Athénée Théâtre Louis-Jouvet, 21 mai 2022— Frédéric Norac
Georges Dandin ou le mari confondu, Athénée Théâtre Louis-Jouvet. Photographie © Marcel Hartmann
L’année Molière a ceci de bon qu’elle donne l’occasion de redécouvrir ses pièces telles que ses contemporains purent les recevoir. C’est le cas de Georges Dandin, créé en 1668 dans le cadre du « Grand Divertissement royal de Versailles », avec des intermèdes de Lully, et que cette production qui les restitue remet en perspective.
On s’étonne un peu de voir cette sombre comédie, où le dramaturge met en scène les affres cruelles d’un paysan parvenu, marié à la fille de hobereaux désargentés imbus de leur (petite) noblesse (les biens nommés M. et Mme de Sotenville), associée à de délicates bergeries qui exaltent l’amour et se conclue sur un débat entre Amour et Bacchus, légèrement décalé et quelque peu parodique des prologues mythologiques de l’opéra-ballet.
Molière ici n’épargne personne, ni la victime ni les bourreaux, les parents de son épouse auxquels il faut ajouter son galant, le courtisan avantageux Clitandre et le couple ancillaire, Claudine et Lubin, qui sont la caricature populaire du couple principal. Seule, peut-être l’épouse, Angélique, mariée sans son avis et dans l’intérêt de ses parents, et dont les frasques au fond paraissent bien pardonnables au regard du sort que lui souhaiterait son bourgeois de mari, trouve-t-elle grâce aux yeux du dramaturge qui se montre, à sa façon, féministe, en tous cas du côté des femmes.
Autant la satire est féroce, autant la bergerie est douceâtre et convenue et met en relief par contraste les ridicules et la trivialité de la comédie. La mise en scène de Michel Fau qui joue à la perfection le rôle-titre dans un registre ahuri et désespéré, se sert d’un étrange décor baroque « pyramidal » qui représente à lui seul l’étagement des « classes » sociales, Dandin étant systématiquement dominé par ses beaux parents, sa femme et son galant qui apparaissent dans une sorte de gloriette gothique tandis que le pauvre hère est maintenu au rez-de-chaussée avec les valets.
Georges Dandin ou le mari confondu, Athénée Théâtre Louis-Jouvet. Photographie © Marcel Hartmann.
Le jeu est toujours un peu « forcé » et du côté de la farce, et les costumes de Christian Lacroix sont d’un baroquisme très réussi. On s’amuse, on jubile. Le fond de scène un bleu fleurdelisé nous rappelle les circonstances de la création et de fausses végétations s’ouvrent régulièrement pour les entrées des chanteurs tout emplumés et en costumes typiques du ballet de cour.
Agréable, mais sans véritable originalité la musique de Lully, voire un rien languissante parfois, vaut surtout pour le contraste qu’elle crée avec la noirceur de la pièce. Elle est brillamment interprétée par l’ensemble Marguerite Louise et un quatuor de chanteurs où se distinguent particulièrement la basse-taille et le bas-dessus que nous regrettons de ne pouvoir nommer (faute d’information sur l’alternance des interprètes). Au fond, si la musique ne pourrait faire sans la pièce, la comédie elle n’a rien perdu de sa pertinente impertinence et l’on imagine bien qu’elle devait déclencher quelques rires jaunes et qu’il fallait bien quelques douceurs musicales pour la faire passer à la création devant le Roi et toute sa cour.
Représentations à l’Athénée du 24 au 29 mai
Spectacle en tournée : Chambéry (1er et 2 juin), Berne (9 juin), Caen (14 et 17 juin), Arles 24 juin, Opéra royal de Versailles (23, 24 et 25 septembre).
Une Périchole lourdingue et sans charme — Le cauchemar égyptien de Jules César : Giulio Cesare in Egitto vu par Damiano Michieletto — Un Or du Rhin étincelant — Le triomphe de Thaïs — Deux concerts en un : Priez pour la paix.
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Lundi 23 Mai, 2022 4:22