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Monaco, 27 juillet 2014, par Jean-Luc Vannier ——

Kazuki Yamada et l'Orchestre philharmonique de Monte-Carlo à l'unisson pour Rachmaninov et Dvořák

Concert princier monacoConcert d'été Palais princier, 26 juillet 2014. Kazuki Yamada. Photographie © OPMC.

« La chance sourit toujours aux concerts d'été », explique, sûr de lui, un carabinier. Après un orage d'une violence à faire « pleuvoir des chats et des chiens » comme disent les Anglais, le soleil illuminait à nouveau, samedi 26 juillet, la Cour d'honneur du Palais princier, et ce, afin d'entendre le pianiste Roustem Saitkoulov dans le concerto pour violon et orchestre no 2 en do mineur, opus 18 de Sergueï Rachmaninov puis la symphonie no 8 en sol majeur, opus 88, d'Antonín Dvořák.

Nonobstant l'apaisante éclaircie, une excitation non feinte des mélomanes gagnait le parvis. Et pour cause : Kazuki Yamada, chef principal invité sur le Rocher dont nous avions relaté en novembre 2013 les circonstances de la nomination dirigeait l'orchestre philharmonique de Monte-Carlo. Mémorable soirée.

Roustem SaikoulovRoustem Saitkoulov. Photographie © OPMC.

Vainqueur des Piano Masters de Monte-Carlo en 2003, Roustem Saitkoulov développe dans les trois mouvements du concerto de Rachmaninov, créé à l'automne 1900 et signant la fin d'un grave épisode dépressif du compositeur, un jeu pianistique de fort caractère, typique de la grande école russe de piano : le fruit sans doute de son éducation musicale au Conservatoire national supérieur de Kazan, ville dont le soliste est originaire, puis de son passage au Conservatoire Tchaïkovski de Moscou. Mais ce lauréat des prix internationaux les plus prestigieux sait également infléchir ses accentuations par de multiples nuances aussi élégantes et gracieuses que les halos de pastel fuchsia marbrant hier soir les voûtes des Grands Appartements princiers. Il nous en administre la preuve dans un superbe Adagio sostenuto : son dialogue exclusif avec la flûte solo puis avec la clarinette solo, précède la reprise par les autres pupitres d'un thème en accéléré, avant de mourir entre les mains du soliste dans un accord en mi majeur, dont la note ultime coule, telle une larme sonore, triste et solitaire. La Cour d'honneur soupire d'aise. Elle ovationnera le pianiste à l'issue de l'Allegro scherzando.

Kazuki Yamada. Photographie © Marco Borggreve.

Les quatre mouvements de la symphonie no 8, en sol majeur, opus 88 d'Antonín Dvořák, créée le 2 février 1890 à Prague sous la direction de l'auteur, alternent expressivité des motifs populaires et exacerbation du romantisme national. La magistrale exécution de cette œuvre par l'orchestre philharmonique de Monte-Carlo fut en outre l'occasion de découvrir le style de Kazuki Yamada : évoquer la seule richesse de sa gestuelle serait bien en deçà de la vérité. Certes, le chef principal du Japan Philharmonic Orchestra invite chaque pupitre de sa paume ouverte, se signale d'un sourire à chaque soliste. Il transforme sa baguette en fleuret moucheté initiant les pizzicati des violoncelles et l'échappée du violon solo dans l'Adagio (Liza Kerob), pour, l'instant d'après, en user comme celle d'un sorcier lançant une imprécation dans le jaillissement final de l'Allegro ma non troppo ouvert par de rutilantes trompettes (Gérald Rolland et Rémy Labarthe). Tantôt patelin, tantôt félin, son corps sait aussi danser sur son estrade pour guider le troisième mouvement Allegretto grazioso et le hautbois chantant de Matthieu Bloch. Aucune mesure, aucune note même n'échappe à la vigilance scrupuleuse du jeune maestro de 35 ans dont la précision nous rappelle, par certains aspects, celle d'Oleg Caetani. Mais c'est surtout l'esprit de Kazuki Yamada qui retient toute notre attention : par son immuable sourire et son visage affable, reflet de sa culture et de sa philosophie, il insuffle aux instrumentistes une sérénité, une assurance qui ne sont pas de pure façade. Le regard bienveillant jeté sur l'un des contrebassistes, à la coiffure menaçante d'un Wolverine de Xmen, déclenche chez ce dernier un authentique sourire d'enfant. Lorsqu'il fait applaudir à juste titre le timbalier sis en face de lui, Julien Bourgeois rougit jusqu'aux oreilles. Son respect des musiciens, lesquels refusent à deux reprises de se lever pour manifester leur gratitude, s'étend par surcroît au public : il invite l'orchestre philharmonique de Monte-Carlo à se tourner à gauche puis à droite afin de remercier toute la Cour d'Honneur, sans exception. « Plus l'arbre possède de fruits, plus les branches tendent vers le sol », dit-on en persan.

Concert princier monacoKazuki Yamada. Concert d'été 26 juillet 2014 © OPMC.

Monaco, le 27 juillet 2014
Jean-Luc Vannie
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