Il existe une création musicale en dehors des grandes institutions. Elle s’appuie sur la volonté d’individus, désireux de faire vivre la musique « hors cadres » et de s’adresser au plus large public. Elle se situe souvent au point de rencontre entre professionnels confirmés et en formation, et amateurs de bon niveau. C’est le cas de Memorias, une pièce que l’Estudiantina d’Argenteuil a commandée à Alexandros Markeas et créée en 2023 et qui suppose la réunion d’un grand ensemble choral (adultes et enfants), d’un orchestre d’instruments à plectre (guitares, mandoles, mandolines, mandoloncelle et contrebasse), de deux instruments à vent (un saxhorn et une trompette) et de trois percussionnistes.
Utilisant de nombreux thèmes connus du folklore espagnol et de la chanson, cette pièce très originale se situe elle-même à la frontière de la musique populaire et de la musique savante. Entre cantate et oratorio profane, elle est basée sur un texte mis en livret par Michèle Brulé qui évoque l’exil et les tribulations d’un fils de républicains espagnols dans la France de l’Occupation, de la fin la Guerre Civile espagnole à celle de la Seconde Guerre mondiale, de camp de regroupement en camp de concentration jusqu’à son entrée en résistance. Le texte est porté par un récitant qui se fait parfois soliste vocal dans certaines parties, rôle assumé ici par le comédien et chanteur Xavier Legasa, avec un talent et une voix naturelle impressionnante (même si elle est aidée par le micro). L’alternance du texte, de thèmes connus, arrangés et confiés au chœur avec des séquences orchestrales composées dans un esprit « figuratif » illustrant la tonalité des différents épisodes de cette tranche de vie, ancrée dans l’histoire, est particulièrement séduisante.
L’interprétation réunissait les chœurs Gaudeamus, Carpe Diem (sous la direction d’Alain Palma) et le chœur d’enfants Les Singarelles de Sannois (sous celle de Delphine Palma). Tous remarquablement préparés et jouant leur rôle avec enthousiasme. L’ensemble, placé sous la direction de Florentino Calvo, lui-même directeur musical de l’Estudiantina, avait déjà donné l’œuvre la veille à la Salle Cyrano de Sannois et renouvelait sa performance avec le même engagement et la même conviction.
Ainsi, dans un petit coin d’Île-de-France, loin des grandes salles et des grands médias, peut-on entendre de la musique contemporaine qui réussit encore à s’adresser aux non spécialistes. Le public qui ne se montre pas avare de ses applaudissements prouve qu’à travers cette création existe, non seulement le phénomène musical, mais qu’il est capable de créer du lien et de donner à qui la fait et à qui l’écoute le sentiment de faire partie d’une communauté.
Frédéric Norac
1er juin 2024
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