où les anatomies, enveloppées à l'origine d'amples costumes noirs Shintao, se dénudent dans un final ponctué par un « Alléluia » du Messie de Haendel. Les agonisants immobiles, gisants épars à même le sol de l'acte I, se relèvent à l'acte II, droits et triomphants. Mors et Vita.

Nice, le 16 avril 2014
Jean-Luc Vannier


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