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Théâtre des Champs-Élysées, 15 janvier 2022 —— Frédéric Norac.

Un élixir au goût français : L’Elisir d’amore en version de concert

Cyril DuboisCyril Dubois, Photographie © Philippe Delval.

Après la reprise à Bastille en début de saison de la production increvable de Laurent Pelly, c’était au tour des « Grandes Voix » de proposer une nouvelle version (de concert) de L’Elisir d’amore de Donizetti.

Principal intérêt de cette initiative, les débuts de la soprano belge, Jodie Devos, et ceux du ténor français Cyril Dubois dans les rôles principaux, Adina et Nemorino.

Si ce dernier, annoncé malade ou plutôt relevant d’une laryngite, laisse un peu dubitatif sur son adéquation à ce répertoire, ce n’est pas tant faute de moyens que parce que sa voix de ténor léger, un peu blanche, manque de couleur pour assumer tout le lyrisme de l’écriture de son rôle. Avec son intelligence musicale incontestable, il compense ces limites par des effets qui voisinent souvent le maniérisme. Mais peut-être cela est-il affaire de goût et on lui reconnaîtra une ligne de chant élégante, des variations impeccables et un certain sens comique pour incarner le paysan naïf transi d’amour.

La voix de la soprano en revanche s’est singulièrement élargie en quelques années, sans perdre de sa souplesse et de son brillant. Avec un abattage et une maîtrise de la colorature qui font merveille dans son dernier air, où elle donne toute la mesure de moyens exubérants qui on n’en doute pas devraient l’amener vers les rôles plus lourds comme Lucia di Lammermoor, par exemple, annoncée dans sa version française à Montréal.

Julie Devos.Julie Devos. Photographie © Marco Borggreve.

Du côté des clefs d’ut, Philippe-Nicolas Martin en Belcore, n’est pas exactement le belcantiste attendu. Certes la voix du baryton est belle, mais sa maîtrise de la vocalise bien timide ne lui permet pas de donner sa pleine dimension à son personnage de militaire bravache et suffisant, sauf dans le récitatif et les ensembles où il s’affirme avec une autorité certaine. En Giannetta, Catherine Trottmann fait valoir un timbre corsé où se sentent encore ses origines de mezzo. Seul italien de la distribution, Nicola Ulivieri possède un superbe timbre de basse chantante, mais sa tendance à pousser le volume d’un instrument qui n’en a pas besoin, gâte un peu la musicalité de ses interventions et son Dulcamara a une fâcheuse tendance à parler son rôle.

La direction fluide et précise de Francesco Lanzilotta qui donne la partition dans son intégralité, avec toutes ses reprises, est un émerveillement de tous les instants. Sa battue insuffle une pulsation vitale à la musique de Donizetti, avec des tempi d’une parfaite justesse. Parfois peut-être un peu tendue, mais toujours attentive à ses chanteurs à qui elle permet variations et cadences, elle valorise le chatoiement de l’orchestration, fait briller les pupitres solistes de l’Orchestre national d’Île-de-France et parvient même à récupérer un chœur de chambre de Rouen, visiblement insuffisamment préparé, et quelque peu décalé dans ses premières interventions.

 

plums_07 Frédéric Norac
15 janvier 2022.


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