bandesu texte 840 bandeau musicologie 840

Athénée Théâtre Louis-Jouvet, 15 novembre 2024 — Frédéric Norac

Le Don Giovanni puissamment théâtral de Julien Chauvin et Jean-Yves Ruf

Athénée Théâtre Louis-Jouvet, Don Giovanni. Photographie © Simon Gosselin. Athénée Théâtre Louis-Jouvet, Don Giovanni. Photographie © Simon Gosselin.

Pour ce qui est sans doute sa première confrontation avec un opéra mythique du grand répertoire, Julien Chauvin n’a pas choisi la facilité. Don Giovanni, chef-d’œuvre battu et rebattu, renvoie l’auditeur à tant de références qu’il représente un véritable défi pour un chef. Disons-le d’emblée, le pari est pleinement réussi. Dirigeant au centre du plateau, au milieu de ses musiciens du Concert de la Loge, en alternant le violon et l’archet devenu baguette, le chef donne une « lecture » de l’opéra de Mozart, sans temps mort, vivante, puissamment dramatique et entraîne l’auditeur avec le héros éponyme jusqu’à sa fin violente dans une tension jamais relâchée.

La mise en scène de Jean-Yves Ruf, avec l’orchestre sur le plateau, des costumes « hors du temps » et une simple passerelle en fond de scène qui lui permet d’approfondir l’espace scénique, tient de la mise en espace. Mais telle quelle, malgré sa relative nudité, avec un beau travail sur les lumières et quelques discrètes variantes visuelles dans ce qui est à peine une suggestion de décor, elle convainc par son efficacité. Se concentrant essentiellement sur le jeu d’acteur, elle peut compter sur l’engagement d’une distribution homogène dont la jeunesse et la conviction constituent les principaux atouts et qui, dans des récitatifs, remarquablement vivants et approfondis, donne un relief remarquable aux personnages.

Dans le rôle-titre, Timothée Varon possède cette voix sombre de baryton-basse, puissamment timbrée, idéale pour son personnage de libertin cynique. S’il en a l’aplomb et la présence, il est évident que les années lui apporteront un supplément de variété qui peut sembler parfois lui faire défaut. Son Leporello, Adrien Fournaison, n’est pas tout à fait dans le même registre. Excellent dans les aspects bouffes du personnage, il se montre un peu inégal au plan purement musical, desservi par un italien moins idiomatique. Le quatuor des basses est complété par le robuste Masetto de Mathieu Gourlet et l’impressionnant Commandeur de Nathanaël Tavernier. Rappelons qu’à la création les rôles du Commandeur et de Masetto étaient confiés au même chanteur. Face à cet ensemble de voix masculines larges et timbrées, le Don Ottavio d’Abel Zamora parait un peu pâle, mais il le compense par un style impeccable et se tire de ses deux airs, notamment le deuxième si épineux, avec brio, composant un personnage plus tourmenté que faible.

Athénée Théâtre Louis-Jouvet, Don Giovanni. Photographie © Simon Gosselin.

Du côté féminin, Marianne Croux possède la longue tessiture exigée par Donna Anna, mais parait par moments un peu trop sur le versant « hystérique », avec des aigus inutilement « criés ». Michèle Bréant compose une Zerline suave, toute de grâce et délicieusement piquante. Mais la révélation de cette production reste incontestablement la Donna Elvira de Margaux Poguet, voix superbement timbrée au médium généreux, promise d’évidence aux grands rôles de sopranos dramatiques du répertoire mozartien et qui donne un relief extraordinaire à son personnage passionné, pétri de contradictions.

La relative « modestie » de cette production, coproduite par l’ARCAL, réduit le chœur à quatre voix. Elles assument également un rien de figuration, notamment dans la scène du bal à la fin du premier acte qui, malgré le petit effectif, se révèle particulièrement réussie. Les voix de l’Enfer manquent pour la mort de Don Giovanni, et la scène finale se réduit donc à la confrontation entre le héros et sa victime qui lui transmet la blessure mortelle qu’il lui avait infligée au début de l’opéra. Est-ce un choix du metteur en scène ou du chef, l’opéra s’achève sans l’épilogue « moral » voulu par le librettiste, renforçant ainsi une vision sombre où l’humour n’est guère présent que de façon très sporadique.

Prochaines représentations les 17, 19, 20, 22 et 23 novembre.

Spectacle repris à l’Opéra de Massy les 13, 14 et 16 décembre 2025, à l’Atelier lyrique de Tourcoing les 17 et 18 janvier 2026 et à Clermont Auvergne Opéra les 24, 25 et 26 avril 2026.

plume_07 Frédéric Norac
15 novembre 2024
facebook


rectangle acturectangle biorectangle texterectangle encyclo


logo gris À propos - contact |  S'abonner au bulletinBiographies de musiciens Encyclopédie musicaleArticles et études | La petite bibliothèque | Analyses musicales | Nouveaux livres | Nouveaux disques | Agenda | Petites annonces | Téléchargements | Presse internationale | Colloques & conférences | Collaborations éditoriales | Soutenir musicologie.org.

paypal

Musicologie.org, 56 rue de la Fédération, 93100 Montreuil, ☎ 06 06 61 73 41.

ISNN 2269-9910.

cul_2411

Lundi 18 Novembre, 2024 16:47