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18 février 2025 —— Michaël Sebaoun.

Vocabulaire de l’interprétation musicale

Lalitte Philippe, Vocabulaire de l’interprétation musicale. « Musique ouverte », Minerve, Paris 2024 [240 p. ; ISBN 978-2-86931-180-0 ; 21,00 €].

Lalitte Philippe, Vocabulaire de l’interprétation musicale. « Musique ouverte », Minerve, Paris 2024 [240 p. ; ISBN 978-2-86931-180-0 ; 21,00 €].

Professeur émérite de musicologie à la Sorbonne, Philippe Lalitte publie aux éditions Minerve (collection Musique ouverte) Vocabulaire de l’interprétation musicale, dont l’objectif est d’« apporter une synthèse inédite des connaissances actuelles sur l’interprétation, ses pratiques et son histoire » ; une synthèse inédite en français, précise l’auteur. L’ouvrage s’adresse aux musiciens, critiques et mélomanes ; ajoutons aux mélomanes avertis, car ce « dictionnaire amoureux de l’interprétation » est plus musicologique que « pédagogique ».

Chaque terme fait l’objet d’un traitement à peu près similaire : définition puis résumé historique d’une à quelques pages. C’est la force de l’ouvrage, de donner sur chacune des notions un aperçu aussi vaste que possible en un minimum de pages. Pour certaines entrées, la mission semble toutefois, par définition, impossible. Sur le chapitre, par exemple, concernant les écoles d’interprétation pianistique, l’auteur, de son propre aveu, doit se limiter aux écoles pianistiques française, allemande et russe, au détriment des écoles hongroise, américaine, asiatique, etc.

Certains chapitres sont particulièrement éloquents, tel celui sur l’évaluation de l’interprétation. L’auteur rapporte qu’« il existe aujourd’hui des dispositifs informatiques performants, capables de détecter les erreurs basiques d’interprétation ». On se croirait dans une compétition sportive !

Reconnaissant que l’évaluation d’une interprétation reste inévitablement soumise aux jugements humains, l’auteur remarque que les divergences de points de vue, liées à la formation et à l’expérience des évaluateurs, en réduisent la fiabilité. Plus surprenant, d’après une étude menée en 2003 par deux chercheurs (Thompson et Williamon), même des critères d’évaluation a priori « objectifs », comme la précision rythmique, ne conduisent pas à une cohérence des jugements.

L’étudiant qui souhaite entamer une carrière d’interprète trouvera des informations utiles sur les formations supérieures proposées en France, sur les métiers de la musique, notamment celui de musicien d’orchestre, et aussi sur les difficultés encore insuffisamment prises en compte, comme les écarts de salaire au détriment des femmes. Il y a même un chapitre sur la santé du musicien professionnel, où l’auteur examine en détail les TMS (troubles musculo-squelettiques), l’inquiétant cortège des troubles auditifs (intolérance au bruit, acouphènes, céphalées, etc.), l’APM (l’anxiété de performance musicale).

Intéressera le musicien professionnel comme le mélomane l’entrée consacrée à la direction d’orchestre, depuis ses débuts où diriger « consiste à indiquer la hauteur ou le contour mélodique, ainsi que le tactus » (manière ancienne de battre la mesure), jusqu’au moderne chef d’orchestre démiurge, supervisant tous les paramètres de l’interprétation (justesse, tempo, couleur sonore, équilibre…) au-delà du seul maintien de la cohésion rythmique de l’orchestre

Les pages sur l’interprétation de la musique après 1945 décrivent quelques aspects (nouveaux signes dans la notation musicale, surcroît de virtuosité, dispositions spatiales des instruments non conventionnels, synchronisation entre l’instrumentiste et l’électronique) qui requièrent de l’interprète de musique d’aujourd’hui « une adaptabilité à toutes sortes de pratiques et de situation ». On ajoutera néanmoins que l’on peut aussi douter de la nécessité impérieuse d’une évolution des pratiques ; et on peut regretter dans ces pages l’absence d’un paragraphe qui chahuterait un peu la parenté adultère entre interprétation et innovation.

L’étude de la notation de la dynamique (nuances) montre là encore une évolution radicale, depuis son apparition dans les partitions au XVIe siècle jusqu’au ffffffffff du Grand Macabre de György Ligeti, en passant par l’attention à la qualité de l’édition des premiers musiciens modernes, Claude Debussy en tête, qui écrit à son éditeur Durand en 1907 : « Pourriez-vous prier votre graveur de respecter l’emplacement des nuances ? — c’est d’une importance extrême et pianistique » (pour des raisons de lisibilité, les graveurs les déplaçaient quelquefois).

Interprétation historiquement informée, doigtés, enregistrement, improvisation, et bien d’autres termes liés à l’interprétation musicale sont convoqués dans ce livre dense et érudit de Philippe Lalitte.

plume 3 Michaël Sebaoun
18 février 2025
© musicologie.org


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Mardi 18 Février, 2025 1:27