15 août 2024 —— Michaël Sebaoun.

Lili Boulanger, un livre de Martine Lecoq

Martine Lecoq, Lili Boulanger. « Résister », éditions Ampelos 2023 [46 p. ; EAN 9782356182418 ; 8 euro].

Écrivaine, journaliste et critique d’art, Martine Lecoq publie un livre « petit format » sur la compositrice française Lili Boulanger, aux éditions Ampelos, dans la collection « Résister ».

Cet ouvrage est le premier d’une série de quatre, consacrée à des pionnières de l’art, la danseuse Loïe Fuller, la peintre Giorgiana Houghton, la sculptrice Käthe Kollwitz.

Lili Boulanger, née en 1893 d’un père alors âgé de 78 ans, compositeur et Prix de Rome, et d’une mère qui se voulait cantatrice, mais qui ne chantera réellement jamais, va, écrit Martine Lecoq,

« toute seule lever l’interdit de la composition », qui pèse alors sur les femmes.

Lili, diminutif de Juliette, baigne dans l’univers musical, il y a bien sûr sa grande sœur Nadia, qui effectuera de brillantes études au Conservatoire de Paris, et aussi Fauré qui comprend les dons de Lili.

Lili trempe aussi dans la maladie dès son plus jeune âge, les intestins, les poumons. A seize ans, elle annonce à Nadia qu’elle veut devenir compositrice, au moment où Nadia rate une nouvelle fois le Premier grand Prix de Rome. C’est Lili qui prendra le relais, selon Martine Lecoq, et qui sera la première femme à l’obtenir, à 19 ans, avec Faust et Hélène, sublime et dramatique cantate.

Nadia abandonne la composition, pourtant on peut s’émerveiller aujourd’hui de sa Fantaisie pour piano et orchestre. Elle sera pianiste, dirigera de grands orchestres américains, et sera la pédagogue que l’on sait. Elle bénéficie vers ses vingt ans du soutien du pianiste Raoul Pugno.

Pugno, l’amant, le grand amour de Nadia.

Martine Lecoq évoque, trop brièvement peut-être, son ressenti face à la musique de Lili Boulanger, sa « vitalité intérieure bondissante », l’influence de Fauré, « une même impression d’hermétisme, d’impénétrabilité », mais une influence qui se dissipe « sur la longueur ».

La musicienne prodige assimile son époque, elle saisit « l’instantané de la perception » alors à l’œuvre dans la peinture, mais qui rejaillit sur le registre musical. Il en résulte « des bribes éparses » qui aboutissent finalement à une belle cohérence.

Martine Lecoq est encore sensible à l’originalité de la compositrice, aux « petits ruisseaux qui coulent derrière la ou les voix du premier plan » de ses mélodies ou de ses chorals.

Les titres imagés des œuvres de Lili Boulanger, D’un jardin clair, Hymne au soleil, Reflets, renvoient à ceux de Debussy, Leventdanslaplaine, Despassurlaneige… La parenté est limpide également, selon nous, entre la Sonate pour violon et piano de Debussy, et deux pièces jumelles, dans leur version pour violon et piano, de Lili Boulanger, D’un matin de printemps et Cortège.

Martine Lecoq revient au Prix de Rome, et au séjour à la Villa Médicis, séjour d’abord redouté par Lili, différé à plusieurs reprises, finalement réalisé et qui lui procure, à elle si sociable, une eﬀervescence joyeuse.

Mais la maladie rattrape Lili Boulanger, elle est veillée par Nadia à Gargenville, dans le département des Yvelines, où elle meurt en 1918. C’est à Nadia qu’elle aura dicté, alité, sa dernière œuvre, Piu Jesus, pour soprano, quatuor à cordes, harpe et orgue, sorte de court Requiem, construit sur une seule ligne mélodique, à la fois instable et constante, qui manque de se perdre, avant de renouer avec une confiance redoublée, analyse l’auteure.

Une séduisante biographie de Martine Lecoq, à l’écriture concise et raffinée. Un ouvrage qui entend « ne pas être trop élitiste », comme le confiait l’auteure à Marc Portehaut dans son émission Cantabile sur Fréquence protestante (7/05/2023).

Michaël Sebaoun
15 août 2024
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