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20 février 2023 — Jean-Marc Warszawski

Gwendal Giguelay étudiste de Frédéric Chopin

Chopin, Études, Gwendal Giguelay (piano), Douze études opus 10, douze études opus 25, Berceuse opus 57. By Classique Label 2022 (BT 011).

Chopin, Études, Gwendal Giguelay (piano), Douze études opus 10, douze études opus 25, Berceuse opus 57. By Classique Label 2022 (BT 011).

Enregistré au Studio de Meudon, avril-mai 2022.

Le pianiste Gwandal Giguelay est entré au conservatoire de Rennes, est passé par le national supérieur de Lyon pour sortir diplômé du national supérieur de Paris. Il se produit en soliste, en chambriste, notamment au sein du Trio Norma, il est chef de chant, travaille avec des troupes de ballet. Il a publié plusieurs ouvrages sur la musique de piano et l’improvisation dans la collection « Pour les nuls » et enseigne au conservatoire de Montreuil.

Après avoir enregistré, en compagnie du violoncelliste Louis Rodde des sonates de Gabriel Fauré et de Guy Ropartz (Nomadmusic 2016), il nous présente, cette fois seul, les 24 études des opus 10 et 25, composées par Frédéric Chopin entre 1829 et 1836, avec en bonus la berceuse opus 57 de 1844. Il laisse donc de côté les trois études supplémentaires et dernières de 1840 qui auraient pu compléter une intégrale.

Le choix de ce programme semble être lié à un rapport très personnel que le pianiste entretient avec ces études. Heureusement il peut aussi combler, pour toutes les raisons que l’on veut, bien des mélomanes. Suivant la générosité sonore que l’on prête au romantisme, Gwendal Giguelay, avec la grande virtuosité exigée par ce répertoire, a un jeu volontaire, incisif, projeté, à contrecourant de la tendance actuelle à la recherche de sons un peu plus feutrés des instruments d’époque, mais aussi, reconstitution historique oblige, à ce que l’on sait du jeu même de Chopin, un peu compassé dit-on. Mais il est vrai aussi que ces pièces ont un caractère un peu à part : des études.

Jusque-là, c’est-à-dire jusqu’à ces opus 10 et 25, les études, des exercices élaborés, plus musicaux, avaient pour but de travailler la technique autour de spécificités : le jeu en octaves, en tierce et en sixtes, les notes répétées, l’extension des mains (et leur rétractation), la gauche, la droite, le passage du pouce, voire le chevauchement des 5e et 4e doigts par le 3e, justement gagner également sur ce 4e doigt faiblard et peu indépendant. Robert Schumann avait imaginé un système (avec des ficelles ?) pour faire travailler ce bougre de 4e doigt, qui a abouti à la paralysie ou quelque chose comme cela genre crampe de l’écrivain. Aussi les grands intervalles, les arpèges démesurés, le chromatisme, les tonalités incommodes, la vélocité, et autres acrobaties digitales.

Mais chez Chopin, ces études sont en fait une démonstration de virtuosité. Elles ne sont pas faites pour casser les oreilles des voisins (là il faut se tourner vers les études de Clementi, Cramer, bien sûr Czerny), mais pour être jouées en concert. La merveille est que ces études ont une immense intensité musicale. Ce sont en fait de magnifiques fantaisies d’une virtuosité extrême dont le premier sujet est une difficulté ou un détail technique pianistique.

Ce ne sont pas les pièces les plus enregistrées de Chopin, mais peut-être les plus purement pianistiques, comparées au belcantisme mélodique à l’allure aérienne et quelque peu modale sur une harmonie tonale assez ouverte qui font la personnalité musicale du compositeur. Il se rapproche ici de ses amis Robert Schumann et Felix Mendelssohn. Si Franz Liszt aimait ces études et que Chopin disait les aimer quand son ami les jouait, elles ne sont pas passées, à l’époque, comme une lettre à la poste, mais parfois comme des curiosités à se tordre les doigts.

On dit à juste titre que ces études sont comme un testament, parce que tout y est au sommet, musicalité et virtuosité. Mais ce sont des œuvres de jeunesse. Disons le testament de Chopin abandonnant la jeunesse au profit du Chopin adulte, qui ne vécut d’ailleurs pas très longtemps. Un testament, c’est fait pour l’avenir. Un avenir qui a, me semble-t-il, perduré par certains aspects, dans le piano de Karol Szymanowski.

 

plume 7 Jean-Marc Warszawski
20 février 2023


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