23 septembre 2023 — Frédéric Norac
Jouissons de nos beaux ans, Cyrille Dubois ; Orfeo Orchestra, Purcell Choir, sous la direction de Gyorgy Vashegyi, airs d'opéras baroque. Aparté 2023 (AP 319).
Depuis quelques années Cyrille Dubois s'est affirmé comme un des meilleurs spécialistes des rôles de haute-contre du répertoire français. Avec ce nouveau disque dont plus de la moitié des vingt-neuf extraits d’opéras enregistrés sont des premières absolues, il se montre un véritable découvreur de répertoire. Le programme concocté par le ténor lui-même avec le concours des musicologues du CMBV, offre un riche panorama de l’opéra français du xviiie siècle, de 1728 (Tarsis et Zélie de Rebel et Francoeur), à 1771 (Ovide et Julie de Jean-Baptiste Philibert Cardonne).
Parmi les compositeurs les plus rares, voire peut-être pour certains jusque là tout à fait inconnus, on citera François Lupien Grenet et son Triomphe de l’Harmonie (1737), Pierre Montan Berton (Deucalion et Pyrrhus, 1755), Bernard de Bury (Les Caractères de la Folie, 1743) et Pierre Iso (Phaëtuse, 1759).
Les grands noms n’y sont pas absents non plus : Dauvergne, Pancrace Royer, Mondonville, Francoeur et bien sûr Rameau, mais ils sont représentés, eux aussi, par des œuvres assez rares : Les Amours de Tempé (Dauvergne), Les Fêtes de Paphos (Mondonville), Le Pouvoir de l’amour, Zaide (Royer), L’Aurore et Céphale (Francoeur). De Rameau, certes, rien n’est tout à fait inconnu, mais les extraits choisis, essentiellement orchestraux et choraux, ne sont pas non plus des « tubes » (sauf peut-être la sublime « Descente de Polymnie » des Boréades) et ils offrent de fort belles transitions, permettant d’apprécier pleinement les qualités de l’Orfeo Orchestra et celle du chœur Orfeo sous la direction de Gyorgu VashegyI.
L’ensemble certes ne comporte pas que des chefs-d’œuvre, mais la variété d’inspiration compense une certaine uniformité stylistique. En spécialiste de ce répertoire qui va comme un gant à sa voix haut placée, Cyrille Dubois passe d’un registre à l’autre avec une totale facilité, tour à tour héroïque, tendre, mélancolique ou élégiaque. La succession des airs ne donne jamais l’impression d’une simple collection, mais porte l’auditeur comme un véritable récit. Chacun trouvera dans ce disque un air ou deux qui le séduiront particulièrement. Pour ce qui nous concerne, c’est celui de Philibert Cardonne extrait d’Ovide et Julie « Déguise bien mon cœur » qui nous a particulièrement séduit. Sa mélodie si simple et pleine de charme montre comment, au tournant des années 1770, les compositeurs ont su négocier une synthèse stylistique en intégrant certaines caractéristiques de l’opéra-ballet finissant aux apports de l’opéra-comique naissant et ouvrir ainsi de nouveaux horizons à l’opéra français.
Frédéric Norac
23 septembre 2023
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