Cathédrale Saint-Louis des Invalides, 13 avril 2023 — Frédéric Norac
L’ensemble nantais Stradivaria. Photographie © musicologie.org.
Un peu en retard sur la Semaine sainte, la saison musicale des Invalides donnait l’occasion rare d’entendre à Paris l’ensemble nantais Stradivaria. Daniel Cuiller qui le dirige du violon, avait choisi un programme réunissant Réforme et Contre-réforme, prouvant au final que les divergences entre les deux doctrines s’effacent lorsqu’il s’agit d’invention musicale. Les quatre Symphoniae Sacrae de Schütz (SW 258, 257, 259 et 349) qui ouvraient le programme regardent en effet nettement du côté de l’héritage vénitien de Gabrieli et seule la langue les différentie de la production des compositeurs italiens de la même époque. L’une d’entre elles est du reste composée sur un texte latin.
Le bref et unique mouvement de la cantate BWV 200 où Bach adapte un air de son contemporain Gottfried Heinrich Stölzel constitue une excellente transition vers le xviiie siècle de Pergolèse après les monodies post-madrigalesques du xviiie siècle allemand.
Si, pour l’accompagnement des airs « luthériens », le chef a choisi une certaine sobriété instrumentale mettant les voix de ses solistes plus à découvert, c’est avec un effectif légèrement renforcé du côté des basses (quatre violons, un positif, une viole de gambe, une basse de viole et un théorbe) qu’il aborde le Stabat Mater de Pergolèse qui, par son importance et sa longueur, constitue le morceau de résistance du concert.
Avec son « dolorisme » léger, sa grâce et son évidence mélodique, le chef-d’œuvre du compositeur italien constitue en effet un parfait exemple de l’expression de la Contre-réforme en musique, même si Bach lui-même devait en réaliser une parodie sur un texte allemand dès 1740, prouvant ainsi son admiration pour le génie du compositeur italien, mort quatre ans plus tôt, à l’âge de 26 ans.
Il fait partie de ces œuvres auxquelles on ne résiste pas et qui se renouvellent à chaque écoute et à chaque nouvelle interprétation. Celle de Daniel Cuiller et de l’Ensemble Stradivaria reste essentiellement « musicale », peu théâtralisée, avec des tempi assez allant, mettant en valeur la beauté de l’écriture vocale plus que le caractère dramatique de l’épisode de la Passion auquel il se réfère. Ses solistes y trouvent toutefois matière à faire valoir leur expressivité. Leurs voix se complètent à merveille dans les duos et leur alternance renouvelle à chaque numéro des sensations très différenciées. Au soprano très pur aux aigus cristallins de Maïlys de Villoutreys, s’élevant dans l’acoustique aérienne de la cathédrale, répond l’alto corsé au médium puissant et aux aigus sans effort de Paul Figuier, d’une grande sûreté dans les ornements. Si le contre-ténor paraît plutôt réservé au plan expressif, l’homogénéité de ses registres et la précision de son style emportent l’adhésion. La soprano quant à elle n’a aucun effort à fournir pour emporter l’auditeur dans la suavité de son discours vocal. Si l’on pouvait parfois souhaiter un peu plus de théâtralité, on reste comblé par l’élégance de l’interprétation et la beauté formelle de l’ensemble. Au final, le succès est complet et le chef offre en guise de bis une reprise de l’introduction.
Ô mon bel inconnu : le « boulevard » musical de Guitry et Reynaldo Hahn — Faire du neuf avec du vieux : la saison 2023-2024 des théâtres lyriques parisiens — Des Puritains de bon aloi — ... Tous les articles de Frédéric Norac ... norac@musicologie.org.
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