Jean-Marc Warszawski, 22 novembre 2025
La Kreislermania d'Amanda Favier et Élodie Soulard

Amanda Favier (violon), Élodie Soulard (accordéon), Kreislermania, œuvres et arrangements de Fritz Kreisler : Granados, Albéniz, Chaminade, Tchaïkovski, Couperin, Francœur. Nomad Music 2025 (NMM 127). Enregistré en mars 2025, Studios de Meudon.
Nous avons eu l’occasion d’entendre Élodie Soulard en pas vrai dans Les Saisons de Piotr Illich Tchaïkovski, qu’elle a arrangées avec Yuri Shishkin et jouées pour le label Nomad Music, il y a trois ans, comme si c’était hier. Un collègue a eu le plaisir de l’entendre en vrai, dans la Petite messe solennelle de Rossini mise en scène, à Paris, Théâtre de l’Athénée où son accordéon remplaçait l’harmonium de l’instrumentation originale.
Nous avons entendu en vrai Amanda Favier, il doit y avoir une quinzaine d’années, au cours des cycles de concerts que Nicolas Bacri organisait au Conservatoire de Paris. Et en pas vrai, quand elle a enregistré (Arion 2013) en compagne de la pianiste Célimène Daudet des œuvres choisies parmi celles que le violoniste et compositeur Lucien Durosoir conservait et jouait au front de la grande Guerre.
Pas grand-chose, en fait, quant à leurs deux carrières bien remplies et un long compagnonnage qu'elles entretiennent depuis plus de dix années.
Le quatre novembre dernier, nous les avons entendues présenter en treize pièces leur cédé qui en compte dix-neuf, de la romance à la bravoure, des œuvres et des arrangements de Fritz Kreisler. Comme tous et toutes les violonistes, Amanda Favier cultive une ferveur admirative envers le sublissime violoniste, pour son art dont on garde le témoignage par de nombreux enregistrements (dont en compagnie de Sergueï Rachmaninov) et ses nombreuses compositions et arrangments faits pour plaire, mais avec une très haute idée de la musique et du public. Il jouait aussi des œuvres de musiciens baroques, essentiellement pour ses bis, dont il prétendait avoir découvert les partitions dans un couvent du Sud de la France. Quand il avoua être le compositeur de ces pastiches, la critique musicale s’en alarma au lieu de reconnaître le travail bien fait. L’histoire du couvent aurait pu mettre une patte de puce à l’oreille. Nous soupçonnons les baroqueux d’aujourd’hui de nous faire de temps à autre le coup.
Le cadre de ce concert était parfait, pour cette musique bien adaptée au salon, certes bourgeois, mais qui peut être aussi brillant et raffiné que gros sabots. Ici, un beau salon du champ de Mars Paris, dans un immeuble construit à une époque où la bourgeoisie ne se croyait pas seulement être la fin de l’histoire mais l’histoire elle-même, se mettant en scène entres colonnades gréco-romaines et évocation versaillaise de la Galerie des Glaces.
Amanda Favier et Élodie Soulard, le 4 novembre 2025, Paris. Photographie © musicologie.org.
On doit souligner l’art de la transcription d’Élodie Soulard dans la mise du piano à l’accordéon (elle joue le même que celui de Yuri Shishkin il me semble), qui est en fait une réécriture orchestrée, sophistiquée, d’une belle richesse musicale qui attire l’attention, malgré l’emprise du violon et son rôle purement accompagnateur et peu concertant respectant en cela la partition originale.
Si elle ne va pas chercher midi à quatorze heures, sinon dans la virtuosité, c’est une musique parfaitement écrite, ciselée, avec bon goût et goût de plaire, qui ne supporterait pas en retour un manque de virtuosité et de bon goût.
Que ce soit la romance aux saveurs début xxe siècle, l’exotisme, la bravoure, ces pièces nécessitent de l’élégance, de l’aisance, du détail, peut-être en raison du modèle laissé par les enregistrements de Kreisler.
Elles sont donc servies à merveille par deux amoureuses de ce répertoire en un duo parfaitement rodé, dans un raffinement festif propre à soulever le plaisir en foule plus que les foules.
Fritz Kreisler, Prélude et allegro dans le style de Paganini, II. « Allegro » (plage 18).
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ISSN 2269-9910

Vendredi 21 Novembre, 2025 22:42