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Michel Rusquet, Trois siècles de musique instrumentale : un parcours découverte.

I. De la Renaissance au premier xviie siècle ; Angleterre

La musique instrumentale de William Byrd (1543-1623)

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Son nom est volontiers associé à celui de Tallis, dont il fut sans doute l'élève. Catholique affirmé comme son aîné, il parvint lui aussi à traverser sans drame majeur les persécutions et les troubles de la Réforme. Il est vrai que son talent lui valut de bénéficier durablement des faveurs de la reine Elisabeth, elle-même très musicienne, qui en fit avec Tallis un membre de la Chapelle royale et eut le bon goût de fermer les yeux sur son militantisme. Une manifestation de plus du légendaire pragmatisme anglais, qu'on ne peut que souligner quand on sait combien la tolérance royale avait alors ses limites et avec quelle rapidité les résistants à la cause de la Réforme pouvaient être envoyés au gibet…

Il est vrai que Byrd s'acquitta avec autant de conscience professionnelle que de talent des devoirs de  sa charge en composant, à côté des messes et psaumes exaltant sa foi catholique, un grand nombre d'œuvres vocales religieuses répondant aux exigences du culte anglican, des œuvres qui d'ailleurs ont pour une large part établi sa renommée de compositeur.

Cependant, c'est au moins autant le grand virginaliste élisabéthain que l'on retient aujourd'hui. « Il est vrai qu'il a fondé le style du virginal… Nul avant lui, au clavier, n'avait secoué la vieille écriture horizontale, privilégié des accords verticaux, émancipé la mélodie accompagnée ; nul n'avait donné cette force persuasive au rythme, à son accentuation régulière ; l'une et l'autre nouveauté tirées des luthistes, et du chant populaire… Ce style du virginal, trouvé d'instinct, Byrd l'a également épuisé, et les générations suivantes n'y apporteront que des embellissements de détail. C'est qu'il l'a saturé d'émotion, de tendresse, de grâce rêveuse. Il lui a imprimé ses inflexions à la fois les plus naturelles et les plus travaillées, habile à gommer la trace de son effort.»1

Œuvres pour clavier 

Byrd nous a laissé plus de cent vingt pièces pour clavier qui se trouvent pour l'essentiel dispersées dans trois recueils célèbres : le Fitzwilliam Virginal Book, le My Ladye Nevells Booke et le Parthenia, lequel inclut aussi des pièces de Bull et de Gibbons. Si nombre de ces pièces peuvent être jouées à l'orgue, leur destination première est le virginal, ce qui dans le langage de l'époque désignait toutes sortes de clavecins et non seulement les instruments maigrelets utilisés à domicile par les jeunes filles de noble extraction.

Dans cette production, la plus grande variété est de mise : on y trouve des fantaisies ou voluntaries, qui sont des pièces assez savantes, le plus souvent construites sur un motif original, où Byrd apparaît comme un très fin contrapuntiste.

Williamn Byrd, Fantasia MB 46, par Aapo Häkkinen (clavecin).

 

Williamn Byrd, A Voluntarie For My Ladye Nevell, par Christopher Hogwood (clavecin).

Y figurent également des danses de diverses sortes, où, à côté des allemandes (almans), dominent les  pavanes et gaillardes, des pièces d'une grande diversité de ton qui furent un des domaines d'élection du musicien. « Ses pavanes et ses gaillardes, écrites dans ce style simple et raffiné caractéristique de la plupart de ses pièces, sont en même temps empreintes de sensibilité. Basé sur une polyphonie claire, souvent limpide, mais toujours riche, leur thème donne lieu à toutes sortes de recherches mélodiques, rythmiques et harmoniques.»2

Williamn Byrd, The Queen's Alman, par Bertrand Cuiller (virginal).

 

Williamn Byrd, Pavana Lachrymae, d'après Thomas Tallis, par Davitt Moroney (muselar).

 

Williamn Byrd, Quadran Pavan, par Aapo Häkkinen (clavecin).

 

Williamn Byrd, Pavane & Gaillarde 16a et b (Clarifica me, Pater & Qui Passe for my Lady Nevell), par Gustav Leonhardt (clavecin).

Et, last but not least, Byrd nous offre une grande variété de variations (et autres grounds), souvent sur des airs populaires, où, sous des titres volontiers évocateurs (Carman's Whistle, The Woods so Wild, Jhon come kisse me now, The Bells, Sellinger's Round, Walsingham…), il est aussi au sommet de son art. Il y « déploie toutes les combinaisons possibles, rythmiques, mélodiques et harmoniques, sans jamais succomber0 à la tentation de la virtuosité gratuite. Son art est fait de simplicité, mais d'une simplicité pleine d'invention, et l'on reste émerveillé par la variété des moyens qu'il utilise dans un cadre finalement rigide, d'autant plus que l'on connaît les limites sonores du virginal… »3. A l'écoute de cette musique, on se dit que ses contemporains avaient décidément quelques raisons de qualifier Byrd de « Father of  Musick », et que la vénération dont il fut l'objet dépassait, et de loin, le respect dû à son grand âge.

William Byrd, Ground, par Gustav Leonhardt (claviorganum).

 

William Byrd, The Carman's Whistle, par Christopher Hogwood (clavecin).

 

William Byrd, Will Yow Walke The Woods Soe Wylde par Christopher Hogwood (virginal).

 

William Byrd, John come kisse me now, par Andreas Staier (clavecin).

 

William Byrd, The Bells, par Amaya Fernandez Pozuelo (clavecin).

 

William Byrd, Have with yow to Walsingame, par Davitt Moroney (clavecin).

Œuvres pour consorts de violes

Compositeur fabuleusement éclectique, Byrd a aussi puissamment contribué à l'essor de la musique pour ensembles, pour laquelle Henri VIII avait montré de l'intérêt en dotant sa cour d'un véritable orchestre de chambre. Ainsi connut-on cette formidable vogue des consorts (de flûtes et surtout de violes) et autres broken consorts (réunissant des instruments des deux familles) à laquelle on doit un bon nombre de petits chefs-d'œuvre.

Parmi les nombreuses pièces écrites par Byrd pour ces ensembles allant le plus souvent de quatre à six instruments d'une même famille, on cite volontiers ses In nomine, ses adaptations d'hymnes ou du Miserere, son Praeludium § Ground, diverses pavanes  et surtout ses fantaisies, parmi lesquelles les trois superbes Fantasiae a 6. Des musiques qui n'ont rien de frivole, certes, mais qui ouvrent sur certaines des inspirations les plus secrètes du compositeur et s'imposent par leur caractère fréquemment méditatif et par leur écriture extraordinairement raffinée.

William Byrd, In nomine a 4, n2 et In nomine a 5, no 5, par Rose Consort of Viols.

 

William Byrd, Fantasia, a 4, no 1

 

William Byrd, Fantasia, a 6, no 2 en sol mineur, par Rose Consort of Viols.

 

William Byrd, Diliges Dominum, a 8, canon rétrograde, par Parthenia & The Rose Consort of viols.

 

Notes

1. Sacre Guy, La musique de piano, Robert Laffont, Paris 1998 , p. 550.

2. Place Adelaïde de, dans Fr. R. Tranchefort (dir.), « Guide de la musique de piano et de clavecin », Fayard, Paris 1998, p.196.

3. Ibid., dans « Diapason » (381), avril 1992.

Michel Rusquet
11 décembre 2012
© musicologie.org


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