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Michel Rusquet, Trois siècles de musique instrumentale : un parcours découverte. III. Le temps de Bach.

La musique instrumentale de Gottlieb Muffat (1690-1770)

Avouons-le : après Bach, Haendel et Telemann, on a quelque mal à prendre en considération des musiciens qui pourtant, en leur temps, jouirent d'une réputation enviable, et souvent largement justifiée, dans cette Allemagne extrèmement morcelée où chaque cour princière, chaque ville digne de ce nom, entendait s'attacher les services des meilleurs. Outre Fischer et Weiss, nous en citerons six qui, à défaut d'être habités par le génie, brillèrent d'un éclat particulier, le plus souvent dans une mouvance artistique qu'on est tenté de qualifier de « telemannienne ». Ces musiques sont en effet particulièrement riches en couleurs, ce qui fait dire que, décidément, ce baroque allemand fut un vrai paradis pour les souffleurs de tout poil, à la flûte, au hautbois, au chalumeau, au basson comme au cor. Elles se signalent aussi, très largement, par un entrain et une énergie qui en font des œuvres plus pétillantes que profondes, d'un baroquisme étincelant, parfois à la limite de la frénésie instrumentale. Il est vrai qu'une part non négligeable de ce répertoire s'adressait à une formation d'exception, le fameux orchestre de Dresde, qui eut par ailleurs quelques grands « fournisseurs » étrangers comme Vivaldi et Veracini, une formation dont il n'était surtout pas question de sous-estimer les super-solistes.

Puisqu'il est à nouveau question de clavecin, empressons-nous de mettre en évidence le nom de Gottlieb Muffat. « Ce compositeur, malheureusement trop méconnu de nos jours, est certainement, dans le domaine du clavecin, l'un des meilleurs successeurs immédiats de J.S. Bach. »1 Fils de Georg Muffat, il passa la plus grande partie de sa vie à Vienne où, après s'être formé auprès de Fux, il exerça les fonctions d'organiste de la cour et de maître de musique des enfants de la famille impériale. En tant que compositeur, il s'est consacré exclusivement au clavier. « Il s'est essayé à la toccata, au capriccio, au prélude, au ricercare, à la fugue (72 Versetl sammt 12 Toccaten, publiés à Vienne en 1726, versets liturgiques, meilleurs à l'orgue qu'au clavecin). Mais ces pièces sont plutôt conservatrices, et c'est dans la suite de danses qu'il s'est le mieux illustré. A mi-chemin entre Couperin et Bach, et point indigne ni de l'un ni de l'autre, mais plus porté encore au goût italien, il y met une grâce caractéristique, des accords délicats, des rythmes déliés ; parfois il touche au pathétique ; et sitôt après, il rit de bon cœur, mais sans jamais rien de fruste ou de négligé. »2 Pour goûter cette musique qui doit également beaucoup à Haendel et à Fux, on ira donc sans hésitation puiser dans un recueil contenant six suites et une Ciaccona, que le musicien publia vers 1739 sous le titre Componimenti musicali per il cembalo.

Gottlieb Muffa, Capriccio desperato,par Tibor Pinter.
Suite V (Rigaudon), Suite VI (Fantaisie, Adagio, Fuga a quatro), Suite III (Finale), par Mitzi Meyerson

Notes

1. De Place Adelaïde, dans François-René Tranchefort (dir.), « Guide de la Musique de piano et de clavecin », Fayard, 1998, p. 548.

2.  Sacre Guy, La Musique de piano. Robert Laffont, Paris 1998, p. 2035.


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