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Paris, Athénée Théâtre Louis-Jouvet, 14 mars 2022 — Frédéric Norac

L’âme du « bush » : Damien Pass aux Lundis musicaux

Damien PassDamien Pass. Photographie © Lorenzo Fornari.

Dans ses 30 Leçons de chant, le baryton Charles Panzera1, dit que pour trouver sa voix et sa voie, le chanteur doit passer par son répertoire naturel, celui de sa langue maternelle. Avec ce récital, Damien Pass, jeune baryton-basse d’origine australienne, installé en France depuis une dizaine d’années où il a été pensionnaire de l’Académie de l’Opéra de Paris, en fait amplement la démonstration. D’entrée de jeu, deux mélodies anglo-saxonnes, la première, américaine, tirée de In the woods de Stephen Sondheim, et la seconde, britannique, The Crocodile de Benjamin Britten, donnent la mesure des possibilités d’une voix aux graves profonds, mais rayonnante aussi dans le registre supérieur et capable des plus délicats pianissimi. À travers elles, l’interprète s’affirme, avec une science du mot et une expressivité qui compensent largement le fait de comprendre ou non la langue dans laquelle il chante (même si le théâtre a eu la bonne idée de surtitrer les mélodies anglaises et allemandes). Il y revient après un détour par Saint-Saëns, Schubert et une ballade de Carl Loewe, avec « Black Max » de William Bolcom, un autre extrait particulièrement émouvant de In the Woods, « No one is alone », suivis d’une série de chansons populaires australiennes, finement arrangées pour piano par Arthur Lavandier, où d’évidence c’est toute l’âme de son pays natal qui s’exprime, avec un naturel et une simplicité pleine de charme, auxquels s’ajoute une touche d’humour. Cela ne signifie pas que ses mélodies françaises (Le Pas d’arme du Roi Jean, l’Invitation au voyage et même L’Homme à la moto), ses Schubert (Erlkönig, Doppelgänger, Wanders Nachtlied, et An Schwanger Kronos) soient moins captivants, mais ici c’est plutôt le métier et la technique qui sont à l’œuvre et ils sont certes accomplis, mais ne nous touchent peut-être pas de la même façon. On apprécie la profondeur qu’il apporte aux Lieder tragiques, son sens du récit dans Eduard de Loewe et l’élégance de son phrasé chez Duparc. L’articulation en revanche dans la ballade de Saint-Saëns pourrait encore gagner en clarté.

Sa personnalité rayonnante et généreuse crée une empathie immédiate avec le public auquel il n’hésite pas à s’adresser, s’amusant à lui donner une leçon d’Australien. Sa complicité humaine et musicale avec Alphonse Cemin qui l’accompagne est patente. À une salle enthousiaste, il offre de nombreux bis, une chanson américaine (non identifiée), les trois brèves mélodies de Satie (La statue de bronze, Le chapelier, Daphénéo) chantées avec toute la malice voulue et une savoureuse Chanson des escargots qui vont à l’enterrement qui conclut sur une note joyeuse une soirée chaleureuse.

1. L’Art vocal : 30 leçons de chant, Librairie théâtrale, 1959.

plums_07 Frédéric Norac
14 mars 20222022


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