Musique de Giacomo Puccini, sur un livret de Luigi Illica et Giuseppe Giacosa d’après la pièce de David Belasco et le conte de John Luther Long, créée en 1904, Milan, Teatro alla Scala.
Au cri scandalisé du consul des États-Unis invité à la cérémonie de mariage (« Quindici Anni ! »/Quinze ans !), le citoyen américain Benjamin Franklin Pinkerton, qui va se marier avec la jeune Japonaise de 15 ans en question, répond complice, réjoui et on doit croire qu’excité : « Piece of My Heart ». Pourtant, ledit Pinkerton doit avoir dépassé la vingtaine et presque la trentaine, puisqu’il est capitaine du vaisseau américain Abraham Lincoln.
Je ne sais pas au temps de Puccini, mais aujourd’hui, je crois que l’on considérerait ça comme de la pédophilie. Dans tous les cas je pense que ce serait attaquable en justice sans problèmes. Pourvu que quelqu’un voulût bien le dénoncer, ce qui est loin d’être le cas dans Madama Butterfly.
Néanmoins la chose devait bien être un peu choquante, puisque le consul américain Sharpless en est donc quelque peu scandalisé.
Cela n’est pourtant pas suffisant pour que le consul arrête la cérémonie. Il se limite à quelques vagues remontrances à son compatriote, puis basta.
Giacomo Puccini, Madama Butterfly, « Un bel dì, vedremo », Eleonora Buratto, Opéra de Paris 2024.Costume pour Madama Butterfly, par Anemogiannis Giorgos, 1937 (Musée Kazantzakis - Archives théâtrales de Giorgos Anemoyannis).
D’autant plus que cette petite, selon nous informe l’entremetteur japonais Goro, est une geisha, elle vient donc elle aussi du monde de la prostitution, au moins dans le sens que les occidentaux attachent aux geishas (mais, à quel âge aurait-elle donc commencé ? Si on y pense, la chose est plus que révoltante, gerbante).
Heureusement il y a peu de chanteuses de 15 ans qui puissent incarner le formidable rôle de Cio-cio-san. Comme, du coup, ce sont des chanteuses adultes — entre la trentaine et la cinquante, on va dire — qui endossent le rôle, le spectateur a vite fait d’oublier ce détail de l’âge, et nous pouvons nous concentrer sur d’autres aspects de l’œuvre. Sans cela, le splendide duo d’amour de la fin du premier acte ne pourrait pas être dégusté avec la même tranquillité et son élan voluptueux ferait un immense flop chez la plupart des spectateurs/trices.
Notons néanmoins que le détail de l’âge permet aussi d’expliquer la naïveté presque obtuse, presque idiote de la protagoniste du début jusqu’à la fin de l’œuvre. Il donne aussi des accents d’innocence à son personnage, innocence que quelques grandes chanteuses ont réussi à exploiter admirablement.
Voir aussi bigamie, légitime et prostitution.
Frédéric Léolla
3 juin 2025
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