Théâtre des Bouffes du Nord, 8 novembre 2024 — Frédéric Norac
Les trio Messiaen et le trio Xenakis aux Bouffes du Nord. Photographie © Amandine Aubrée.
À l’occasion de la sortie de leur disque, enregistré live au Festival de Deauville en aout 2023*, les deux trios, Messiaen et Xenakis proposaient un concert qui en reprenait le programme : la quinzième symphonie de Chostakovitch (dans un arrangement de Viktor Derevianko) et une pièce originale, Vitrail, composée à leur intention par Thierry Escaich.
Peut-on vraiment jouer une symphonie de Chostakovitch à six instrumentistes, un violon, un violoncelle, un piano et un ensemble de percussions, si riche soit-il ? La réponse est oui. Certes, d’emblée cette réduction « à l’os » surprend un peu par sa sécheresse et paraît voisiner la caricature. Mais l’oreille s’y fait et le caractère chambriste de la pièce originelle y gagne en évidence, la tonalité sarcastique des deux allegrettos et celle profondément tragique des adagios en sortant renforcées. Traversée de réminiscences du grand répertoire qui, à peine citées, sont battues en brèche par le discours de fond implacable, la symphonie apparaît comme une sorte d’adieu où grotesque et sublime se disputent la primauté et finalement se renforcent mutuellement.
En seconde partie, la pièce de Thierry Escaich, composée pour le même instrumentarium (et présentée par le compositeur lui-même), se veut au contraire une amplification du « petit » effectif, visant à une impression « symphonique ». On y retrouve en effet la profusion d’effets, caractéristique du style du compositeur, et une montée en puissance et en tension qui met à rude épreuve les musiciens. Dans sa richesse et sa complexité, le compositeur dit avoir voulu faire entendre un jeu de bandes colorées qui s’entremêlent et se concurrencent, d’où son titre. On admire dans cette pièce exigeante, plus encore que dans la symphonie, l’énergie, la précision et la virtuosité des musiciens.
Mais c’est sûrement la troisième pièce du programme qui, dans sa légèreté, leur conquiert définitivement le cœur du public. Elle ne figure pas hélas ! sur le disque. Dans cette relecture très originale de quelques pièces de la Suite pour Orchestre de variétés, opus 50 b de Chostakovitch (dont la fameuse valse popularisée par la publicité télévisée), réarrangée par Philippe Hattat (le pianiste du Trio Messiaen) et Rodolphe Théry, du trio Xénakis, les musiciens s’en donnent à cœur joie dans l’invention, ajoutant sifflotements, chantonnements, borborygmes, et autres fantaisies dont l’apparition de ce qui semble bien un sitar « préparé » dans les mains du violoncelliste. Cette version, allégée et lumineuse des rythmes dansants du compositeur soviétique, met en joie le public et les montre complices dans un moment de pure jubilation.
En guise de bis, les six musiciens offrent un petit exercice de rythme avec de simples claquements des mains qui conclut brillamment un concert aussi original que virtuose.
* Vitrail/Dimitri Chostakovitch, Symphonie n° 15, Thierry Escaich, Vitrail/Trio Messiaen, Trio Xenakis. CD B.Records LBM 063.
Frédéric Norac
8 novembre 2024
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Mercredi 13 Novembre, 2024 12:40