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Tailleferre Germaine
1892-1983

Taillefesse Germaine, Marcelle

Tailleferre

De son vrai nom Germaine Marcelle Taillefesse. Née à Saint-Maur-des-Fossés le 19 avril 1892 - morte à Paris le 7 novembre 1983.

Elle commence le piano avec sa mère. En 1904, contre la volonté de son père, et en le lui cachant, elle entre au Conservatoire de Paris. Deux ans plus tard, elle obtient la médaille de solfège, ce qui amadoue quelque peu son père, qui refuse toutefois de la soutenir financièrement.

En 1912, au Conservatoire, elle fait la connaissance de Darius Milhaud (1892-1974), de Georges Auric (1899-1983) et d'Arthur Honegger (1882-1955), qui l'introduit auprès de Charles Kœchlin (1867-1950), duquel elle reçoit des conseils en orchestration.

En 1913, elle obtient un premier prix d'harmonie du Conservatoire, en 1914, le premier prix de composition, et en 1915, le premier prix d'accompagnement.

En 1917, Erik Satie est impressionné par la pièce pour deux pianos de Germaine Tailleferre, Jeux de plein air, et la déclare être sa « sœur en musique ». Il l'invite à rencontrer le groupe les « Nouveaux jeunes », mouvement des musiciens « des fausses notes », qui se réclame aussi de Claude Debussy, mais dont l'animateur se révélera être Jean Cocteau.

Ce groupe est en étroite relation avec des poètes comme Guillaume Apollinaire, Max Jacob, Blaise Cendrars, Léon-Paul Fargue, Paul Éluard, Louis Aragon, ou des peintres comme Pablo Picasso, Georges Braque, Fernand Léger, André Lhote, Moïse Kisling. C'est dans l'atelier d'un de ces peintres que les « Nouveaux Jeunes » donnent leur premier concert le 15 janvier 1918. Germaine Tailleferre y donne « Jeux de plein air », pour deux pianos (qui sera arrangé pour orchestre en 1924) et la Sonatine pour quatuor à cordes. La même année, elle joue « Jeux de plein air », avec Ricardo Viñes, à la Societé Nationale de Musique.

Vers 1919-1920, commence une longue collaboration d'étude, qui durera près de dix années, avec Maurice Ravel.

Germaine Tailleferre, Ballade pour piano et orchestre (1920), Rosario Marciano (piano), Orchestre de la Radio luxembourgioise, sou sla direction de Louis de Froment.

Un article du critique musical Henri Collet, dans « Comœdia », en 1920, rebaptise les « Nouveaux Jeunes » : « Groupe des Six ». Groupe composé de Georges Auric, Louis Durey, Arthur Honegger, Darius Milhaud, Francis Poulenc et Germaine Tailleferre, auxquels il faut ajouter le septième, Jean Cocteau.

Groupe des six Le groupe des six  (Jean Cocteau au piano) : de gauche à droite : Darius Milhaud, Georges Auric, Arthur Honegger, Germaine Tailleferre, Francis Poulenc, Louis Durey.

En 1920, elle prend part à l'œuvre collective du « Groupe des Six », le ballet « Les mariés de la Tour Eiffel », qui marque symboliquement la fin de l'expérience esthétique collective des « Six ».

Marc Chagall, Les mariés de la Tour Eiffel (détail) 1939

En 1924, elle joue son Concerto pour piano et orchestre sous la direction de Koussewitzky.

Germaine Tailleferre, Le marchand d'oiseaux (ballet, 1923), BBC National Orchestra of Wale, sous la direction de Perry So, 2016.
Germaine Tailleferre, Concerto pour piano et orchestre (1924), I. Allegro Moderato, II. Adagio, III. Allegro, Josephine Gandolfi (piano), UC Santa Cruz Orchestra conducted, sous la direction de Nicole Paiement.


En 1925, elle se marie avec le caricaturiste Ralph Barton (1891-1931), ex-mari de l'actrice de cinéma Carlotta Monterey (1888-1970). Le couple s'installe un temps à New York. À cette occasion elle fait la connaissance de Charlie Chaplin, un ami de son mari. Selon Germaine Tailleferre, Chaplin aurait aimé qu'elle travaillât sur les musiques de ses films, mais Barton s'y opposait. Le couple revient en France en 1927. Ils se séparent en 1929 et divorcent en avril 1931. Barton se suicide le 19 mai 1931, à New York. Elle rencontre le juriste Jean Lageat. Leur fille Françoise naît le le 4 juin 1931. Le couple se marie en 1932.

En 1931-1933, elle compose plusieurs musiques de film pour Maurice Cloche. En 1936, le groupe « Jeune France » (André Jolivet, Daniel-Lesur, Yves Baudrier, Olivier Messiaen) sollicite son parrainage, et met au programme de son premier concert sa Ballade pour piano et orchestre. Elle compose la Cantate du Narcisse, sur un texte de Paul Valéry en 1938.

Entre 1942 et 1946, pour échapper à l'occupation, elle est, avec sa sœur, aux États-Unis. À son retour, installée à Grasse, elle reçoit des commandes de la Radio, et compose des musiques pour le cinéma. En 1948-1947, elle compose sa seconde Sonate pour violon.

En 1955, l'année de son second divorce, elle compose, sur des textes de Denise Centore, cinq petits pastiches d'opéras comiques pour la radio, Du style galant au style méchant. En 1956-1957, au cours d'une tournée européenne, avec le baryton Bernard Lefort (le Concerto des vaines paroles est composé pour lui en 1954) elle se fait l'ambassadrice de la musique des « Six ».

Au cours de ces mêmes années, elle expérimente la technique sérielle, comme dans sa Sonate pour clarinette.

En 1969, le chef d'orchestre de la musique des Gardiens de la Paix, Désiré Dondeyne, s'intéresse à sa musique pour vents, lui passe des commandes et contribue à promouvoir son œuvre.

À la fin de sa vie, alors qu'elle est victime de difficultés financières, Georges Hacquard, directeur de l'École alsacienne (Paris), lui offre d'être pianiste des classes de danse-rythmique de son établissement, ce qui lui permet, en plus d'un apport financier, de bénéficier d'une couverture sociale. Elle a continué à créer jusqu'à sa mort.

Par ailleurs, Georges Hacquard a créé en 1977 une association pour promouvoir l'œuvre de la compositrice. Cette association a été dissoute en 2003.

Germaine Tailleferre et le baryton Mario Hacquard

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Catalogue des œuvres

Écrits

Bibliographie

Documents

PAUL LANDORMY, Germaine Tailleferre. Dans « La musique française après Debussy », Gallimard, Paris 1943 (6e édition)

Germaine Tailleferre eut une enfance orageuse. Elle adorait la musique. Elle voulait s'y consacrer entièrement. Son père ne voulait pas. A ses instances, il opposait les refus les plus formels. Discussions continuelles. La petite Germaine ne cédait pas. Elle avait la tête dure. Elle avait cette volonté ferme et résolue qu'aucun obstacle n'arrête. Volonté quelquefois capricieuse et mobile quand il s'agissait de petites choses. Mais quand il s'agissait de la musique, volonté toujours pareille, toujours la même, constamment tendue vers le but désiré d'un ardent et profond désir. La volonté paternelle dans la direction opposée était aussi opiniâtre. On devine les arguments contre une vocation pourtant irrésistible : incertitude du résultat d'efforts longs et persévérants. Imprudence d'une vie entièrement consacrée à l'art, surtout pour une femme. Risques multiples. Danger de la médiocrité, de la misère peut-être. La petite Germaine ne voulait rien entendre. Les scènes succédaient aux scènes.

Mais voyez la récompense d'une résolution bien prise et qui ne faiblit pas. Germaine Tailleferre finit par entrer au Conservatoire, où elle fit de brillantes études. Elle obtint successivement une première médaille de solfège, un premier prix d'harmonie, un premier prix de contrepoint, un premier prix d'accompagnement.

Ce premier prix d'accompagnement (qui avait été également décerné à Claude Debussy) soulignait singulièrement la valeur technique de notre jeune musicienne.

Les épreuves qu'il faut subir pour l'obtenir, et qui sont fort ignorées du public, sont nombreuses et redoutables.

Il faut savoir, naturellement, déchiffrer à merveille, mais aussi bien une partition d'orchestre qu'une partition de piano : il faut être de taille à en réduire à vue la complexité aux possibilités du clavier et aux dix doigts de l'exécutant.

Il faut savoir « transposer » sans la moindre hésitation.

Il faut savoir — ce qui est plus délicat encore — improviser un accompagnement sur un chant donné sans harmonie. Et c'est là que se révèle le fin musicien.

Germaine Tailleferre, au cours de ces différentes épreuves, se montra technicienne consommée.

La voilà donc pourvue de tous les diplômes qu'elle avait rêvé de posséder un jour.

Mais ce n'était pas tout. Continuer à vivre, comme elle avait fait jusque-là, en donnant des leçons, patiente et obscure : elle n'y songeait point ! Elle avait plus d'ambition. Elle voulait composer. Or, à cet égard, l'enseignement du Conservatoire ne lui offrait pas le secours qu'elle cherchait, qu'elle attendait. Elle avait besoin de quelque guide pour faire les premiers pas sur sa route qu'elle sentait confusément devoir s'écarter très loin des sentiers battus.

Un jour elle rencontra Darius Milhaud, et ce fut la bonne rencontre.

Milhaud apprécia son talent, ses dons indiscutables. Il lui donna des conseils, lui montra quel renouveau se préparait dans le domaine musical, lui indiqua une orientation souhaitable de son effort, — et il la mit en relations avec Erik Satie.

La voilà partie maintenant.

Et, remarquez-le, elle s'embarque avec les plus audacieux de nos jeunes artistes d'alors. Elle fait partie du groupe le plus avancé.

Cette hardiesse n'est pas commune de la part d'une femme. On dit l'esprit féminin en général assez conservateur. Et l'on n'a peut-être pas tort. Mais il faut tenir compte de ce fait que la femme a été si longtemps en tutelle que dans cette situation inférieure elle n'a pu apprendre que la timidité. D'autre part, sa culture générale longtemps négligée, ou du moins assez limitée, n'était pas faite pour lui ouvrir des vues sur un avenir différent du passé. De toute façon, sa situation sociale et son éducation l'attachaient à la tradition.

Mais depuis qu'elle se libère, depuis qu'elle prend, à côté de l'homme, une place égale à la sienne, depuis qu'elle se livre à des études aussi poussées que les siennes, ne va-t-elle pas montrer plus d'indépendance à l'égard des liens de la coutume ? Tout le fait prévoir, et maints exemples tendraient à prouver qu'elle irait maintenant volontiers plus loin que l'homme dans l'audace, plus loin dans le risque. Elle ne craint plus les explorations en des domaines inconnus. Son imagination, sa sensibilité la servent alors. Elle s'enthousiasme plus facilement que l'homme, et ses anticipations hasardeuses se trouvent moins alourdies par le poids des réflexions de la froide raison.

Quoi qu'il en soit, Germaine Tailleferre se mit à défricher pour sa part le champ encore inculte et broussailleux du poiytonalisme, et elle y fit pour son compte quelques précieuses découvertes.

En dehors d'un ballet : le Marchand d'oiseaux, d'une Berceuse et d'une Sonate pour violon et piano, d'un Concerto pour harpe et orchestre, Germaine Tailleferre a surtout composé pour son instrument, le piano, et notamment, — outre diverses pièces détachées, — une Ballade pour piano et orchestre, un Concertino pour piano et orchestre et les Jeux de plein air pour deux pianos. Ajoutons un remarquable Quatuor à cordes, une délicieuse Ouverture et un opéra-comique, le Fou sensé.

Tout cela dans une note extrêmement fine, avec beaucoup de charme et de sensibilité, mais aussi avec le ferme dessein de ne jamais rompre la ligne au profit de l'expression.

Bach, Couperin, Mozart sont ses grandes admirations, et leur regard ami projette parfois comme une douce lumière sur quelques-unes de ses compositions. Mais elle reste de son siècle, — tout à fait de son siècle et tout à fait elle-même, — et dans les compositions de l'artiste on retrouve la petite tête volontaire de l'enfant qui dictait à ses parents les décrets de son petit génie.

Une des rares femmes qui consentent à écrire de la musique féminine.

Discographie

tailleferrePar les tendres soirs de lune.

Mario Hacquard (baryton), Claude Collet (piano). Mélodies de Valentin Neuville, Germaine Tailleferre, Henri Tomasi. Disque Polymnie, 2008. Voir la présentation

 

Jean-Marc Warszawski
5 mars 2008
Nouveau miroir de page 22 juillet 2017


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