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Paris, Opéra-Comique, 14 février 2022 — frédéric norac

« Coronis » : une zarzuela virale contre le coronavirus

Tutti. photographie © Stefan Brion.


Décidément Vincent Dumestre est un grand découvreur de partitions oubliées. après Cadmus et Hermione de Lully et en attendant la version inédite du Couronnement de Poppée, « Il Nerone », que proposera l'Athénée avec les Jeunes chanteurs de l'académie de l'Opéra de Paris, à partir du 2 mars, c’est une zarzuela des années 1700 (ressuscitée en 2019 à Caen) qui termine ces jours-ci une longue tournée (un peu contrariée par la pandémie) à l’Opéra-Comique. Coronis, c’est son titre,  raconte le combat entre les dieux Apollon et Neptune, pour la possession de la belle nymphe éponyme que convoite aussi Triton, le fils adoptif du dieu des Mers. le petit monstre marin qui sème la terreur dans le royaume de la belle, finira occis par le dieu solaire et il faudra l’intervention de Jupiter, via Iris sa messagère, pour que cesse le combat et que la nymphe donne la préférence à Apollon. sous cette fable mythologique inspirée d’Ovide se cache une métaphore politique, celle de l’affrontement des Habsbourg, en la personne de Charles ii, avec les Bourbon, Représentés par Philippe d’Anjou, petit-fils de Louis xiv et nouveau roi sous le nom de Philippe v, pour la possession de la couronne d’Espagne.

Cet enjeu, à peine crypté, n’empêche pas l’œuvre de se déployer avec toute la légèreté et le sens comique indispensables à un divertissement. à ces personnages mythologiques, le librettiste (anonyme) ajoute un petit chœur de bergers parmi lesquels se trouve un couple ancillaire, Sirène et Ménandre, dont les querelles font l’objet d’une scène savoureuse avant le dénouement et dont le mariage sera célébré en même temps que celui des héros mythologiques.

Cyril Auvity (Protée), Élodie Chan (danseuse-acrobate). photographie © Stefan Brion.


La musique attribuée à Sebastian Duron, un compositeur pratiquement inconnu jusqu’ici, en dehors des spécialistes du baroque espagnol, se situe à la convergence de plusieurs courants, l’opéra italien dont on retrouve les lamenti, la tragédie lyrique française pour le récitatif instrumenté, le tout pimenté de rythmes et de formes populaires (tonadas) et d’instruments typiquement espagnols (harpe, guitares, tambourin et castagnettes) résultant dans une œuvre très variée, d’une riche invention mélodique et merveilleusement orchestrée. Sa grande particularité est d’être entièrement conçue pour des voix féminines, à l’exception du rôle du devin Protée, chanté par un ténor (l’excellent Cyril Auvity).

Le spectacle imaginé par Omar Porras est très une grande réussite visuelle, jouant la carte d’un baroque éclectique et coloré, avec des costumes tout droit sortis d’un livre de contes (Bruno Fatalot), un décor inventif (Amélie Kiritzé-Topor) et des éclairages superbes générant de magnifiques images (Mathias Roche) : le dieu des Mers, apparaissant dans un grand arbre de corail ; l’ambiance très réussie de la grotte de Protée ; le paysage dévasté par la guerre des dieux où sur l’unique arbre calciné descend des cintres un nouveau feuillage. de grands effets pyrotechniques et des chorégraphies acrobatiques contribuent à animer le plateau.

De la distribution impeccable, on retient la délicieuse Coronis de Marie Perbost aux allures de meneuse de revues et le touchant Triton d’Isabelle Druet mais tous ne méritent que des éloges, et plus particulièrement le petit chœur dont le rôle est très important, tous soutenus par le Poème Harmonique, distillant une subtile musicalité aux timbres raffinés. Pour finir, une petite réserve en forme d’interrogation. Dès le début de la représentation, on se demande en quelle langue l’œuvre est chantée, car presque jamais on n’a l’impression d’entendre de l’espagnol, malgré la présence au « générique » d’un conseiller linguistique. Serait-ce l’influence musicale italienne qui phagocyte ainsi les accents de la langue ?

Prochaines et dernières représentations les 15, 16 et 17 février.

Le label Alpha vient de faire paraître un enregistrement en 2 cd de Coronis .

Marielou Jacquard (Apolo), Marie Perbost (Coronis), Eugénie Lefebvre (Iris), Victoire Bunel (Sirène), Anthea Pichanick (Ménandro), Stephan Olry (Marta), Alice Botelho, David Cami de Baix, Caroline le Roy, Ely Morcillo, Michaël Pallandre (danseurs et acrobates). Photographie © Stefan Brion.


plums_07 Frédéric Norac
14 février 2022.

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