Paris; Salle Cortot, 15 février 2023— Frédéric Norac
Ensemble Les Surprises et Perrine Devillers. Photographie © musicologie. org.
Les admirateurs de Marie Perbost (dont nous sommes) avaient de quoi être déçus. La chanteuse, malade, annulait le jour même sa participation au concert des Surprises dont le programme, centré sur les compositrices contemporaines de Monteverdi, leur promettait le fameux Lamento d’Arianna et bon nombre de raretés de Barbara Strozzi et Francesca Caccini. Courageusement, Perrine Devillers a accepté de la remplacer dans un programme toujours centré sur le seicento italien, mais du côté masculin.
La chanteuse nous était surtout connue comme soprano de l’ensemble Sollazzo avec lequel elle défend brillamment la musique du Moyen-âge tardif, mais nous ne l’avions jamais entendue dans un programme « lyrique ». Nous allions donc à la découverte d’autant que son programme n’était pas moins original que celui initialement prévu.
Il s’ouvre avec un rarissime Lamento d’Armide « Sovente all'hor » de Sigismondo d’India où, si sa maîtrise de l’ornementation se révèle impeccable, elle peine un peu à faire vivre une pièce longue et qui nécessiterait sans doute un peu plus de variété et d’engagement. Elle y paraît de surcroit un peu absorbée par l’accompagnement, faute sans doute d’une articulation plus nette qui lui permettrait de dominer l’acoustique de la petite salle Cortot. Les deux ariettes de Giulio Caccini « O che felice » et le célèbre « Amarilli » suivent et restent dans une tonalité toujours un peu sage. Il faut attendre les deux pièces d’inspiration sacrée, « O quam pulchra es » d’Alessandro Grandi et « Maria quam tu pulchra es » de Giovanni Rovetta, toutes deux issues du Cantique des Cantiques, pour que soudain l’interprète s’anime et que sa voix se libère pleinement, nous entraînant dans un univers spirituel qui semble lui être plus proche. Le confirme un magnifique motet de Giovanni Carpani « O dulcissime Jesu » et la dernière pièce du programme, de nouveau un lamento, de Benedetto Ferrari, que son titre « Queste pungente spine » (« ces douloureuses épines ») semble situer à mi-chemin entre registre amoureux et tonalité religieuse et auquel elle donne une belle intensité.
Louis-Noël Bestion de Camboulas, alternant au clavecin et au positif, la soutient de toute sa compétence, avec un petit ensemble de trois instrumentistes (théorbe, viole de gambe et violoncelle) et lui offre quelques respirations avec des pièces contemporaines : une Toccata e ballo de Picchi, des Variations sur Amarilli de Peter Phillips, une Intonatio de Merula, une Canzona a due bassi de Frescobaldi et une sonate de Merula sur un rythme de chaconne. Au final, le programme, monté semble-t-il, au pied levé, se révèle mieux qu’un ersatz ou qu’un « pis-aller ».
À n’en pas douter, si Marie Perbost annule également la reprise du concert prévue au Bouscat le 20 février, Perrine Devillers aura l’opportunité d’approfondir et de peaufiner son programme et de lui donner toute sa plénitude, sinon nous l’attendons au prochain rendez-vous.
Concert enregistré par France-Musique le 4 avril.
Frédéric Norac
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