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Nice, 6 octobre 2025, —— Jean-Luc Vannier.

Camilla Nylund interprète Dvořák, Boulanger, Sibelius et Strauss au Musikverein de Vienne

C’est le caractère plutôt éclectique du programme proposé, mercredi 1er octobre Brahms-Saal, par le Wiener Musikverein qui nous avait intrigué. Nonobstant la précision Komponistin im Fokus : Lili Boulanger, le fait d’interpréter dans une même soirée du cycle Liederabende des œuvres aussi variées, culturellement et vocalement, que les Zigeunermelodien d’Antonín Dvořák, des extraits de Clairières dans le ciel de Lili Boulanger, des airs de Jean Sibelius, pour terminer par Richard Strauss, méritait qu’on s’y intéressât de plus près.

Et de voir, ou plutôt d’entendre ce qu’était devenue la soprano d’origine finlandaise Camilla Nylund qui avait fait ses débuts en avril 2009, invitée par la Gesellschaft der Musikfreunde de Vienne, dans la huitième Symphonie de Gustav Mahler dirigée par Pierre Boulez.

Outre un timbre très accentué, Camilla Nylund bénéficie d’une structure vocale ample et puissante dans la projection — parfois un peu trop pour la tempérance exigée par certains Lieder — ce qui lui permet d’investir sans difficulté le répertoire wagnérien : pour ses engagements 2025-2026, la soprano chante d’ailleurs le rôle de Brünnhilde dans une nouvelle production de la Götterdämmerung ainsi que dans deux « Ring » au Teatro alla Scala de Milan.

Accompagnée au piano par Helmut Deutsch, la soprano a souffert, dans la première partie, d’aigus légèrement voilés dans les forte et qui ont, hélas, un peu malmené les séquences des Zigeunermelodien. Lorsque l’interprétation pianissimo l’impose, la douceur d’une ondulation vocale sur « Und trocknet meine Wange » tiré de Rings ist der Wald n’en reste pas moins charmante. C’est partition en main que Camilla Nylund s’est ensuite attaquée aux pièces de Lili Boulanger, extraites d’un cycle de treize mélodies composées sur des poèmes de Francis Jammes (1868-1938) pour nous en restituer toute la suavité des nuances, toute la délicatesse empreinte de cette fragilité, notamment dans « Elle est gravement gaie » — un autoportrait de la compositrice dit-on — et, plus encore, dans le très crépusculaire mais très inspiré « Tout ceci n’est qu’un pauvre rêve ».

En deuxième partie, munie d’une voix plus « échauffée », la ligne de chant de la soprano s’est comme « épanouie » dans sa langue natale : en témoigne, malgré notre inconnaissance du finlandais, l’émotion suscitée par « En slända » (Une libellule) dont l’admirable aisance des vocalises excite notre imaginaire sur les éventuelles péripéties aériennes de l’insecte. Pour les Lieder de Richard Strauss qui expliquait « je travaille très longtemps sur une mélodie : il y a un long chemin de la première inspiration à la version définitive », Camilla Nylund a discrètement posé le petit programme destiné au public — qui inclut les paroles — sur le piano pour y jeter de temps à autre un œil distrait. Ce n’était pas forcément du meilleur goût. On ne saurait reprocher à une artiste lyrique de tout connaître par cœur. Elle aurait tout simplement pu se munir des partitions — le Musikverein ne doit pas en manquer ! — et nous éviter ce qui s’apparente à une forme de désinvolture. Le Musikverein de Vienne n’est pas une salle de foyer municipal ! Malgré tout, l’interprétation, surtout lorsque le registre ne fait pas appel à des suraigus trop projetés dont Camilla Nylund a tendance à nous saturer, nous aura enchanté par d’agréables subtilités : en témoignent « Lob des Leidens », extrait des Fünf Lieder (1886), opus 15 no 3 sur des poèmes d’Adolf Friedrich von Schack (1815-1894) ainsi que pour Die Nacht (1885) composé sur un poème de Hermann Gilm von Rosenegg (1812-1864). « Wer hat’s getan » nous gratifie en outre d’une admirable échappée pianistique d’Helmut Deutsch à l’issue du dernier couplet.

Rappels et bis ont conclu, comme il se doit, cette plaisante soirée viennoise.

 

Jean-Luc Vannier

Wien, 6 octobre 2025


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Mercredi 8 Octobre, 2025 13:35