Gone. Made in Oslo. Photographie © Erik Berg.
Fondée en 1998 à Bergen en Norvège par Jo Strømgren et Agnes Kroepelien, la Jo Strømgren Kompani s’est donnée pour ambition de faire connaître la culture norvégienne par la danse alors que, selon son fondateur, « la Norvège est un petit pays avec des changements radicaux de saison, y compris sur le terrain culturel ». Et d’expliquer que « la dépendance aux subventions aléatoires et la confiance qui repose sur des ruptures imprévisibles de popularité d’une petite communauté présentaient trop de risques ». D’où l’impérieuse nécessité de s’exporter et de se faire connaître, et reconnaître, à l’étranger.
Le spectacle Made in Oslo présenté mercredi 18 décembre au Grimaldi Forum dans le cadre du Monaco Dance Forum répondait à cette logique. Une sélection de trois pièces issues du répertoire de la compagnie, avec des thèmes très différents mêlant aussi bien la danse que le théâtre, le tragique tout comme le burlesque, a permis au public de découvrir la façon dont le chorégraphe puise son inspiration dans la vie contemporaine afin de mettre en scène les caractéristiques de nos sociétés.
The Ring. Made in Oslo. Photographie © Erik Berg.
Gone (2015) plonge l’audience dans une atmosphère sombre, pesante et même alourdie par une lumière blafarde. Les évolutions lascives d’une femme sur un rythme lent suscitent à peine l’intérêt des hommes autour d’elle. Cette mise en exergue du féminin se retrouvera d’ailleurs dans les deux autres études. Si la gestuelle est à la fois acrobatique, sèche dans les à-coups, les trois couples n’en réitèrent pas moins avec obstination les tentatives d’accordance — entrer en relation — avec l’autre par la multiplication très minutieusement réglée — et d’une impressionnante célérité dans les enchaînements — des points de contact corporel. Environnement scénique aussi « instable » que le décrit par ailleurs le chorégraphe norvégien puisque les décors amovibles se dérobent au fur à et mesure des évolutions. Détail qui n’est pas sans rappeler l’exploitation scénographique des murs et des portes dans Diptych de Peeping Tom donné récemment au Monaco Dance Forum.
Kvart. Made in Oslo. Photographie © Arvydo Gudo.
Puisque Jo Strømgren a décidé de remonter le temps, la seconde performance qui intervient après un intermezzo musical composé de cris animaliers les plus exotiques — ambiance promenade au zoo ! — propose avec The Ring (2014), un pastiche des plus amusants où l’art dramatique — animation et expression criante des visages demeurés impavides dans la première étude — entre en compétition avec la danse. Et ce, sur fond musical de chansons françaises interprétées par Luis Mariano (1914-1970) : en témoignent « un cœur de femme est un oiseau léger » ou bien encore « Je chante pour toi, mélodie d’amour » ainsi qu’une Zarzuela endiablée qui donne lieu à un ballet, réalisé par le trio féminin, d’une exceptionnelle synchronisation gymnique. Sourires et même rires accompagnent cette seconde partie où les six artistes s’en donnent à cœur joie dans la bouffonnerie : celle-ci ne saurait toutefois exclure de méticuleuses — et sans aucun doute très éprouvantes physiquement — exigences chorégraphiques.
Nouvel intermezzo acoustique nourri, cette fois-ci, de pluies diluviennes — ça patauge et ça éclabousse ! — avant de découvrir Kvart (2007) : chorégraphie contemporaine survoltée et particulièrement élaborée — minutie pointilleuse et vivacité extrême des enchaînements — qui met l’accent sur les entrées et les sorties savamment orchestrées dans un territoire rectangulaire dansant et délimité par la lumière : comment ne pas penser aux concours de street dance où chacun des couples accomplit des prodiges chorégraphiques devant les yeux ébahis des spectateurs ? Et qui valent à l’issue une ovation, amplement méritée, du public. La Norvège, « petit pays » mais qui « bouge » !
Interprètes : Jakub Medrzycki, Nora Lønnebotn Svendsgard, Iannes Bruylant, Malika Berney, Jason Kittelberger, Anna Benedicte Andresen.
Jean-Luc Vannier
Monaco, le 19 décembre 2024
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Jeudi 19 Décembre, 2024 16:31