Opéra-Comique, 19 mai 2022 — Frédéric Norac
La Périchole, Opéra-Comique, Julie Goussot, Marie Lenormand, Lucie Peyramaure (les trois cousines), chœur les éléments. Photographie © Stefan Brion.
Des quatre opéras-bouffes composés par Offenbach sur des livrets de Meilhac et Halévy, La Périchole est sans doute le moins populaire, en tous cas le plus rarement donné. Paris ne l’avait vraisemblablement pas vue depuis la production inusable de Jérôme Savary, reprise à l’Opéra-Comique, alors sous sa direction, en 2007. On se réjouissait donc de la redécouvrir dans une édition soignée, basée sur l’édition critique de Christophe Keck, avec une distribution de premier plan et des moyens à la hauteur d’une partition dont les charmes sont nombreux. Hélas, la mise en scène surchargée, flirtant souvent avec la vulgarité, de Valérie Lesort écrase son humour léger et sa satire pointue sous des tonnes d’effets visuels et de grosse rigolade.
Le premier acte qui s’achève sur l’inévitable cancan donne le ton. Débauche de costumes farfelus ou pseudo-péruviens pour le chœur, décors caricaturaux d’opérette provinciale, déguisements grossiers pour les ministres, dialogues surjoués dans le registre le plus artificiel possible, omniprésence d’un groupe de danseurs censés animer le plateau à chaque air, comme si la musique d’Offenbach ne suffisait pas à l’intérêt de la pièce. Ici la profusion des moyens tue le théâtre. Si les deuxième et troisième actes s’allègent (et s’améliorent) un peu, le mal est fait et l’on reste sur la défensive, même si les costumes « inventifs » des dames d’honneur et ceux un peu moins drôles des courtisans et du vice-roi arrivent à faire légèrement sourire dans la scène parodique inspirée de La Favorite de Donizetti. Celle de la prison et son vieux prisonnier, façon Abbé Faria, est sans doute la plus authentiquement drôle parce que justement traitée dans le style bricolé qui sied à ce répertoire et qui fait le succès des productions d’amateurs.
La Périchole, Opéra-Comique, Thomas Morris (Tarapote), danseuses. Photographie © Stefan Brion.
Sur le plateau, Stéphanie d’Oustrac apporte au rôle-titre une gouaille qui lui convient dans les dialogues, mais manque de naturel dans les airs, surtout dans les plus célèbres, celui de la Griserie et « Je t’adore, brigand » qu’on aimerait plus authentiquement sensuel. En Piquillo, rôle de ténor léger composé pour Dupuis, Philippe Talbot manque curieusement de projection et de brillant, sauf dans son dernier air, plus lyrique dont la tessiture lui convient mieux. Le Vice-roi de Tassis Christoyannis n’a certes pas la faconde et la fausse rondeur des grands barytons qui s’y sont brillamment illustrés (tel le regretté Gabriel Bacquier, pour ne citer que lui) et se révèle d’une présence limitée. Un peu plus convaincants les seconds rôles, Éric Huchet en Don Miguel et Lionel Peintre en Don Pedro, le trio des Cousines et le duo des Notaires. L’excellence en fait est l’apanage du chœur Les Éléments, d’une parfaite clarté d’articulation, et de la fosse où la direction élégante et souple de Julien Leroy à la tête de l’Orchestre de chambre de Paris fignole les intermèdes dans une interprétation subtile à l’extrême opposé de ce que nous propose la scène. D’évidence, nous devions être mal embouchés, car la production se taille un succès sans réserve au rideau final.
Prochaines représentations les 21, 23 et 25 mai
Une Périchole de légende, Maggie Teyte (1888-1976), seconde Mélisande de la production originale de l’opéra de Debussy dans lequel elle succéda en 1910 à Mary Garden.Le cauchemar égyptien de Jules César : Giulio Cesare in Egitto vu par Damiano Michieletto — Un Or du Rhin étincelant — Le triomphe de Thaïs — Deux concerts en un : Priez pour la paix — Le mariage « heureux » des deux Baptiste : Le Sicilien ou l’amour-peintre et Le Mariage forcé, de Molière et Lully par les Malins Plaisirs.
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Samedi 21 Mai, 2022 1:58