Michaël Sebaoun, 21 juillet 2025.
Dimitri Chostakovitch, Valentin Silvestrov, Ettore Causa (alto), Boris Berman, (piano), Sonate pour alto et piano, opus 147, Impromptu pour alto et piano, opus 33 (Chostakovitch), Élégie pour alto, Épitaphe, Trois intermezzi pour piano, « Intermezzo », « Sérénade », « Moment musical ». Le Palais des Dégustateurs 2025 (PDD 041).
Enregistré les 7-9 juin 2024, Beaune, Couvent des Jacobins.
La sonate pour alto et piano, opus 147, de Dmitri Chostakovitch est la dernière œuvre du compositeur, mort le 9 août 1975. Elle fut créée le 25 septembre 1975.
Lors d’une conversation téléphonique entre l’altiste Fiodor Droujinine et Chostakovitch, celui-ci déclara : « … la musique est claire, claire ». Selon Droujinine, le compositeur voulait très probablement souligner que cette œuvre ne devait pas être de la musique funéraire.
L’auteure de la notice, Tatjana Frumkis, pense quant à elle que « la signification de la musique est claire et peut être comprise immédiatement : les nombreuses citations, de l’opéra Les Joueurs du compositeur, de Don Quichotte de Strauss, de la Sonate au clair de lune de Beethoven, entre autres, sont perceptibles, même sans programme.
Mais il faut aller plus loin, en fait de citations ; selon le pianiste et compositeur Ivan Sokolov, on peut en effet déceler « de courtes citations de chacune des symphonies de Chostakovitch apparaissant l’une après l’autre dans l’épisode central du mouvement final ».
Le premier mouvement de cette sonate, moderato, fut d’abord sous-titré « nouvelle ». Et, en dépit de la citation du compositeur sur la clarté de l’œuvre, on entend une musique d’allure austère, introduite par des pizzicati en quintes d’où émerge un chant contenu comme aimanté par le registre grave. Une certaine rigidité rythmique, un piano sobre, accentuent l’aspect ténébreux.
Après un épisode « passionné », le piano fait entendre à son tour les quintes creuses. Le mouvement se terminera dans les profondeurs fantomatiques et quasi silencieuses de l’introduction.
Le second mouvement, Allegretto, plus ancré dans la tonalité, semble lorgner sur Prokovief, voire sur certaines danses rituelles à la manière de Stravinski.
Le dernier mouvement est un long adagio. Le rythme pointé, issu de la Sonate au clair de lune, confié d’abord à l’alto, semble, précisément, évoquer une marche funéraire. Comme des percées lumineuses, les réminiscences beethovéniennes traversent ce mouvement erratique ; et toujours le rythme pointé, comme des apparitions.
L’Élégie pour alto, dont c’est le premier enregistrement mondial, du compositeur et pianiste ukrainien Valentin Silvestrov entre en résonance parfaite, avec ses pizzicati et son chant de mort, avec l’œuvre de Chostakovitch.
Les Trois intermezzi pour piano de Silvestrov, enregistrés également pour la première fois, mettent en jeu une tonalité franche et candide, dont la virtuosité est exclue, et dont « les mélodies se succèdent comme dans un rêve », nourries de répétitions variées. Il n’est pas certain qu’ils recueillent tous les suffrages.
Enregistré pour la première fois, le Triptyque pour alto et piano de Silvestrov prolonge la veine onirique et mélodique des Intermezzi, avant le bref Impromptu pour alto et piano, opus 33, de Chostakovitch, découvert en 2017. Les circonstances de cette composition en sol mineur sont inconnues.
L’altiste Ettore Causa et le pianiste Boris Berman nous offrent une interprétation de toute beauté, entre visions macabres et musique des anges, rehaussée par une prise de son de grande qualité.
Michaël Sebaoun
21 juillet 2025
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Lundi 21 Juillet, 2025 16:17