musicologie

De la musique de chambre comme jamais entendue

Quatuors pour trois instruments, Antoine Mourlas (piano) Mary Olivon (piano), Hector Burgan (violon), Cyrielle Golin (violoncelle), œuvres d'Hermann Berens, Felix Mendelssohn, Ferdinant Hummel. Calliope 2022 (CAL 2195).

Enregistré les 16-19 février 2021, au temple Saint-Marcel à Paris.

Nous connaissions déjà l’addiction au romantisme, au répertoire étonnant, aux premières gravures qui en valent à l’oreille et ses canalisations, du pianiste Antoine Mourlas et de la violoncelliste Cyrielle Golin, grâce à leur très beau cédé « Un moment chez les Schumann » (Klarthe 2019), où il est avéré qu’un Schumann peut en cacher deux autres.

Cette fois ils ont rameuté la pianiste Mary Olivon et le violoniste Hector Burgan. Tout cela additionné fait quatre, comme quatuor… à trois instruments, piano, violon, violoncelle, d’où le titre énigmatique qui titille la curiosité.

Nous ne sommes pas certain que ce fut une formation très répandue au xixe siècle, mais les musiciens ont eu tort de ne pas la répandre plus.

Bref, pour le prix d’un cédé trois découvertes sont offertes : une magnificence sonore, inouïe au sens propre, (même si la prise de son en rajoute un peu) et deux compositeurs de la famille romantique, souvent associée aux paysages de Rhénanie, peut-être parce que la maison des Schumann à Düsseldorf en fut un temps la centrifugeuse. Mais cette fine équipe est bien haute et basse saxonne. Schumann de Zwickau, son épouse Clara, de Leipzig, Mendelssohn de Berlin, Brahms de Hambourg.

Hermann Berens est né une vingtaine d’années plus tard que cette bande là, à Hambourg et a mené toute sa carrière en Suède, à Stockholm : un extrémiste. S’il n’est pas tout à fait inconnu, il est tout de même aujourd’hui très inconnu, sauf pour les pianistes chez lesquels amis et voisins se débarrassent des partitions de leurs grands ou arrière-grands-parents.

Il a pourtant plus de cent quatre-vingts œuvres à son catalogue, de l’opéra, de l’opérette, un peu-très peu d’orchestre, de la mélodie, des chœurs, de la musique de scène, de la musique de chambre, surtout beaucoup de piano, y compris pour les débutants et pas mal d’exercices et études. Et quatre Gesellschaftsquartett (on peut traduire par quatuors de salon), pour piano à quatre mains, violon et violoncelle, dont les 3e et 4e sont ici pour la première fois enregistrés.

L’ouverture de Ruy Blas de Felix Mendelssohn réduite du grand orchestre par Carl Buchard, grand arrangeur devant l’éternel, est esthétiquement cohérente, dans le sentiment dramatique.

La sérénade dans le printemps du Berlinois Ferdinand Hummel et carrément de la fin du xixe-début xxe siècle (rien à voir le célèbre Johann Nepomuk Hummel. Comme pour Schumann, un Hummel en cacher d’autres) est au contraire une pastorale pleine de charmes, de nappes atmosphériques, d’arabesques suaves, de marches guillerettes, au bord parfois du flonflon, avec des élans mélodiques à faire fondre les pierres, où l’influence de Vienne, devenue capitale du divertissement, que Berlin va bientôt disputer, se fait sentir. Et quel finale, ce Fröhliche Heimlkehr, ce joyeux retour à la maison, après s’être promené dans le printemps.

C’est à peine une respiration dans l’incroyable densité sonore et musicale qui atteint la plénitude orchestrale tout en conservant la vivacité réactive, mobile, nerveuse, la circulation thématique, propres à la musique de chambre.

Ce sont bien là des découvertes, deux compositeurs d’une grande habileté et un ensemble instrumental d’enfer, défendus de manière mirifique.

Hermann Berens, Gesellschaftsquartett no 4, opus 80, 3e mouvement (extrait), plage 12.

1-4. Hermann Berens, Gesellschaftsquartett no 3, opus 72..
5. Felix Mendelssohn, Ouverture de Ruy Blas, opus 95.
6-9. Ferdinand Hummel, Im Frühling, opus 37.
10-13, Berens, Gesellschaftsquartett no 4, opus 80.

Jean-Marc Warszawski
16 mai 2022
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Lundi 16 Mai, 2022 5:10