Caen, 22 février 2022 —— Alain Lambert.
Neuf tableaux s’enchaînent dans ce périple pécuniaire en Amérique et en enfer pour Anna, jeune danseuse envoyée travailler afin de financer la maison familiale en Louisiane. Après le prologue, sept étapes urbaines correspondent aux sept péchés capitaux la Paresse, l’Orgueil, la Colère, la Gourmandise, la Luxure, l’Avarice et l’Envie avant l’épilogue où la vidéo de Yann Chapotel, remarquable, qui accompagne le spectacle nous montre une baraque en bois toute abîmée aux vitres brisées, symbole sans doute annonciateur des drames à venir en ce début des années trente.
Dans cette reprise de la création au théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet [voir la chronique parisienne de Frédéric Norac], coproduite par le théâtre de Caen et l’Orchestre Régional de Normandie dirigé par Benjamin Levy (et non son propre ensemble comme lors de la création), dans la mise en scène de Jacques Osinski, avec Noémie Ettlin, le corps dansant d’Anna, Nathalie Pérez sa voix et sa conscience morale, son surmoi (ne paresse pas, ne te prend pas pour une artiste, ne te révolte pas contre l’injustice, ne mange pas trop, n’aime pas, ne gaspille pas et soit rentable en tout, n’envie pas, en bref fais-toi exploiter au nom de la morale familiale des (tout) petits bourgeois…). Et c’est bien l’injustice, le premier péché capital ignoré de la religion dominante, représentée par un choral à quatre voix d’hommes, les parents et la fratrie, que Brecht dénonce tout au long de cette cantate qui le dit clairement : qui s’oppose à l’injustice se fait partout mettre dehors/qui se met en colère à la vue des sévices, mieux vaudrait pour lui être mort !
La mise en scène et en espace est simple et réussie, la voix principale est belle, les autres parodiques, les séquences dansées s’intègrent parfaitement et gagnent encore dans le tango à deux de Youkali, (paroles de Pierre Fernay) l’une des trois chansons intelligemment ajoutées de Kurt Weill, avec la Complainte de la Seine et Je ne t’aime pas (deux textes de Maurice Magre dont on regrette qu’ils ne soient pas surtitrés comme les autres, retenant notre attention sur les mots en oubliant la musicalité du chant). L’orphéon un peu jazzy, augmenté de quelques cordes, s’amuse à mêler les airs populaires et la musique savante propre à la modernité de Kurt Weill. Une belle réussite qui met en valeur l’actualité intemporelle des textes de Brecht.
En tournée le 25 février à l’Arsenal de Val-de-Reuil.
Alain Lambert
22 février 2022
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Jeudi 24 Février, 2022 15:04