Théâtre des Champs-Élysées, 10 janvier 2023— Frédéric Norac.
Photographie © musicologie.org.
Avec ce concert entièrement dédié a la musique française du tournant du xixe siècle et du premier xxe, Les Siècles fêtaient vingt ans d’existence. Un long parcours qui les a vus, avec leur chef et fondateur, François-Xavier Roth, révolutionner le répertoire symphonique et lyrique en optant pour une pratique « historiquement informée », privilégiant pour chaque époque les instruments contemporains et une disposition d’orchestre originale. Ce soir, les sept contrebasses sont placées en fond de scène avec les percussions et une cloche puis une petite fanfare, dans la salle, viennent spatialiser un des tableaux des rares Scènes alsaciennes de Massenet. Le Prélude à l’après-midi d’un faune qui ouvre leur programme, d’une transparence lumineuse où chaque détail instrumental prend un relief exceptionnel tout en gardant sa place exacte dans la texture globale, l’illustre abondamment. Dans cette pièce de 1894, c’est déjà toute la magie de Pelleas dont on pressente l’éclosion dans un lyrisme ample et sans lourdeur, un sens du climat, un paysage par petites touches, qui s’affirme comme une équivalence sonore de l’Impressionnisme en peinture. Flûte gracile, violon délicat, harpe aquatique, appels lointains des bois et des vents, transparence des cordes, l’ensemble et ses solistes font éclore un tableau vivant qui pose très haut l’attente pour le reste du concert.
Suivront deux pièces où l’énergie et la puissance de l’ensemble se déploient avec un sens rythmique et une exubérance jubilatoires, un rien d’acidité et beaucoup de mordant dans la première suite de Namouna (1881) et des contrastes maîtrisés pour la pièce la plus moderne de la soirée, la deuxième suite de Bacchus et Ariane d’Albert Roussel (1934).
En deuxième partie, c’est un Massenet peu connu, celui des Scènes alsaciennes (1882), où, dans un ensemble dominé par le sens du pittoresque, fait brièvement son apparition un thème militaire, suscitant immédiatement un moment de nostalgie, comme un rappel de l’annexion de la province par l’Allemagne après la défaite de 1870. Curieusement, après un Apprenti Sorcier proprement épique et déchainé (où l’on croirait voir l’extraordinaire mise en images de Walt Disney dans Fantasia), La Valse de Ravel parait un peu trop sage, manque de tension et d’âpreté, et ne laisse pas suffisamment pressentir l’emballement et la catastrophe finale qui n’arrive pas de façon aussi naturelle et évidente que l’on pourrait l’espérer. Sans doute, un rien de fatigue au bout d’un programme exigeant. En bis, le chef donne l’adagietto tiré de L’Arlésienne de Bizet, comme un retour aux sources du meilleur de la lignée des symphonistes français.
Ce beau concert annonce une année 2023, riche en nouveautés pour l’ensemble. Un disque consacré à la musique légère française à paraitre sous label « Bru Zane » le 23 janvier et un programme Stravinsky avec Isabelle Faust en mars chez Harmonia Mundi.
Du côté des concerts, l’orchestre ira à la découverte du répertoire des « Ballets russes », couplera la Fantastique de Berlioz avec Le Sacre du Printemps et même Mozart avec Ligeti. Côté opéra, il reprendra fin janvier à Lille, puis à Caen, le Pelléas et Mélisande mis en scène par Daniel Jeanneteau, créé pendant le confinement, et donnera en mars Le Rossignol de Stravinsky couplé avec Les Mamelles de Tirésias au Théâtre des Champs-Élysées puis Le Vaisseau fantôme dans une mise en espace de Benjamin Lazar en mai à Paris et Tourcoing.
Concert du 10 janvier enregistré par Mezzo pour une diffusion ultérieure.
Frédéric Norac
10 janvier 2022
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Dimanche 15 Janvier, 2023 3:44