16 avril, Église du Vœu de Nice
Matthieu Peyrègne.
Il se présente sanglé dans un blazer bleu marine. Sa frange impeccablement ondulée et son sourire juvénile lui donnent un inimitable côté « English good boy ». Une évidence pour qui a fait d'Henry Purcell son répertoire fétiche. Jeune contre-ténor prometteur et à même d'assurer la relève d'une musique baroque parfois durement malmenée sur Nice, Matthieu Peyrègne chantait samedi 16 avril à l'Église du Vœu tout en dirigeant son jeune Ensemble « Camerata Apollonia » dans une œuvre rarement interprétée de Dietrich Buxtehude, Membra Jesu Nostri : cycle de Cantates inspirées des poésies spirituelles du Moyen-âge mêlées de foi cistercienne et déplorant l'une après l'autre les plaies du Christ symboliquement portées de cinq à sept. Maître des compositeurs du xviiie, de Georg Friedrich Haendel à Johann Sebastian Bach, organiste à l'Église Sainte-Marie de Lübeck, ville hanséatique du nord de l'Allemagne dont il était lui-même natif, Dietrich Buxtehude imprégna à la musique religieuse allemande de son temps une bonne dose de mysticisme
Villa Kerylos de Beaulieu-sur-Mer.
Quelques semaines auparavant, accompagné d'une viole de gambe, d'un théorbe-luth et d'un violon, Matthieu Peyrègne s'était produit pour la première fois en solo à la Villa Kerylos de Beaulieu-sur-Mer dans un programme « Airs pour castrat dans l'Italie et l'Angleterre du xviie siècle ». Sa sublime interprétation de la lamentation Remember me, forget my fate du « Didon et Enée » d'Henry Purcell et son récital très convaincant des extraits d'Orpheus Britannicus, œuvre posthume du même compositeur, étaient parvenus à faire oublier sa réserve toute anglaise dans un air d'Opéra signé Antonio Sartorio u dans celui du Rinaldo de Haendel, lesquels réclamaient davantage de vivacité. Son « Dormi » tiré de La Giuditta d'Alessandro Scarlatti péchait aussi par manque de conviction. Nettement plus à l'aise dans les notes hautes, le jeune contre-ténor semble en outre vocalement plus audacieux en présence d'un partenaire : son duo d'excellence avec Gabriel Jublin, en octobre de l'année passée au Bar Baroque de Nice, fut tout simplement magnifique : parfaite — et rare — complétude harmonique des deux voix malgré une complexité de l'écriture vocale des œuvres de Monteverdi ou de Haendel. En bon élève des classes de Dominique Vellard ou de celles animées par Gerd Türk, Matthieu Peyrègne y lançait, exalté, ses phrasées avec un timbre éclatant et abordait agréablement les aigus avec une tessiture ample et mélodieuse.
Camerata Apollonia, direction Matthieu Peyrègne. Cantates pour les Plaies du Christ en Croix. Église du Vœu, Nice, 16 avril 2011.
Samedi dernier, lors de ces sept Cantates pour les Plaies du Christ en Croix, sa direction orchestrale, d'aussi bonne tenue que sa mèche, n'en insufflait pas moins une divine inspiration aux instrumentistes : Françoise Guillet et Cécile Goiran aux violons, Nina Rouyer à la Viole de gambe et le genevois Laurent Desmeules à l'orgue. Sans jamais vaciller dans son énergie tout en veillant scrupuleusement aux nuances, le jeune chef accompagnait par surcroît les artistes lyriques : le duo féminin composé de la soprano Lisa Magrini, en dernière année à la Schola Cantorum de Bâle et de la mezzo soprano Virginie Maraskin, choriste passée par l'Opéra de Monte Carlo, éblouissaient de luminosité dès la première cantate Ad Genua dont les échos semblaient se perdre dans les hauteurs de la voûte ecclésiale. Choriste à l'Opéra de la Principauté, le ténor Benoît Gunalons et la Basse d'origine italienne Dario Luschi, choriste à l'Opéra de Nice depuis 2002, leur donnaient une excellente réplique masculine, accentuant par leurs intonations la gravité des douloureuses implorations. Quant à Matthieu Peyrègne, son admirable Amoris domicilium dans la Cantate « A la Poitrine » précédait un Amen final d'une impressionnante solennité.
Nice, le 19 avril 2011
Jean-Luc Vannier
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Samedi 2 Mars, 2024