Frédéric Léolla, Paris, Maison de, la Radio, 4 décembre 2025
Vive les bonnes surprises à Radio-France
Fabien Gabel. Photographie © D.R.
Il n’est pas fréquent d’avoir des œuvres de Gabriel Pierné au programme, et c’est bien malheureux : Pierné sut comme personne combiner les changements de son époque (rappelons qu’il fut contemporain, condisciple et ami de Claude Debussy) avec un sens mélodique de premier ordre, et ses partitions regorgent de charme et d’émotion. C’est aussi le cas de la Suite no 2 tirée de son ballet Cydalise et le chèvre-pied. Fabien Gabel aux commandes du National de France entame le concert avec cette suite et beaucoup d’énergie (« énergie » sera sans doute le maître-mot du concert). Au cours de l’œuvre, il saura rendre aussi l’esprit dix-huitième siècle qui plane sur la partition, ainsi que la tendresse et le charme de Pierné. À l’écoute de cette suite, la salle, charmée en effet, se demande « Pourquoi ne programme-t-on pas plus souvent des œuvres de Pierné ? ».
Deuxième pièce du concert, le Concerto pour flûte, de Samy Moussa, en création mondiale. Moussa est apparemment le nouveau compositeur-coqueluche des orchestres internationaux. Hélas ! dans la partition présentée, malgré la maîtrise technique des possibilités de l’orchestre, nous ne trouvons rien qui puisse nous surprendre. Au premier temps, une longue (longue) suite de variations sur un segment mélodique qui ne cesse de nous rappeler les musiques de film des années mille-neuf-cent-quatre-vingt. Au deuxième… au deuxième, je crois que je dormais déjà. Les applaudissements courtois du public me réveillent.
Emmanuel Pahud et Gabel avec le National, en guise de bis, nous proposent la Romance de Camille Saint-Saëns dans l’orchestration de Saint-Saëns lui-même, récemment retrouvée (Pahud a la gentillesse et le bon sens de tout dire au public avant de commencer son bis). Dans ce très joli morceau, le flûtiste nous épate par la longueur du souffle, par l’art du phrasé et des nuances. Le National l’enrobe plus que ne l’accompagne, tout en douceur.
Après l’entracte, une œuvre au parcours tortueux (comme toutes les œuvres de Modeste Moussorgski, en fait), La nuit sur le mont Chauve, que l’auteur proposa (sans succès) au moment de son orchestration (1867), qu’il reproposa retouchée comme partie d’un opéra collectif, Mlada (qui ne vit jamais le jour), puis comme partie d’un autre opéra, La foire de Sorochintsy (qu’il ne finira jamais)… Cette Nuit sur le mont Chauve ne trouvera le succès (mais alors là un succès formidable, adaptation en animation par Walt Disney-Stokowski incluse) que dans l’arrangement de 1886 de Rimski-Korsakov (Qui connaîtrait aujourd’hui Moussorgski ou Borodine si ce n’était grâce aux retouches de Rimski-Korsakov ? Nous lui devons une fière chandelle). Pour l’heure c’est la version originale de 1867 que Gabel a le bon goût de nous proposer, une version surprenante abordée par le chef avec beaucoup d’énergie, par moments même avec une sorte de frénésie qui fait perdre en netteté ce qu’on gagne en vitalité. Belle surprise.
En fin de concert, la fantaisie que Richard Strauss tira de son opéra La femme sans ombre, composé entre 1913 et 1917. Cet opéra n’eut jamais le succès escompté par ses auteurs (Strauss et Hugo von Hofmannsthal), néanmoins les aficionados le tiennent pour une de leurs plus belles réalisations. Le compositeur, conscient de la valeur de son œuvre, en tira cette fantaisie en 1946. Mais le Strauss de 1946 est bien plus sage que celui de 1917, et on peine à retrouver dans la suite l’impactante modernité, la brutalité presque de l’opéra d’origine, hormis quelques effets de couleur isolés. Gabel et le National les rendent bien, la douceur straussienne de la suite ainsi que sa chatoyante orchestration.
Malgré la participation de Pahud qui est quand même une star de la flûte, la salle n’était qu’à moitié remplie. Décidément, ce ne sont que les œuvres entendues et ré-entendues qui semblent attirer le public parisien, ce qui n’est pas à sonl’honorer… Dans tous les cas, les spectateurs présents semblent bien contents de tout ce qu’ils ont découvert grâce à un programme élaboré avec soin et imagination. Merci.
Paris, jeudi 4 décembre 2025. Maison de la Radio et de la Musique. Gabriel Pierné : Cydalise et le chèvre-pied, suite nº 2 ; Samy Moussa : Concerto pour flûte ; Modest Moussorgski : Une nuit sur le mont Chauve (version originale) ; Richard Strauss : La femme sans ombre, fantaisie symphonique. Avec Emmanuel Pahud (flûte). Orchestre National de France. Direction Fabien Gabel.
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ISSN 2269-9910

Mercredi 17 Décembre, 2025 0:26