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Paris, cathédrale Saint-Louis des Invalides, 11 octobre  — Frédéric Norac

« Grosse » Petite messe solennelle aux Invalides

Orchestre symphonique de Munich, chœur régional Vittoria d’Île-de-France, sous la direciton de Lucie Leguay. Photographie © Caroline Doutre - CIC.

Ultime composition d’un Rossini de 71 ans, la Petite messe solennelle a été conçue pour un effectif réduit : un chœur de douze chanteurs dont devait sortir le quatuor de solistes et surtout un accompagnement réduit à deux pianos et un harmonium qui en fait en grande partie l’originalité. Cette instrumentation (dictée par les conditions de la création, la consécration d’une chapelle privée) semble situer l’œuvre dans une sorte de second degré, un monde de réminiscences venues du passé du compositeur d’opéra auxquelles se mêlent celles de la musique d’église canonique, notamment dans les passages purement choraux comme le « Cum sancto spirito » fugué et d’autres passages a capella.

Plus tard, son éditeur demanda à Rossini une version orchestrée, ce que le compositeur, bien que satisfait de la première version, se décida à faire pour que personne d’autre que lui ne le fasse « moins bien ».

C’est cette version qui a semblé aux programmateurs de la Saison musicale des Invalides s’adapter à l’énorme vaisseau de la cathédrale Saint-Louis. Ils ont réuni à l’orchestre symphonique de Munich un chœur d’une bonne soixantaine de choristes (le chœur régional Vittoria d’Île de France) pour une exécution qui, se voulant grandiose, a paru bien souvent grandiloquente et brouillonne. Non que les deux ensembles ne soient à la hauteur des exigences de la partition, le chœur parfaitement homogène et en place, l’orchestre sans défaillance, mais l’acoustique du lieu ajoutée à une tendance de la cheffe Lucie Leguay à taper fort dans les tutti a pour résultat une impression de machine énorme dont ne surnagent que des détails orchestraux égarés dans une masse sonore écrasante. Cette impression ne s’efface que dans les airs solistes et les passages a capella.

Du côté des chanteurs, on retient surtout le soprano suave et expressif de Raquel Caraminha à qui est consenti le « O salutaris », une pièce ajoutée par Rossini pour la version orchestrée, et qui donne une interprétation inspirée du « Crucifixus », moment méditatif du Credo. Il revient au mezzo profond d’Ambroisine Bré de conclure le concert sur la prière ardente et pacifiée de l’Agnus Dei avec les répons du chœur. La basse « stentorienne » de Paul Gay s’impose avec beaucoup d’autorité, mais manque un peu de souplesse pour les aspects vocalisants de sa partie. Le ténor Paul Gaugler remplaçant Florian Cafiero manque de brillant et son « Domine Deus » aux aigus hauts perchés sent l’effort, mais il se coule parfaitement dans les ensembles. Le célèbre « Préludio religioso », hommage à Bach du vieux Rossini qui, désormais passionné par le piano en découvrait les œuvres pour clavier, se banalise un peu sur le grand orgue en perdant ce caractère abstrait que lui donne le piano, mais l’instrument se coule souvent avec bonheur dans la texture orchestrale. De cette exécution inégale et un peu extérieure, on sort avec l’impression que l’esprit même de cette œuvre si particulière dans son mélange d’auto-ironie, d’interrogation et de foi sentimentale, n’a été que partiellement capturée et s’est perdue dans l’importance des moyens. 

plume_07 Frédéric Norac
11 octobre 2022


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