Dijon, 6 et 7 mai 2023 — Frédéric Norac
Les Traversées baroques au musée Magnin de Dijon. Photographie © D. R.
Jusqu’au 25 juin, le Musée Magnin de Dijon accueille la collection De Vito, un ensemble de chefs d’œuvre de la peinture napolitaine des XVIe et xviie siècles aujourd’hui conservé près de Florence.
À cette occasion, la directrice du musée a eu l’idée de demander à l’ensemble Les Traversées baroques (lui-même basé à Dijon) un programme destiné à illustrer un parcours de visite et offrir ainsi une sorte d’équivalent musical à la découverte de l’esthétique picturale napolitaine. En petite formation (le violon de Clémence Schaming, le cornet à bouquin et les flûtes de Judith Pacquier, Olivier Pelmoine au théorbe et à la guitare, Laurent Stewart au clavecin et au positif), avec le concours de la soprano Dagmar Saskova et du ténor Vincent Bouchot, l’ensemble entraîne le public de salle en salle, et dresse un portrait très varié de la musique napolitaine du seicento et du settecento au milieu de peintres peu connus en France. L’exposition réunit en effet un siècle de peinture, allant des néo-caravagesques (Il Battistello, Stanzione ou Ribera) jusqu’au classicisme de Ricca ou au baroque triomphant de Mattia Preti, en passant par les mystérieuses toiles du Maître de l’Adoration des Bergers.
Les Traversées baroques au musée Magnin de Dijon. Photographie © MDT.
À la rareté des tableaux répond l’originalité du programme qui mériterait d’être repris et amplifié dans un concert autonome. D’une pièce pour luth de Kapsberger, on passe à plusieurs pièces vocales : « Nigra sum » du même, deux airs de Di Majo, un extrait des litanies de Cristoforo Caresana, une petite trouée instrumentale (le Consonanze stravaganti de Trabaci et les Folias de Falconieri) pour la flûte et le violon. Le parcours se termine par un authentique petit concert réunissant dans un petit salon tout l’ensemble dans des « madrigaux » de Ziani, Nenna, Majone et Falconieri parmi lesquels le « Dormite o pupille » de Ziani est celui qui nous a le plus séduitA Dans ce répertoire intime, au timbre brillant et à la virtuosité de la soprano répond la douceur de la voix ombrée du ténor, tous deux soutenus par un ensemble uni et stylistiquement cohérent qui se taille un joli succès.
En préparant ce concert « itinérant », la directrice artistique des Traversées baroques, Judith Pacquier, a eu l’idée de profiter de l’événement pour monter un programme ambitieux de musique religieuse contemporaine polyphonique, associant son ensemble à la Maîtrise de la Cathédrale dirigée par Étienne Meyer. Y figurent les grands compositeurs espagnols de l’époque qui, s’ils ne sont pas tous passés par Naples, ont certainement connu une certaine diffusion dans la cité parthénopéenne (Flecha, Guerrero, Victoria, Ortiz), quelques Franco-Flamands (Willaert et Philippe Rogier) et bien sûr les Italiens de la fin du seizième au tout début du dix-huitième (Nenna, Falconieri, Gesualdo et Scarlatti).
Cette musique trouve un cadre idéal et une acoustique absolument parfaite dans le vaisseau de l’église Saint-Michel à l’architecture très largement Renaissance.
La maîtrise de la cathédrale de Dijon et les Traversées baroques. Photographie © D. R.
La maîtrise de la cathédrale réunit des voix d’enfants (du CP au CE1), des adolescents et quelques voix adultes, principalement un petit chœur d’hommes. Y figure un bon nombre de voix de garçons qui apportent une couleur spécifique devenue assez rare à entendre. Si l’ensemble se distingue par la qualité des voix et son homogénéité, il surprend aussi par le niveau de formation de ses jeunes « solistes » qui leur permet d’aborder quelques œuvres particulièrement exigeantes comme ce Motet à six voix de Gesualdo « Tristis est anima mea » extrait des Répons de ténèbres que la modernité de ses modulations harmoniques rend particulièrement difficile à mettre en place. Parmi les pièces les plus marquantes du concert on retient le Magnificat de Diego Ortiz où le chef de chœur fait office de chantre, un très beau « Miserere » d’Alessandro Scarlatti ainsi que le très virtuose « Nigra sum » de Kapsberger où brille particulièrement la voix de la soprano Dagmar Saskova.
Commencé par une pièce en procession accompagnée au tambour, « Riu, riu chiu », une chanson populaire de Mateo Flecha qui met particulièrement en valeur les voix enfantines, le concert s’achève sur un somptueux « Exultate Deo » d’Alessandro Scarlatti qui marque l’ouverture sur l’esthétique baroque, après un parcours très varié d’une heure quinze où solistes, instrumentistes et choristes en formation variées ont pu donner une image très complète de l’expression religieuse « napolitaine » à cheval sur presque deux siècles.
Frédéric Norac
6-7 mai 2023
norac@musicologie.org
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Mardi 9 Mai, 2023 14:15