Avec une centaine de concertos connus, dont la moitié pour un seul instrument, un quart pour deux solistes et le reste pour trois solistes et plus, Telemann a généreusement servi un genre pour lequel il revêt systématiquement des « habits italiens », et on pourrait ajouter « d'église » tant le plan en quatre mouvements y est de règle. On y sent assez souvent cette « facilité » qui lui est volontiers reprochée, mais les idées ne manquent pas, le métier encore moins, et s'il est une critique qui ne saurait lui être adressée, c'est bien de ne pas suffisamment varier les plaisirs.
Le violon, avec au moins vingt concertos, a été naturellement l'instrument le plus copieusement servi, et certains d'entre eux, comme celui en fa dièse mineur, méritent l'attention. Cependant, on leur préférera nettement divers concertos dévolus à un autre instrument : les deux pour alto (particulièrement celui en sol majeur) ; celui en re majeur pour trompette ; celui en la mineur pour flûte à bec ; certains des concertos pour hautbois (re majeur et surtout ut mineur) ; enfin, et au-dessus du lot, les deux pour hautbois d'amour (la majeur et sol majeur), deux « partitions parmi les plus sensibles qui soient sorties de la plume de Telemann. »11 Les amateurs de curiosités ajouteront peut-être à la liste le concerto en la majeur « Die Relinge » (« Les Grenouilles ») dans lequel Telemann a confié au violon le soin d'imiter le coassement des batraciens, et — plus sûrement — un concerto en sol majeur sous-titré « Grillen-Symphonie » où il évoque le chant des criquets avec un chalumeau solo et un ensemble instrumental rehaussé d'un piccolo.
Georg Philipp Telemann, Concerto pour trompette en re majeurn Drottningholm Baroque Ensemble (Nils-Erik Sparf), Niklas Ecklund.On s'en serait douté, l'intérêt monte d'un cran lorsque notre musicien convoque deux solistes. C'est déjà le cas lorsqu'il associe deux solistes voués au même instrument : ici, on citera en premier l'étonnant concerto pour deux cors du troisième volet de la Tafelmusik, mais on peut y raccrocher celui en sol majeur pour deux violons, celui — également en sol majeur — pour deux altos, celui en re mineur (aux couleurs souvent ténébreuses) pour deux chalumeaux et, plus encore, le très beau concerto en la mineur pour deux flûtes à bec. A fortiori, lorsque deux instruments différents sont invités à la fête, Telemann est rarement à court d'inspiration : on appréciera notamment le concerto en mi mineur pour flûte et violon, celui en ut mineur pour violon et hautbois, le subtil concerto à 6 en fa majeur pour flûte à bec et basson, le fort amusant concerto en mi mineur pour flûte à bec et flûte traversière, et, à marquer d'une pierre blanche, celui en la mineur pour flûte à bec et viole de gambe, un des plus accomplis, « un des plus ravissants de Telemann avec ses entrelacs enjoués entre les agaceries de la flûte et les grincements de la viole. »12 Le passionné qui souhaiterait pousser plus loin ses investigations pourra d'ailleurs, avec un peu de chance, dénicher une autre œuvre écrite pour une distribution similaire : la Sinfonia en fa majeur pour flûte à bec alto et viole de gambe.
Georg Philipp Telemann, Concerto pour deux chalumeaux en re mineur, Musica Antiqua Köln (Reinhard Goebel), Erich Hoeprich, Lisa Klewitt.Ici, on ne manquera pas de revenir en premier aux deux joyaux inclus dans la Tafelmusik I (concerto en la majeur pour flûte, violon et violoncelle) et II (concerto en fa majeur pour trois violons). Ensuite, après un détour par le concerto en la majeur pour quatre violons, on sera souvent confronté aux délices de l'embarras du choix avec les divers concertos con multi instrumenti dans lesquels l'imagination du compositeur semble ne connaître aucune limite : la mineur pour deux flûtes et violone, la mineur pour flûte, hautbois et violon, re majeur pour deux hautbois d'amour et violoncelle, et, perle des perles, le concerto en mi majeur pour flûte, hautbois d'amour et viole d'amour, « un chef-d'œuvre […] dont l'originalité confondante (la profusion mélodique, les pittoresques tutti des allegros) se colore des teintes étranges de la viole d'amour. Avec ses rythmes polonais et ses effets de vièle rustique, cette œuvre de dix-huit minutes est de celles qui firent la transition entre les styles baroque et galant. »13 Et les réjouissances auxquelles nous convie Telemann se poursuivent avec les concertos — il faudrait parfois parler de concertinos car certains se passent des cordes, voire de la basse continue — écrits pour quatre solistes ou plus : si bémol majeur pour trois hautbois et trois violons, re majeur pour deux flûtes, violon et violoncelle, bémol majeur pour hautbois, violon, deux flûtes traversières et deux altos, re majeur pour violon et trois cors, et, pour s'arrêter sur une note hautement sonore et festive, le concerto en re majeur pour trois trompettes, deux hautbois et timbales.
Georg Philipp Telemann, Concerto pour flûte, hautbois d'amour et viole d'amour en mi majeur, Allegro, Collegium Musicum 90 (Simon Standage), Rachel Brown, Anthony Robson.Biographie de Georg Philipp Telemann
11. Macia Jean-Luc, dans « Diapason » (424), mars 1996.
12. —, Idem, (447), avril 1998.
13. —, Idem, (404), mai 1994.
Michel Rusquet
2016
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Dimanche 13 Avril, 2025