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Opéra Comique, 28 mai — Frédéric Norac

Breaking the waves: la Passion de Bess

Sydney Mancasola (Bess McNeill), choeur Aedes. Photographie © Stefan Brion.

Grand Prix au Festival de Cannes 1996, « Breaking the waves » de Lars von Trier avait fait quelques remous à sa sortie. L’histoire, située dans une communauté puritaine en Écosse, raconte comment Bess, une jeune fille quelque peu déséquilibrée, se sacrifie corps et âme pour sauver son mari paralysé et devenu impuissant suite à un accident, en se donnant, à sa demande, à d’autres hommes, afin de le maintenir en vie. Sa passion tout à la fois charnelle et mystique la conduit à une totale déchéance, au rejet par ses proches et à la mort tandis que son mari se relève au final, miraculé.

Vingt ans plus tard, la compositrice Missy Mazzoli et son librettiste Royce Vavrek en ont fait un opéra. D’une incroyable intensité, l’œuvre nous entraine au plus profond de la passion de Bess, de son besoin dévorant d’appartenir à Jan, de sa souffrance et de son incapacité à affronter le manque physique. Elle met en scène son rapport à Dieu comme une sorte d’auto-dialogue où elle fait à la fois les questions et les réponses, soutenue de façon spectaculaire par le chœur masculin.

La partition assume totalement l’héritage de Benjamin Britten tant dans l’écriture vocale que dans l’orchestration et le choix d’un registre polytonal. Elle se révèle d’une incroyable efficacité et maintient une tension totale pendant les deux heures quarante-cinq que dure le spectacle. Dans un dispositif scénique d’une extrême simplicité — un jeu de colonnes en fausse perspective, monté sur une tournette qui évoquera tour à tour tous les lieux de l’action grâce à des projections vidéo — la mise en scène de Tom Morris sert le propos avec une direction d’acteurs sans concession, dont la crudité met à rude épreuve le rôle principal de Bess, incarné avec un engagement total par Sidney Mancasola.

Sydney Mancasola (Bess McNeill), Jarrett Ott (Jan Nym. Photographie © Stefan Brion.

Elle est soutenue par une distribution impeccable où se distinguent le baryton chaleureux de Jarrett Ott, incarnant Jan, la Dodo de Wallis Giunta, unique amie de l’héroïne, l’âpre Mère de Susan Bullock et le Dr Richard Richardson du ténor Elgar Llÿr Thomas. L’importance de l’élément choral explique sans doute le choix de cette œuvre par Mathieu Romano dans ce qui semble être sa seconde expérience comme chef d’opéra. Le chœur d’hommes de l’ensemble Aedes, incarnant la terrible loi « biblique » de la communauté de Bess, la voix de Dieu et la sauvage libido masculine dans quelques scènes cauchemardesques est un des éléments majeurs de la dramaturgie.

Dans la fosse, l’orchestre de chambre de Paris se révèle pleinement à la hauteur des exigences d’une partition d’une grande complexité sous ses dehors toujours évidents pour l’auditeur. Au final l’adhésion du public est si entière à ce grand moment de musique et de théâtre lyrique, que l’on regrette que seulement trois représentations aient été prévues pour cette œuvre puissante qui vous emporte en effet comme une grande vague et mériterait d’être découverte par le plus grand nombre.

Prochaines représentations les 30 et 31 mai.

plume_07 Frédéric Norac
28 mai 2023
norac@musicologie.org

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Mardi 30 Mai, 2023 15:19