Mozart Concertante, Aleksandra Kurzak, Yuuki Wong (violon), Péter Keserü (cor), Morphing Chamber Orchestra sous la direction de Tomasz Wabnic. Aparté 2021 (AP265).
Enregitré du 1er au 5 février 2021, Loraly Hall, Vienne.
Il « suffit » d’écouter deux airs de ce remarquable CD, mozartien dans l’âme, pour se convaincre des prodiges de la voix d’Aleksandra Kurzak : « Der Hölle Rache » extrait de Die Zauberflöte et « Ruhe sanft, mein holdes Leben » de Zaide (Francfort, 1876). Deux extrêmes, deux absolus pour une seule et même ligne de chant : le premier s’impose par l’aridité furieuse et désincarnée des aigus — éclatantes stricto sensu notes de fa — d’une mère qui menace sa fille de reniement tandis que le second, débordant d’une chaude sensualité, offre un — très — attachant menuet de l’héroïne tombée sous le charme de Gomatz, esclave endormi. Interprétation tout aussi admirable : la renonciation douloureuse à l’amour par Sifare « Lungi da te, mio bene » à l’acte II de Mitridate, re di Ponto (Milan, 1770), tout comme les graves stables « Veggo la morte, ver me avanzar », énoncés par Vitellia, dans son « Ecco il punto » juste avant l’aveu de sa culpabilité à Tito dans La clemenza di Tito (Prague, octobre 1791). L’amour toujours, entre les regrets de Fiordiligi « Ei parte…Per pietà » dans Cosi fan tutte (Vienne, 1790) et les languissantes mélancolies de Konstanze pensant à Belmonte « Welcher Kummer… » à l’acte II de Die Entführung aus dem Serail (Vienne, 1782). Un pur bonheur !
Ce n’est toutefois pas l’unique l’attrait de cet album publié chez Apartemusic : aux six enregistrements de la soprano succède la Symphonie concertante pour violon et alto en mi bémol majeur K. 364. Si cette œuvre est inspirée par la résidence de Mozart à Paris où cette forme « hybride qui mêle genre symphonique et concerto est très appréciée des Français », elle résulte aussi des influences de l’Ecole de Mannheim, regroupée autour de Johann Stamitz et qui a « su spiritualiser les matériaux musicaux » : la symphonie concertante devient « un concerto à solistes multiples mettant en valeur tels ou tels instruments en en faisant briller les ressources techniques par des alliances, des oppositions ou des dialogues » (Émile Vuillermoz, Histoire de la musique, Le livre de poche, n° 4805, 1973, p.167). Ainsi, les trois mouvements Allegro maestoso, Andante et le — célèbre — Presto donnent à entendre un dialogue subtil et équilibré mais non dénué de caractère ni de fantaisie entre le Konzertmeister (premier violon solo) Yuuki Wong et l’alto solo Tomasz Wabnic : dialogue soutenu par le Morphing Chamber Orchestra, phalange créée en 2006 par l’altiste Tomasz Wabnic mais renommée depuis Vienna Chamber Orchestra en raison de son élargissement à d’autres instrumentistes. La recommandation d’acquérir cet album est aussi superflue que le fait de prétendre ajouter du sucre sur du miel.
Nice, le 27 février 2022
Jean-Luc Vannier
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Samedi 1 Mars, 2025 14:59