Théâtre des Champs-Élysées, 23 juin 2024 — Frédéric Norac
L'Olimpiade, Théâtre des Champs-Élysées. Photographie © Vincent Pontet.
Malgré son titre, L’Olimpiade de Vivaldi n’est pas un opéra sur le sport, mais sur l’amitié, la tricherie, la fidélité et les vicissitudes de l’amour. Le livret de Métastase qui, semble-t-il, connut à son époque une soixantaine de mise en musique, raconte comment Licida a sauvé un jour la vie de Mégacle qui, depuis, est devenu son ami « à la vie, à la mort ». Le premier, promis à Argene, s’est entiché de la princesse Aristea dont il ignore que son ami est aimé et amoureux. Le père de la jeune fille l’ayant promise au vainqueur des Jeux olympiques, c’est à Megacle que Licida, piètre sportif, va demander de le remplacer dans les épreuves, en se faisant passer pour lui, mettant son ami en porte-à-faux et créant une situation complexe qu’il faudra trois bonnes heures pour résoudre.
De ce cadre « olympique », Emmanuel Daumas a eu l’idée de faire le moteur d’une partie de sa mise en scène en mettant en avant ce qui n’est, au départ, qu’un simple contexte. Tout le premier acte se déroule donc dans un gymnase où s’entraîne un groupe d’athlètes, incarnés par de fabuleux danseurs, auxquels se mêlent Licida, le contre-ténor Jozef Jokub Orlinski, lui-même, comme on le sait, excellent « break dancer », et Megacle, la mezzo Marina Viotti, transformée en un plantureux « beefcake » à la musculature surdéveloppée. Au-delà de l’effet comique, les chorégraphies de Raphaëlle Delaunay deviennent comme une sorte de contrepoint calqué sur le rythme des airs à vocalises et apportent en permanence une petite touche humoristique dynamique ou poétique selon les cas aux numéros vocaux. Le sommet du procédé est ce grand air d’Aristea que l’acrobate Quentin Signori traduit dans un splendide numéro de danse aérienne à l’élastique, réussissant à s’intégrer au discours vocal sans jamais voler la vedette à la chanteuse. Dans la deuxième partie, les Jeux olympiques passent au second plan et c’est sur la supercherie de Licida et ses conséquences désastreuses que se concentrent le livret et l’action pour un dénouement heureux tout à fait inattendu et, à sa façon, évidemment plutôt comique. Le gymnase se transforme en palais, et les gymnastes en figurants d’une action qui semble devoir tourner au tragique sans pour autant attrister la mise en scène ni la musique.
L'Olimpiade, Théâtre des Champs-Élysées. Photographie © Vincent Pontet.
La distribution est largement dominée par le Megacle de Marina Viotti dans un rôle écrit pour le castrat Francesco Bilanzoni où sa longue voix et sa technique belcantiste font merveille. En Licida, Jakub Josef Orlinski se montre aussi brillant danseur que vocaliste impeccable et caractérise avec finesse son personnage de mauvais garçon lâche et égoïste. Des trois sopranos en lice, la plus convaincante est Ana Maria Labin, extraordinairement virtuose et expressive dans le rôle d’Aminta, le tuteur de Licida que la mise en scène a transformé en nourrice bienveillante. Caterina Piva est une Aristea fiable, mais sans grand relief. Dans le rôle secondaire d’Argene, la fiancée abandonnée de Licida, partie à sa recherche, la mezzo Delphine Galou manque un peu de présence vocale. En Clisthène, le père de d’Aristea, Luigi de Donato déploie avec talent toute la panoplie de son registre bouffe, de même que Christian Senn en Alcandro, son confident, à qui le compositeur a prévu un très bel air accompagné par le seul violoncelle. Si la partition n’est peut-être pas la plus fascinante parmi les opéras de Vivaldi, l’intelligence de la mise en scène qui renouvelle sans cesse par son invention l’intérêt des situations compense quelques longueurs d’une musique aux airs connus. Dans la fosse, Jean-Christophe Spinosi à la tête de son Ensemble Mattheus sait son Vivaldi sur le bout des doigts et le fait vivre sans temps morts avec son énergie bien connue. D’évidence ce spectacle aux images foisonnantes, drôle, inventif, bourré de trouvailles, auquel le public fait un accueil enthousiaste, restera comme un des meilleurs de la saison 2023-2024 du Théâtre des Champs-Élysées et peut-être même de l’ensemble de la saison parisienne. Médaille d’or donc pour cette réjouissante Olimpiade sur vitaminée sans effets négatifs secondaires.
Prochaines représentations les 25, 27 et 29 juin
Spectacle capté par François Roussillon, coproduit par le TCE et FRAprod avec le soutien de France Télévision.
Frédéric Norac
23 juin2024
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