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Opéra Comique, 26 juin 2023 — Frédéric Norac

Zémire et Azor ou « quand la simplicité frise la platitude »

Zemire et Azor, Marc Mauillon, Julie Roset, Seraphine Cotrez, Margot Genet. Photographie © Stefan Brion.

Directement inspirée du conte de Mme Leprince de Beaumont, La Belle et la bête, que Cocteau et Jean Delannoy magnifieront dans leur film de 1946, Zemire et Azor est sans doute l’œuvre la plus emblématique du goût pour la simplicité en musique, prônée par les Encyclopédistes et qui marque les dernières années du règne de Louis xv.

Le livret de cette « comédie mêlée d’ariettes » rappelle quelque peu de l’histoire de Psyché, la jeune vierge que ses parents livrent à un monstre qui s’avérera être Éros, L’Amour en personne. Dans le « combat » qui oppose l’héroïne à son père pour lui faire accepter son amour pour Azor, la Bête,, on peut voir aussi l’idée que les filles doivent affronter leur père pour choisir leur mari, particulièrement sensible en 1771 ; dans la métamorphose que son amour opère en transformant la Bête en un jeune homme tendre et doux, l’exaltation des vertus du mariage. Quant à la morale que tire la Fée avant le happy end, affirmant que « la bonté a les mêmes droits sur les cœurs que la beauté », elle n’est pas sans rappeler l’histoire de Cendrillon. On remarquera d’ailleurs qu’à l’instar de celle de Perrault, l’héroïne est pourvue de deux sœurs qui, sans être méchantes, sont assez superficielles et coquettes tandis que Zémire est évidemment angélique et modeste, courageuse et compatissante.

La comédie-ballet de Grétry, un de ses plus grands succès à l’échelle européenne, n’avait pas connu de production en France depuis bien longtemps. On se réjouissait donc de la (re) découvrir à travers cette production qui clôture la saison de l’Opéra-Comique.

Michel Fau qui en assure la mise en scène a fait le choix de la traduire dans un registre esthétique qui évoque les albums pour enfants. Le décor unique d’Hubert Barrière et Citronelle Dufay, une boite suggérant un jardin à la Française en fausse perspective, paraît bien plat et l’on doit attendre les deux derniers actes pour que les lumières de Joël Fabig consentent à l’animer quelque peu. Du caractère oriental voulu par Marmontel, seuls restent les costumes de Sander et de son valet Ali, et celui très réussi de la Fée ou plutôt du Génie quelque peu féminin qu’incarne avec son humour coutumier et son goût du travestissement le maître d’œuvre du spectacle. Celui d’Azor relève plutôt de l’insecte et échoue à transmettre l’idée de bestialité qui devrait faire le fond du personnage.

Surtout, la théâtralité très conventionnelle de la direction d’acteurs, le choix de faire dire les dialogues en vers sur un mode monocorde et inexpressif, plombent singulièrement toute tentative de faire décoller cette bluette au-delà d’une certaine mièvrerie.

La musique de Grétry certes ne manque pas de charme et quelques numéros s’en détachent, tel ce très joli « Air de la Fauvette », d’obédience italienne, dans lequel la soprano Julie Roset, grande triomphatrice de ce spectacle, fait valoir une voix suave et fruitée et de belles affinités avec la colorature qui font passer un registre grave assez limité. Mais le style uniformément « galant » de la composition, son absence totale de modulation ou de contrepoint, et ses interminables reprises sans variantes finissent par lasser tant elles sont prévisibles. Seuls, les beaux interludes, l’amusant ballet finement chorégraphié par Michel Fau et ses deux danseurs sur la chaconne finale ainsi que le tableau vivant où Azor fait apparaître aux yeux de Zémire son père et ses sœurs réussissent à tirer le spectateur d’une certaine torpeur. À n’en pas douter, l’œuvre aurait sûrement bénéficié d’une approche plus « moderne », moins référentielle, qui aurait pu lui insuffler un supplément de vie.

C’est dommage pour une distribution de bon niveau où l’on retrouve l’excellent Marc Mauillon et son baryton-martin bien projeté en Sander, le ténor Sahy Ratia dans une tessiture un peu centrale pour lui, mais qui se rattrape par un instinct théâtral évident et de spectaculaires cabrioles. L’Azor de Philippe Talbot, malgré un timbre agréable, laisse entendre quelques tensions dans le haut de la tessiture et le rôle aurait sans doute bénéficié d’être distribué à une haute-contre plutôt qu’à un ténor lyrique. Dans la fosse, à la tête des Ambassadeurs — La grande Écurie, Louis Langrée fait le maximum pour animer cette partition, mais passé une ouverture assez brillante, malgré ses efforts et la qualité de l’ensemble orchestral, la partition de Grétry paraît souvent longuette et répétitive ce qui, associé à une dramaturgie superficielle, laisse l’auditeur sur sa faim.

Prochaines représentations les 28, 29 juin et 1er juillet.

plume_07 Frédéric Norac
26 juin 2023
norac@musicologie.org

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