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Der Rosenkavalier / Le Chevalier à la rose (IV. 8)

Opéra en trois actes sur un livret de Hugo von Hofmannsthal, Elisabeth Schwarzkopf, Christa Ludwig, Otto Edelmann, Eberhard Waechter, Teresa Stich-Randatl, le Philharmonia Orchestra and Chorus, Chœurs d'enfants de la Loughton High School for Girls et Bancroft’s School, sous la direction de Herbert Von Karajan. Pathé Marconi / EMI 1957. 2 C 165-00459/62 / PM 648 (4 LP).

Der Rosenkavalier / Le Chevalier à la rose EMI 1957

I. Distribution ; II. Notice ; III. Argument.

Face 8, fin acte III.

 LA MARÉCHALE
semble chercher un siège, Octave se hâte de lui en avancer un. La Maréchale s’assoit à droite
Tout simplement terminés.

SOPHIE
toute pâle, à part
Tout simplement terminés !
Le baron est incapable de suivre le tour nouveau que prennent les choses et il roule des yeux inquiets et furieux. Au même instant, l’homme de la trappe passe la tête. Valzacchi entre par la gauche avec tous ses acolytes. Annina enlève ses voiles de veuves, essuie son maquillage et se fait reconnaître —  Le baron est de plus en plus stupéfait.L’aubergiste entre par la porte du fond suivi par les garçons, les musiciens, le portier et les cochers.

LE BARON
comprend qu’il n’y a plus rien à faire et crie d’un ton décidé
Léopold, nous partons !
Il s’incline profondément devant la Maréchale, mais sans quitter son air renfrogné. Le serviteur personnel prend une chandelle sur la table et tente de frayer un chemin à son maître. Annina se met devant le baron.

ANNINA
« J’ai encore une fois la chance des Lerchenau ».
« Venez après le repas,
elle montre la note de l’aubergiste
je vous donnerai ma réponse par écrit. »

LES ENFANTS entourant le baron qui tente de les chasser à coups de chapeau
Papa ! Papa ! Papa !

LES GARÇONS
s’empressant autour du Baron
Excusez-moi, Votre Grâce !

L’AUBERGISTE
présentant la note
Excusez-moi, Votre Grâce !

LES GARÇONS
Excusez-moi, Votre Grâce !
Nous nous occupons des chandelles !

ANNINA
toujours devant lui
« J’ai encore une fois
la chance des Lerchenau. »

VALZACCHI
« J’ai encore une fois
la chance des Lerchenau. »

LES MUSICIENS
lui bloquant le passage
Plus de deux heures de musique de table !
Le serviteur personnel se fraye à grand peine un chemin vers la porte.

LES COCHERS
Pour la course, pour la course, nous avons failli
faire crever nos chevaux !

LE PORTIER
le bousculant
C’est moi qu’ait ouvert la porte, c’est moi, M’sieur l’Baron.

L’AUBERGISTE
lui présentant l’addition
Excusez-moi, Votre Grâce.

LES GARÇONS
Dix douzaines de chandelles, nous nous occupons des chandelles.

LE BARON
cerné
Place, arrière, par tous les diables !

LES ENFANTS
Papa ! Papa ! Papa !

LE PORTIER
C’est moi qu’ait avancé vot' voiture, M’sieurl’Baron !
Le  baron parvient à gagner la porte, environné par tous les autres. Toutes les réclamations dégénèrent en un brouhaha confus. Tout le monde gagne la porte, on arrache son chandelier au serviteur personnel. Le baron sort en trombe, poursuivi par tous les autres. Le bruit s’estompe. Les serviteurs de Faninal sont sortis par la porte de gauche. Il ne reste que Sophie, la Maréchale et Octave.

SOPHIE
elle se tient à gauche, toute pâle
Mon Dieu, ce n’était rien de plus qu’une farce.
 Mon Dieu, mon Dieu !
Comme il se tient auprès d’elle ! Je ne suis rien pour lui.

OCTAVE
se tient debout derrière la Maréchale, tout gêné
C’était convenu autrement, MarieThérèse, je suis surpris.
Il est de plus en plus gêné.
Voulez-vous que je — ne devrais-je pas —  la jeune fille le père —

LA MARÉCHALE
Allez vite et faites ce que vous dicte votre cœur.

SOPHIE
désespérée
Rien. Ô, mon Dieu, ô mon Dieu !

OCTAVE
Thérèse, je ne sais pas

LA MARÉCHALE
Allez et faites votre cour.

OCTAVE
Je vous jure

LA MARÉCHALE
Ne vous mettez pas en peine.

OCTAVE
Je ne comprends pas ce que vous avez.

LA MARÉCHALE
avec un rire ironique
Vous êtes bien un homme ! Allez.

OCTAVE
À vos ordres.
Il passe auprès de Sophie.
Eh bien, n’avez-vous aucune parole gentille pour moi ?
Pas un regard, pas un salut affectueux ?

SOPHIE
hésitant
J’avais, en fait, espéré une autre espèce de satisfaction
de l’amitié et de l’aide de Votre Grâce.

OCTAVE
Comment vous n’êtes donc pas heureuse ?

SOPHIE
Je n’ai vraiment aucune raison de l’être.

OCTAVE
Ne vous a-t-on pas débarrassée de votre fiancé ?

SOPHIE
Tout serait pour le mieux, si les choses s’étaient passées autrement.
Mai j’ai été mise plus bas que terre.
Je comprends très bien de quel œil me considère Son Altesse.

OCTAVE
Je vous jure, sur ma tête et sur mon âme !

SOPHIE
Laissez-moi partir.

OCTAVE
lui prenant la main
Je ne vous laisserai pas.

SOPHIE
Mon père a besoin de moi là-bas.

OCTAVE
J’en ai davantage besoin de lui.
La Maréchale se lève brusquement, mais elle parvient à se contenir et se rassoit.

SOPHIE
C’est facile à dire !

LA MARÉCHALE
à part
Aujourd’hui ou demain ou après-demain.
Ne me l’étais-je pas déjà dit ?
Cela arrive à toutes les femmes.
Ne le savais-je donc pas ?
N’avais-je pas fait le vœu, que j’endurerais cela d’un cœur tout résigné ...
Aujourd’hui ou demain ou après-demain.
Elle s’essuie les yeux et se lève.

OCTAVE
Je vous aime à la folie.

SOPHIE
Ce n’est pas vrai,
vous ne m’aimez pas autant que vous le dites.
Oubliez-moi !

OCTAVE
Je ne pense qu’à vous, à vous seule.

SOPHIE
Oubliez-moi.

OCTAVE
Quoi qu’il puisse arriver !

SOPHIE
Oubliez-moi.

OCTAVE
Je ne pense à rien d’autre.
Je vois à tout moment votre cher visage.
J’aime par-dessus tout votre cher visage.
Il prend les mains de Sophie dans les siennes.

SOPHIE
 faiblement, détournant la tête
Oubliez-moi !
La princesse, là ! Elle vous appelle. Allez donc vers elle.
Octave fait quelques pas vers la Maréchale, puis reste tout embarrassé entre les deux femmes. Sophie se tient dans l’embrasure de la porte, ne sachant trop si elle doit rester ou partir. Octave les regarde alternativement. La Maréchale s’aperçoit de son embarras, elle a un petit sourire triste. Sophie ouvre la porte.
Il faut que je rentre demander
comment va mon père.

OCTAVE
Il faut que je dise quelque chose et j’ai perdu la parole.

LA MARÉCHALE
Pauvre petit, comme il reste embarrassé, là au milieu.

OCTAVE
à Sophie
Restez ici, coûte que coûte.
à la Maréchale
Comment, vous disiez quelque chose ?
La Maréchale, sans regarder Octave, va rejoindre Sophie qu’elle contemple d’un œil critique, mais avec gentillesse. Octave recule d’un pas. Sophie, gênée, fait une révérence.

LA MARÉCHALE
Vous vous êtes mise à l’aimer si vite ?

SOPHIE
Je ne sais pas ce que veut dire Votre Grâce par cette question.

*

LA MARÉCHALE
Vos joues pâles me donnent déjà la bonne réponse.

SOPHIE
toute timide et gênée
Cela n’a rien d’étonnant si je suis pâle, Votre Grâce.
Je viens d’éprouver une grande frayeur au sujet de mon père.
Sans parler de mon légitime emportement
contre ce scandaleux Monsieur le Baron.
Je serai éternellement obligée à Votre Grâce,
de ce que, avec son aide et sa protection

LA MARÉCHALE
Ne parlez pas trop, vous êtes déjà assez jolie !
Et je connais un médicament contre la maladie de Monsieur Papa.
Je vais aller le trouver, là-bas, et je l’inviterai
à revenir chez moi, dans ma voiture avec moi-même
et vous et Monsieur le Comte que voici — ne pensez-vous pas
que cela va le réconforter et va bien vite
le ragaillardir quelque peu ?

SOPHIE
Votre Grâce est la bonté même.

LA MARÉCHALE
Et pour votre pâleur, Peut-être mon cousin connaît-il un remède ?

OCTAVE
Marie-Thérèse, comme vous êtes bonne. Marie-Thérèse, je ne sais vraiment pas

LA MARÉCHALE
Je ne sais rien non plus, rien du tout !
Elle lui fait signe de rester là où il est. Elle reste près de la porte, Octave se tient près d’elle et Sophie sur la droite.

OCTAVE
indécis, comme s’il voulait la suivre
MarieThérèse !

LA MARÉCHALE
à part
Je me suis juré de l’aimer comme il le fallait,
et d’aimer même l’amour qu’il aurait
pour d’autres. Je ne m’étais certes pas douté
que cela devrait me surprendre si vite !
La plupart des choses qui arrivent ici-bas
sont telles qu’on ne les croirait pas
si l’on pouvait les entendre raconter.
Seul celui qui les a éprouvées y croit, mais sans savoir comment —
voici cet enfant, et me voici, moi, et avec cette petite étrangère que voilà,
il sera aussi heureux qu’on peut l’être, de la façon dont les hommes
entendent le bonheur. Au nom de Dieu

OCTAVE
à part
Quelque chose est survenu, quelque chose s’est passé.
Je voudrais lui demander : Est-ce possible ? Mais je sen
que cette question m’est précisément interdite.
Je voudrais lui demander : pourquoi Est-ce que quelque chose en moi frémit ?
Y a-t-il donc eu quelque grave injustice ?
Et c’est justement à elle que je ne dois pas poser cette question et puis je te vois là.
Sophie, et je ne vois que toi, je ne sens que toi,
Sophie, et je ne connais rien en dehors de mon amour pour toi.

SOPHIE
à part
J’ai le sentiment d’être à l’église, tant je suis impressionnée et effrayée.
Et pourtant je me sens aussi à mon aise ! Je ne sais pas ce que je ressens.
Je voudrais m’agenouiller devant cette dame et faire quelque chose
pour elle, parce que je sens qu’elle me le donne,
pourtant elle m’enlève en même temps quelque chose de lui.
Je ne sais vraiment pas ce que je ressens !
Je voudrais tout comprendre et je voudrais aussi ne rien comprendre.
Je voudrais demander et ne rien demander, j’en suis bouleversée.
Regardant Octave dans les yeux.
Et je ne sens que toi et je ne sais qu’une chose : je t’aime !

LA MARÉCHALE
Au nom de Dieu.
La Maréchale pénètre doucement dans la pièce de gauche, les deux jeunes gens ne s’en aperçoivent pas. Octave s’est approché tout près de Sophie : en un instant elle est dans ses bras.

OCTAVE
Je ne sens que toi, je ne sens que toi seule et que nous sommes ensemble !
Tout le reste passe comme un songe devant mes yeux !

SOPHIE
C’est un rêve, ça ne peut être vrai,
que nous sommes tous les deux réunis,
ensemble à jamais
en toute éternité !

OCTAVE
Il y avait quelque part une maison, tu étais dedans,
et les gens m’ont fait entrer,
tout droit dans la félicité !
Ils avaient raison !

SOPHIE
Peuxtu rire ? Je suis tout aussi impressionnée que si j’étais au seuil du paradis !
Serre-moi ! La faible petite personne que je suis défaille dans tes bras !
Elle s’accroche à lui. Au même instant, les valets de Faninal ouvrent la porte et entrent, portant chacun un chandelier. À leur suite vient Faninal qui donne le bras à la Maréchale. Les deux jeunes gens restent un instant confus, puis s’inclinent profondément ; les deux autres leur rendent leur salut.

FANINAL
tapotant la joue de Sophie avec bienveillance
Ils sont ainsi, tous ces jeunes gens !

LA MARÉCHALE
Oui, oui.
Faninal escorte la Maréchale jusqu'à la porte centrale qui est ouverte par la suite de la Maréchale, dont fait partie le petit page noir. Le dehors est brillamment illuminé, la pièce est dans la pénombre, car les serviteurs qui portent les chandeliers sont sortis devant la Maréchale.

OCTAVE
Je ne sens que toi, je ne sens que toi seule et que nous sommes ensemble !
Tout le reste passe comme un songe devant mes yeux !

SOPHIE
C’est un songe, ça ne peut être vrai,
que nous sommes tous les deux réunis,
ensemble à jamais,
en toute éternité !
elle se serre contre lui. Il l’embrasse rapidement. Sans qu’ils s’en aperçoivent, le mouchoir de Sophie lui glisse des mains. Ils sortent sans plus tarder, la main dans la main. La scène reste vide. Puis la porte centrale se rouvre. Le petit page noir entre, une chandelle à la main il cherche le mouchoir le trouve, le ramasse et ressort.

FIN

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Lundi 9 Décembre, 2024