16 juillet 2025, Michaël Sebaoun.
Martha Argerich et Alexandre Rabinovitvh-Barakovsky, Live in Luxembourg 2006, Rachmaninov, Ravel, Brahms, Mendelssohn, Cascavelle 2025 (VEL 1742).
Deux chefs-d’œuvre…et quelques ragots : ainsi pourrait-on résumer ce curieux CD. Il nous propose deux œuvres majeures pour deux pianos de Sergueï Rachmaninov, les suites no 2 opus 17 et no 1 opus 5, enregistrées en concert (Festival d’Echternach, Philharmonie, Luxembourg, 24.5.2006) par Martha Argerich et Alexandre Rabinovitch-Barakovsky, pianiste, compositeur et chef d’orchestre, né à Bakou (Azerbaïdjan), russe par sa mère.
Si l’on veut découvrir Rabinovitch compositeur, on peut écouter sa pièce symptomatique La belle musique no 4, pour quatre pianos, à situer entre l’effervescence de Rachmaninov précisément, et le dépouillement harmonique d’un Philip Glass. Quant à l’adjectif « belle », il définit un projet esthétique « anti avant-garde », et non (heureusement !) un jugement du compositeur sur son œuvre.
La suite no 2, opus 17, de Rachmaninov qui ouvre ce CD contient une Introduction où des thèmes rythmiques et mélodiques alternent, un peu à la manière de Robert Schumann, une valse presto aux accents fréquemment décalés, une romance miroitante et une explosive tarentelle.
Écrite à l’âge de 20 ans, la suite no 1, opus 5, comprend trois mouvements qui se font écho, et dont les titres, Barcarolle, La nuit…L’amour, Larmes, suggèrent à eux seuls une pureté lunaire baignant dans des jeux d’eau quasi-impressionnistes. Dans le dernier mouvement, Pâques, résonnent de puissants carillons dans les registres extrêmes du piano.
Deux pièces brèves complètent cet enregistrement live. De Maurice Ravel, Ma Mère L’Oye, « Laideronette, Impératrice des Pagodes », qui a posteriori ne jure pas avec les reflets dans l’eau de la suite no 1, et la célèbre valse, opus 39, no 15 de Johannes Brahms.
Le CD contient un deuxième enregistrement (Festival des Jacobins, cloître des Jacobins,Toulouse, 10 septembre 1996) de Rabinovitch, qui se compose de pièces brèves de Rachmaninov et de Félix Mendelssohn, et nous ramène aux sanglots et à la virtuosité de la suite no 2.
Les ragot ? Et bien les problèmes de couple entre Argerich et Rabinovitch ! En plus des innombrables concerts et enregistrements qu’ils ont effectués en duo, les deux musiciens ont vécu ensemble près de 15 ans, nous apprend le compositeur dans la notice. Et si vous regardez Wikipédia, nous dit le compositeur, vous constaterez que cet épisode de 15 ans a disparu dans l’article sur Martha Argerich (nous n’avons pas vérifié).
Ces informations essentielles forment presque toute la substance d’une notice désespérément vide, qui ne fournit pas une seule information sur les œuvres interprétées. À la place néanmoins, quelques épisodes de la vie et des états d’âme du compositeur, présentés, on ne sait pourquoi, sous forme de versets bibliques !
Tentons d’oublier cela pour saluer à nouveau la beauté des œuvres de ce CD, une interprétation de très haute valeur malgré une prise de son un rien étoffée.
Notons encore que l’enregistrement des Suites de Rachmaninov date de 2006, précisément l’année où Rabinovitch a annulé une suite de concerts avec Martha Argerich, pour finalement ne plus jamais la revoir. Avis aux collectionneurs…
Michaël Sebaoun
16 juillet 2025
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Mercredi 16 Juillet, 2025 4:29