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Théâtre des Champs-Élysées, 22 mai 2024 — Frédéric Norac

Ravel et l’Espagne : Les Siècles à l’heure espagnole

Les SièclesThéâtre des Champs-Élysées, 22 mai 2024. Photographie © Cyprien Tollet.

Avec ce programme mi-symphonique, mi-opératique, Les Siècles célébraient l’Espagne de Maurice Ravel. Dans les deux premières pièces, Alborada del Grazioso et la Rapsodie espagnole, on reconnaît immédiatement les qualités de l’ensemble, sa texture légère et transparente qui privilégie la couleur et le détail instrumental sur la largeur. Le fruité des timbres est un régal pour l’oreille mais Il y a toutefois quelque chose d’un peu étudié dans cette approche sur instruments d’époque qui prive la musique d’une certaine spontanéité et la maintient sur le versant purement hédoniste. Le résultat laisse une impression diffuse, surtout dans la deuxième pièce qui semble plus une mosaïque de délicates miniatures qu’un tout avec un début et une fin. Cela sans doute est juste puisqu’ici l’Espagne n’est qu’une allusion, un prétexte, un souvenir, l’évocation rêvée et intellectualisée, loin de tout folklore littéral, d’un pays que Ravel, malgré ses origines basques, connaissait peu, sinon à travers son ami Riccardo Vines et les musiciens espagnols, ses contemporains.

Il faut attendre la puissante machine du Boléro, et son inlassable mouvement circulaire pour sentir paradoxalement monter l’esprit d’ensemble tandis qu’entrent un à un les pupitres solistes, soutenus par l’implacable régularité de la caisse claire. La battue d’Adrien Perruchon (remplaçant François Xavier Roth) reste souple comme dans les pages précédentes mais elle catalyse la tension dans un crescendo contrôlé, suspendant l’auditeur à l’attente de la catastrophe finale qui arrive telle une délivrance et vaut un triomphe à l’ensemble. Décidément cette pièce pourtant si rabâchée est un coup de génie et prend toute sa dimension lorsqu’elle est interprétée avec cette précision, cette richesse dans le coloris et ce grain de folie.

Benoit Rameau), Isabelle DruetBenoit Rameau (Gonzalve), Isabelle Druet (Conception). Photographie © Cyprien Tollet.

En deuxième partie, le plateau vocal de L’Heure espagnole compense largement l’absence de mise en scène par une finesse de caractérisation dont le parangon est le muletier (faussement ?) naïf de Thomas Dolié, en passe de devenir, avec son timbre sombre et sa diction impeccable, un des meilleurs barytons français de la jeune génération. On retrouve avec plaisir deux éléments de la production de l’Opéra-Comique en mars dernier, le Don Inigo Gomez, emphatique et ridicule à souhait, de Nicolas Cavalier, et l’élégant Gonzalve de Benoit Rameau qui parait toutefois, avec l’orchestre sur le plateau, plus léger. Loïc Félix est un horloger malicieux et Isabelle Druet, une Conception plus soprano que mezzo, dont le tempérament donne toute l’envergure voulue à son personnage, mais qui manque un peu de projection pour le rôle. L’orchestre ici se fait subtil commentateur des sous-entendus grivois du livret, soulignant les doubles sens avec délice pour le plus grand plaisir d’un public ravi.

Concert à retrouver en replay sur Mezzo et Medici TV (chaînes à péage).

plume_07 Frédéric Norac
22 mai 2024
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