Un vent sibérien souffle aux abords de l'imposante bâtisse dont la flamboyance gothique ne parvient pas à réchauffer l'atmosphère. Dehors, la température frôle moins cinq. Il ne fait guère plus chaud à l'intérieur : la hauteur de la voûte romane attire l'air chaud pour former un brouillard céleste. Heureux présage annoncé par une nuée. Fondé en 1997 par Dominique Debès, maître de chapelle, le Madrigal de la cathédrale de Strasbourg offrait ce samedi 4 décembre 2010 un concert de Noël : une Weihnachtskantate « In dulci Jubilo » de Dietrich Buxtehude, compositeur allemand du XVIIe spécialiste des veillées musicales sacrées et profanes de l'Avent, suivie de la Weihnachtskantate opus 3 de Christian Heinrich Rinck (1770-1846). Après un intermède au grand orgue d'une pièce de Félix Alexandre Guilmant « Joseph est bien marié », opus 60 composé en 1884 et interprété par Marc Baumann, une deuxième partie proposait une « Messe de Noël » sur des thèmes anciens d'Albert Alain avant de terminer par un Magnificat en ré majeur de Dietrich Buxtehude.
Le Madrigal de la cathédrale de Strasbourg, 4 décembre 2010.
L'ensemble instrumental de la Cathédrale accompagnait quatre excellents solistes, tous issus de la Philharmonie et des Chœurs du prestigieux Opéra du Rhin : les aigus puissants et clairs de la soprano Tatiana Zolotikova rencontrent en écho la superbe voix charnue de la basse Jean-Philippe Emptaz. Le duo féminin de la soprano et de l'alto Simona Ivas qui débute le Magnificat émeut sans effort par son subtil équilibre. On regrettera néanmoins la faiblesse du ténor Christian Lorentz qui peine à s'imposer dans son registre vocal. Le maître de chapelle Dominique Debès impose une direction énergique, une maitrise courte, voire très didactique : si cette dernière frôle la perfection technique au regard de la partition, elle retient peut-être aussi la dose de volupté requise pour un chant de Noël. Serait-ce une tradition issue d'une influence culturelle ? Le lendemain, l'auteur de ces lignes assistait à un autre concert en l'Église Saint-Pierre le jeune où le maestro d'une formation, au demeurant de bonne qualité, maniait carrément la baguette comme une cravache : avec pour résultat le fait que les instrumentistes triomphaient dans les moments toniques ou très accentués mais semblaient désorientés dans les passages plus mélodieux.
Le temps d'un intermède, la virtuosité de Marc Baumann fait surgir d'impressionnantes tonalités du grand orgue, magnifique buffet polychrome — le bleu médiéval côtoie le rouge et les dorures baroques — accroché comme un nid d'hirondelles aux parois sombres et austères du monument religieux. Ouvert par un saisissant Kyrie Eleison, la Messe de Noël sur des thèmes anciens d'Albert Alain laisse entendre à deux reprises le thème d'une lancinante marche processive aux intonations douces qui rappellent celles de Gabriel Fauré dont le compositeur a été un élève au Conservatoire de Paris. Le Magnificat de Buxtehude fut pour sa part ponctué par quelques coups de la célèbre horloge astronomique de la cathédrale.
Nice, le 7 décembre 2010
Jean-Luc Vannier
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