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Monaco, 18 décembre 2014, par Jean-Luc Vannier ——

La matière humaine interrogée par Compagnie La Veronal au Monaco Dance Forum

Monaco Danse ForumSIENA, Compagnie La Veronal. Photographie © Jesús Robisco.

L'enthousiasme manquait, mercredi 17 décembre salle Garnier de l'Opéra, à l'issue de la performance chorégraphique Siena proposée par Compagnie La Veronal, invitée dans le cadre du Monaco Dance Forum. Un projet soutenu par le Ministère espagnol de la Culture, le Département culturel de la Province de Catalogne et l'Union européenne. L'idée originale avait pourtant de quoi séduire : une réflexion sur les destinées du corps humain à partir d'un tableau de nu féminin observé par une femme dans un hall de musée. Le tableau se fait miroir, mêlera mémoire et désirs au point de faire défiler différents états corporels avant d'emporter la spectatrice, vaincue par sa propre pulsion mortifère, dans un au-delà fantasmatique. Le travail de Marcos Morau, certes réputé pour promouvoir une vision rénovée de la chorégraphie intégrant, dans une prétention d'art total, d'autres disciplines comme la littérature et le cinéma, ne convainc malheureusement pas. La récurrence des mêmes déhanchements et autres déambulations anguleuses de ses danseurs pendant une heure et dix minutes, lasse franchement. Elle donne surtout le sentiment — certainement erroné — d'un auteur peu à même d'adapter les évolutions ou d'innover dans des gestuelles destinées à illustrer la variété des messages qu'il entend prodiguer.

La partie musicale alterne pièces classiques (J.S. Bach, F. Schubert, G.F. Haendel et D. Scarlatti), bruitages intempestifs (sonneries de téléphone, rires humains, gémissements canins…) et une voix « off » (Victoria Macarte & Benjamin Nathan Serio) qui décline des aphorismes crypto-philosophiques : « le nu a quelque chose d'hypnotique ». Toutes ces interventions parasitent les développements scéniques alors même qu'elles ne parviennent pas à en compenser la faiblesse expressive ou en galvaniser la portée suggestive. Malgré quelques passages intéressants comme cette empoignade de danseuses qui s'enchaînent frénétiquement ou le bref pas de deux final entre la femme et sa mort, les mouvements chorégraphiques, pourtant exécutés avec une indiscutable énergie et une méticulosité corporelle, ne suscitent pas la curiosité, encore moins l'émotion : les pauvres manipulations d'un cadavre dans sa housse mortuaire (décidément de saison au Monaco Dance Forum !) n'égalent pas l'exquise sophistication gymnique dans ce domaine signée deux jours avant à l'opéra par Sidi Larbi Cherkaoui.

width="570"SIENA, Compagnie Veronal. Photographie © Jesús Robisco.

Le scénario final (le cadavre se lève, franchit le cadre de la toile comme celui d'un miroir pour le psychotique) est cousu de fil blanc et ne surprend guère le public. Pour quelles raisons, par exemple, Marcos Morau n'a-t-il pas mieux exploité la présence sur scène de huit femmes (Inma Asensio, Laia Duran, Cristina Facco, Cristina Goni, Anna Hierro, Ariadna Montfort, Lorena Nogal, Marina Rodriguez et Sau-Ching Wong) et d'un seul homme (Manuel Rodriguez) dans sa conception chorégraphique puisqu'il invoque Pasolini — et donc l'éclectisme des centres d'intérêt, la radicalité des idées et la prégnance de la sexualité — dans sa note d'intention ? Autant d'éléments au cœur du fatum physique et psychique de l'être humain et dont l'auteur, ancien élève de l'Institut du Théâtre de Barcelone, du Conservatoire de danse de Valence et du Movement Research de New York, semble avoir pourtant gommé toutes les potentialités, réelles ou sublimées, d'interpellation.

Monaco, le 18 décembre 2014
Jean-Luc Vannier


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