Théâtre des Champs Élysées, 25 mai 2025 —— Alfred Caron
Théâtre des Champs Élysées, Mitridate, Jessica Pratt (Aspasia). Photographie © Gaëlle Caron.
Depuis la production du Châtelet de 2000 et sa distribution stellaire, dont le disque a conservé la mémoire, Christophe Rousset a dirigé Mitridate, re di Ponto, un peu partout, en version scénique et en concert. Autant dire qu’il connaît le premier opera seria de Mozart comme sa poche et qu’il le sert avec dévotion. Cette version était la réplique d’un concert donné il y a quelques jours à la Scala de Milan et bénéficiait dans sa grande cohérence de cette antériorité.
Après Montpellier, où il nous avait particulièrement impressionné en avril dernier, on y retrouvait Lévy Segkapane dans le rôle-titre, remplaçant Sergey Romanovsky initialement annoncé. D’évidence, le ténor sud-africain n’est pas exactement le baryténor attendu pour Mitridate, mais avec un médium large et une remarquable maîtrise de la voix mixte, il réussit à gérer les écarts de registre dont est hérissé le rôle-titre, notamment dans son redoutable air d’entrée. Surtout, son interprétation est nourrie de son expérience scénique et il incarne le terrible potentat colérique trompé par ses fils avec une expressivité de tous les instants. Chez Jessica Pratt la technique est également éblouissante et la soprano offre une stature vraiment royale au personnage d’Aspasie, mais, curieusement, si elle se révèle remarquablement investie dans des récitatifs d’une parfaite clarté — sans doute un des grands atouts de la ressuscite de cette version — elle reste dans les airs en peu en deçà de l’attente que sa connaissance évidente du rôle promet. Le choix d’un soprano lyrique dans le rôle de Sifare, écrit pour un grand castrat, enlève au personnage ce qu’un timbre plus léger et plus aérien pourrait offrir de contraste avec elle,d’autant plus que Vanessa Goikoetxea l’incarne dans un registre héroïque et viril avec des aigus toujours un peu trop forcés. La mezzo canadienne Rose Naggar-Tremblay s’en donne à cœur joie dans son incarnation de Farnace, jouant à fond son personnage de « bad boy », auquel elle offre une voix longue au médium et aux graves charnus. Il ne manque aucun air à cette version intégrale et il faut bien avouer que ceux d’Ismene, la fiancée abandonnée de Farnace, à l’exception du dernier, ne sont pas les plus originaux. La soprano Maria Kokareva s’y montre en tout cas une vocaliste sans reproche et réussit à leur donner un peu d’intérêt. Avec chacun un air, Arbace et Marzio, sont un peu les sacrifiés de cette affaire. Nina van Essen a le sien au début de l’opéra et le chante avec style, jouant ensuite les utilités avec diligence. À Marzio, le Romain, revient un des derniers. Le ténor Alasdair Kent y montre ses capacités de vocaliste avec brio. Attentif à son plateau, le chef ménage à ses solistes l’espace de belles cadences et leur permet de belles reprises variées qui viennent ranimer l’intérêt des nombreux da capo.
Théâtre des Champs Élysées, Mitridate, Maria Kokereva (Ismene). Photographie © Gaëlle Caron.
L’autre protagoniste de cette matinée captivante est bien sûr l’orchestre des Talents lyriques parfaitement en phase avec les chanteurs et la direction nerveuse et remarquablement vivante de Christophe Rousset. Le chef ne laisse jamais retomber la tension et réussit à hisser cet opéra de jeunesse d’un Mozart de 14 ans au niveau de ses chefs-d’œuvre les plus connus. Au final l’ensemble reçoit un succès sans partage d’une salle comble et audiblement comblée.
Alfred Caron
2025
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Mercredi 28 Mai, 2025 2:18