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Basilique de Saint-Denis, 7 juin 2022 — Frédéric Norac

Un Stabat Mater de Pergolèse « grand format » : Pretty Yende, Elisabeth DeShong et Les Surprises, au Festival de Saint-Denis

Pretty Yende, Elisabeth DeShong, Les Surprises, Basilique de Saint-Denis, 7 juin 2022. Photographie © Edouard Brane.

La vague baroque nous a tout à fait déshabitués d’entendre des voix avec un large vibrato dans la musique du xviiie siècle, singulièrement dans ce Stabat Mater de Pergolèse où règnent désormais les « falsettistes » en tous genres, contre-ténors et sopranistes, et où même parfois les voix féminines semblent vouloir les imiter dans l’émission et la recherche de certaines couleurs. Aussi cette rencontre entre l’ensemble Les Surprises (sur instruments anciens) et deux grandes voix d’opéra, la soprano Pretty Yende et la mezzo Elisabeth DeShong avait-elle de quoi intriguer. La première, grand lyrique aux affinités colorature, est plutôt associée au belcanto romantique et à l’opéra français du xixe tandis que le répertoire de la seconde, plus éclectique, va de Händel à Puccini en passant par les rôles travestis rossiniens.

D’entrée de jeu, le ton est donné du côté de chacun des partenaires de cette aventure. Après une subtile ouverture du Farnace de Vivaldi qui met en valeur la transparence et la souplesse des cordes de l’ensemble au grand complet, la soprano sud-africaine attaque un « Let the bright Serafim » du Samson de Haendel où elle dialogue avec une trompette « baroque », qui met en valeur le brillant de son registre aigu et sa capacité à vocaliser. Après la brève Sinfonia al sepolcro de Vivaldi, elle se joint à Elisabeth DeShong qui fait entendre une voix au grave profond et très corsé, mais une véritable souplesse et une belle homogénéité des registres dans « He shall feed his flock » du Messie de Haendel. Les deux voix très contrastées s’unissent avec un bonheur certain, la clarté du timbre de la soprano illuminant la teinte sombre de celui de la mezzo.

Ainsi sont-elles prêtes, après une rare ouverture de l’opéra Ulisse in campania, d’obédience plutôt galante, de la compositrice Maria Teresa Agnesi, pour affronter la pièce de résistance du programme.

La direction de Louis-Noël Bestion de Camboulas favorise nettement les voix dans les mouvements lyriques et lents (grave de l’introduction et largo) et l’ensemble voix et instruments s’épanouit singulièrement dans les duos où l’orchestre se fait caressant, atteignant un sommet d’expressivité dans le « Quando corpus morietur » qui précède l’Amen très enlevé. Dans les passages rapides et vocalisant, toutefois, les tempi très accélérés mettent à l’épreuve les chanteuses, particulièrement Pretty Yende dont le médium n’est pas très puissant. A ses solos, la mezzo apporte beaucoup d’expressivité et la soprano des ornements très soignés. Si l’accord est parfait entre les deux solistes, la rencontre avec l’ensemble parait parfois moins fusionnelle, voire légèrement déséquilibrée par la puissance des voix rapportées à la délicatesse des cordes baroques, ce qui sans doute bride un peu l’émotion, mais n’empêche pas un succès sans partage à ce concert exceptionnel par le format des ses solistes.

plume_07 Frédéric Norac
7 juin 2022


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Vendredi 10 Juin, 2022 1:33